Monsieur Jouyet ne monte pas souvent au créneau médiatique, son profil politique s'efface volontiers au profit de ses responsabilités de haut fonctionnaire de l'Etat, et je dirais même que de son maintien émane un certain parfum discret de fonctionnarisme qui le protège ( en apparence ?) de tout soupçon d' ambition politique personnelle.
Ses déclarations destinées à nous éclairer sur les relations Sarkozy-Brown-Merkel, et sur les propositions soutenues par Monsieur Nicolas Sarkozy pour une présidence de l'Eurogroupe et un "Gouvernement politique de l'Europe", sont assez modérées, de même en ce qui concerne la future Présidence de l'Europe par le Dirigeant Tchèque.
Le secrétaire d'État chargé des Affaires européennes, interrogé sur la rencontre Sarkozy-Brown de mardi soir, a souhaité que naisse une «vision commune» européenne qui sera défendue lors du sommet du G20 du 15 novembre prochain.
Voici reproduite intégralement ci-dessous l'interview accordée par Monsieur Jean Pierre Jouyet à Guillaume Tabard du "Talk Orange-le Figaro, le mardi 28 Octobre 2008
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Le secrétaire d'État aux Affaires européennes était l'invité du Talk Orange-Le Figaro, ce mardi.
Guillaume Tabard - Jean-Pierre Jouyet, M. le secrétaire d'État aux affaires européennes, bonsoir.
Jean-Pierre Jouyet - Bonsoir.
Et merci d'avoir accepté l'invitation du Talk Orange-Le Figaro.
Merci à vous.
En ce moment même, Nicolas Sarkozy et Gordon Brown se rencontrent au pavillon
Ce qui est important c'est qu'entre les deux hommes qui se connaissent depuis longtemps, entre deux pays qui sont des puissances économiques et financières, l'un dans la zone Euro l'autre qui ne l'est pas, il y ait une vision commune de ce que l'on peut attendre de cette réunion du 15 novembre, quel agenda, quel thème discuter, quel rôle pour le Fonds monétaire international, et également comment est-ce que l'on travaille après ce sommet du G20 ?
Lorsque l'on regarde l'Europe des dirigeants, entre Sarkozy et Brown, c'est le grand amour alors que entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, c'est toujours pas la lune de miel. Alors est-ce que l'on n'assiste pas finalement à un renversement des alliances habituelles en Europe ?
Non, on ne peut pas dire cela, les relations ne sont pas de même nature, là on est dans le domaine économique et financier, on a à affronter une crise économique et d'origine financière, et dans ce domaine, le Royaume-Uni est un partenaire incontournable. Gordon Brown et Nicolas Sarkozy ont été ministres de l'Économie et des finances, ils ont tissé des liens personnels, avec l'Allemagne, nous sommes dans la zone euro, ce n'est pas le cas du Royaume-Uni, nous sommes engagés avec l'Allemagne dans une relation à long terme et que je sache, on est arrivé jusqu'à présent à coordonner un ensemble de mesures également, allons dans le même sens et adoptons des principes communs aussi avec l'Allemagne.
Mais n'empêche, les propositions de
Mais il a raison, l'Europe, sans l'Angleterre, c'est l'Europe sans une sensibilité à laquelle nous avons besoin et je veux dire que l'Angleterre sera encore plus proche de la zone euro que nous en serions encore plus heureux, on a besoin d'une Angleterre qui soit influente en Europe et d'une Angleterre qui soit européenne. C'est lorsque l'Angleterre s'éloigne de l'Europe que l'Europe se trouve en difficulté, on a aussi besoin et cela ne peut pas en être autrement, d'une entente franco-allemande qui soit forte, l'entente franco-allemande reste le moteur de l'Europe à moyen et long terme, rien ne se fait si
Mais est-ce qu'il ne faut pas prendre des moyens de la rendre plus fluide cette relation franco-allemande ?
Il y a toujours des moyens de rendre plus fluide la relation, ce que j'observe, c'est que dans les initiatives qui ont été prises par le président de
Mais il y a pas moins de personnel entre les deux dirigeants ?
Non, ils n'ont pas le même tempérament mais je crois qu'on ne peut pas résumer non plus les relations européennes et les ententes à des questions simplement de feeling personnel, pour reprendre en ce jour, de rencontre entre
Alors à Washington, dans quinze jours, est-ce que vous pensez que l'on va voir finalement un modèle européen s'imposer sur le gouvernance économique du monde ?
Je crois que l'Europe parlera d'une voix unie dans cette réunion du G20, elle l'a déjà fait en présence de Mme Merkel, je vous le signale, lors du sommet avec l'Asie, nous avons également convaincu les Asiatiques de faire en sorte qu'ils participent à cette refondation du système financier international, et je crois que l'Europe a la possibilité de faire entendre sa voix et de faire valoir son modèle. Je note que les États-Unis, dans le plan Paulson 2, ont repris un certain nombre de propositions qui étaient faites dans le cadre européen, que ce soit dans le cadre du G4 ou dans le cadre du Conseil européen.
Il y a une semaine, Nicolas Sarkozy était devant le Parlement européen, à Strasbourg et il a eu cette petite phrase dont on n'a pas fini de faire l'exégèse. Nous l'écoutons : «Le vrai gouvernement économique de l'Eurogroupe, c'est un Eurogroupe qui se réunit au niveau des chefs d'État et de gouvernement. Et qu'elle ne fut pas ma stupéfaction, quand j'ai demandé cette réunion, de constater que c'est la première fois depuis la création de l'euro, qu'elle avait lieu». Concrètement, maintenant, est-ce que
Pour préparer la rencontre de Washington, le 15 novembre prochain, il y aura un déjeuner des chefs d'État et de gouvernement, à 27, ce qui nous paraît important, c'est qu'à chaque fois que nécessaire, il y ait effectivement dans la zone euro où nous partageons la même banque centrale, la même monnaie, les mêmes solidarités sur le plan financier et budgétaire, qu'il y ait au niveau approprié, et si nécessaire au niveau des chefs d'État et de gouvernement, les réunions qui s'imposent. Je ne vois là rien d'anormal, cela a toujours été une thèse qui est défendue aujourd'hui par Nicolas Sarkozy mais de Jacques Delors à Nicolas Sarkozy en passant par Jacques Chirac, Lionel Jospin, Laurent Fabius, Dominique Strauss-Kahn qui a mis en place l'Eurogroupe, tous les dirigeants français que j'ai connus, ont défendu la thèse qu'il fallait une gouvernance plus politique et plus économique de la zone euro, ce qui est nécessaire.
Et prosaïquement, est-ce que cela veut dire que, après la présidence française, Nicolas Sarkozy pourrait incarner ce gouvernement de l'euro ?
Il ne faut pas personnaliser le débat, vous voyez bien que vous avez engagé pour sauver le système financier et européen 1 700 milliards d'euros, vous voyez bien, compte tenu des sommes qui sont en jeu, que ce sont des montants, que ce sont des décisions à prendre, des prises de participation, des prêts, vraiment des garanties très importantes, ce sont des décisions à prendre au niveau des chefs d'État et de gouvernement qui ne peuvent pas être prises au niveau des ministres de l'Économie et des finances. Jean-Claude Juncker préside l'Eurogroupe, il est chef de gouvernement et ministre de l'Économie et des finances, il préside l'Eurogroupe, en ce qui concerne les ministres de l'Économie et des finances, lorsque les chefs d'État et de gouvernement se réuniront, ce que je souhaite, à la tête de l'Eurogroupe, ils désigneront la personne qui leur paraîtra la plus à même de donner l'impulsion nécessaire à cette meilleure gouvernance économique et politique.
On entend beaucoup dire pendant cette crise financière heureusement que c'est un grand pays qui préside l'Union européenne, est-ce que ce n'est pas un peu désobligeant pour les pays petits dont
Dans tout ce qui a été dit il y a une chose que je veux absolument clarifier, le fait que vous vouliez mieux organiser l'Eurogroupe, que vous vouliez avoir une coordination des actions économiques au sein de la zone euro, pour être plus réactif face à la crise, n'a rien à voir et ne porte en rien préjudice à la présidence tchèque, les Tchèques vont assurer normalement la présidence de l'Union européenne à partir du 1er janvier. Ce qui ne va pas, dans le système européen actuel, ce n'est pas une question de grand ou de petit, il était bon non seulement d'avoir un grand pays mais un dirigeant qui soit réactif et qui ait véritablement su, sur le plan international, sur le plan économique et financier, prendre les orientations qui s'imposaient, mais ce qui est important c'est d'assurer la continuité. Ce dont nous souffrons aujourd'hui, c'est que vous changez de responsable au niveau européen tous les six mois, quand vous êtes dans des situations de crise, qu'elle soit internationale, économique ou financière ou institutionnelle, il est important d'avoir une certaine continuité, et c'est pour cela que le Traité de Lisbonne est essentiel.
La présence durable, c'était le projet du Traité de Lisbonne, aujourd'hui bloqué par le non irlandais. Pensez-vous qu'il soit possible d'avancer et de relancer le processus avant les élections européennes de juin ?
Écoutez, vraiment, je l'espère très profondément, ce que nous souhaitons, c'est que d'ici la fin de la présidence française et au Conseil européen du mois de décembre, nous ayons une sorte d'accord politique avec nos amis irlandais, à 27, qu'ils nous disent quelles sont les propositions dont ils ont besoin, que nous puissions leur amener les garanties juridiques qu'ils souhaitent pour que ces propositions ou dérogations dont ils ont besoin, soient mises en œuvre et qu'on ait une feuille de route la plus précise possible concernant la mise en œuvre de ce traité.
Question plus personnelle pour terminer : on a lu que des confidences de votre part, que vous souhaitiez quitter le gouvernement après la présidence française. Vous avez démenti mais de manière plus ou moins allusive alors concrètement, voulez-vous quitter le gouvernement et si oui, quand ?
Ce pas du tout comme cela se passe, on est dans une situation qui, comme vous le voyez, est une situation d'urgence, une situation de crise, il faut tenir le cap, cela étant, j'ai un profil qui est un profil qui est à la fois fonctionnaire d'un responsable politique, je me suis toujours intéressé aux activités politiques mais je ne souhaite pas, pour des raisons personnelles, faire de la politique active que ce soit dans le cadre d'élections européennes ou d'élections législatives et je ferai, je l'ai dit, et assumerai les fonctions que le président de
Donc, si cela ne tient qu'à vous, il n'y a pas de limite à votre présence dans ce ministère ?
Il n'y a pas de limite à ma présence, je suis à la disposition du président de
En clair, vous ne serez pas candidat aux élections européennes ?
Cela, c'est clair.
Jean-Pierre Jouyet merci et rendez-vous demain pour une nouvelle édition du Talk Orange-Le Figaro.
Merci à vous.