Éditorial de lucienne magalie pons
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L'âge post-théologique
de la folie du monde
1 - Métazoologiue de l'animal cérébralisé
Comment
un chat découvrirait-il la nature féline de sa race s'il se voyait réfléchi sur
la rétine des chats ? Le lecteur sait que, depuis 2001, j'essaie de poser les fondements
d'une simianthropologie critique qui tenterait d'échapper à la tautologie de
regarder l'animal rationale avec les yeux de l'animal rationale
lui-même.
Depuis
des siècles, c'est en se faisant apostropher par des dieux que les évadés de la
zoologie tentent d'échapper à cette aporie. Mais, depuis que le fonctionnement
politique de "Dieu" se révèle observable du dehors et à l'école de
son système judiciaire, c'est l'animalité de "Dieu lui-même" qui se
mesure à la barbarie de ses châtiments et à l'enfantillage de ses récompenses.
Quand l'éthique de la créature commence de dépasser celle de ses Olympes,
ceux-ci se réfléchissent dans le miroir des civilisations capables de
construire l'observatoire de la sauvagerie commune aux hommes et à leurs
divinités. Et pourtant, les ténèbres annoncent l'ascension du soleil. Le pacte
de la méta-zoologie avec la science historique de demain portera un regard sur
la vraie postérité d'Erasme et de Darwin; car les nouveaux politologues devenus
des logiciens diront qu'un vivant dont la cervelle se trouve en cours
d'évolution se trouve nécessairement placé entre deux espèces d'animaux.
La
dislocation mentale que subit le simianthrope actuel fera donc progresser la
science de l'animalité spécifique dont souffre la boîte osseuse d'un primate
lexicalisé et dont la cérébralisation grammaticalisée s'est flanquée d'une
conque sommitale scindée entre des songes et des mangeoires. On n'apprendra à
observer de l'extérieur un bimane tout juste détoisonné et dichotomisé pour
longtemps entre ses grammaires et ses râteliers que si l'on cesse de piétiner
au seuil de la connaissance métazoologique de l'histoire et de la politique
qu'appelle l'Europe d'aujourd'hui.
L'animalité
simiohumaine est nécessairement encéphalique. Inutile de la chercher dans le
champ en friche de la zoologie traditionnelle : on n'est pas un animal
spécifique à partager le boire, le manger et le sexe avec les autres animaux,
mais parce qu'on pense de travers. L'homme tombe dans des pièges proprement
cérébraux.
Exemple
: le verbe putare dont le français a tiré putatif, mais aussi amputer,
n'a pris le sens de penser que tardivement. En latin putare
signifiait d'abord couper, découper, donc cerner et délimiter.
C'est pourquoi la bête humaine s'imagine que toutes choses sont calibrables.
Elle trace des frontières et se laisse enfermer dans des enceintes - l'espace
et le temps seront censées entourés de barrières.
La
folie originelle d'enclore était partagée par Einstein lui-même, qui se
demandait si l'univers avait une clôture. On la retrouve dans le
compartimentage politique du mythe de la Liberté. Cette pieuvre étend ses
tentacules vassalisantes sur le monde ! Penser, pour l'homme en devenir, c'est
s'installer dans l'infini, tandis que, pour la bête, c'est lier penser à
amputer - putare à amputare.
L'Angleterre
est une nation pragmatique. C'est pourquoi elle a tenté de découper l'Europe en
petites portions "souveraines" et au nom même de la Liberté, afin de
l'amputer, donc de l'apprêter à sa vassalisation par les Etats-Unis.
2 - Les malodorances du mythe de la Liberté
On
appelle recul, distanciation ou objectivation un savoir
surplombé par le regard de la raison scientifique d'une époque. Comment peser
ce recul à son tour? La vassalisation actuelle d'une Europe tombée dans un
délire de type parareligieux (L'Europe, un asile d'aliénés) soulève la
question de la folie précisément connaturelle au regard pseudo rationnel, que
nous portons encore sur l'infirmité cérébrale qui frappe de plein fouet les
fuyards du règne animal .
La
vraie question nous appelle donc à radiographier l'éloignement cérébral avorté
de la bête, donc ce qui lui manque, à savoir un instrument d'observation fiable
de la folie innée dont elle est demeurée l'otage. Quel est le théâtre de la
géopolitique contemporaine en tant qu'elle ne voit pas la folie viscérale qui
l'inspire, et cela à la manière, précisément, dont Erasme dénonçait les
théoriciens de l'enfer de son temps - mais seulement avec le sourire de
l'humaniste sur les lèvres. Qu'en est-il de la folie de la bête lexicalisée par
la croyance selon laquelle il existerait des rôtissoires fumantes qui se
prépareraient, dit-elle, à faire bouillir sa chair et à en porter le fumet aux
narines d'un Zeus avide de leur malodorance?
Le
banc d'essai de l'auto-asservissement volontaire des Etats européens
d'aujourd'hui aux puanteurs du mythe impérial de la démocratie américaine
présente un champ d'expérimentation des senteurs de l'histoire du monde. Mais
il y faut une histoire de la semi-animalité d'Adam et de ses odeurs cérébrales,
tellement la vassalité intellectualisée se révèle riche d'enseignements
psychobiologiques inattendus et inespérés. Qu'en était-il du cerveau en folie
de notre espèce il y a deux mille ans seulement et qu'en est-il des relations
délirantes que cet organe entretient désormais aussi bien avec notre politique
mondiale de la Liberté qu'avec notre science faussement théorisée?
3 - Les spéléologues nouveaux de la folie
Cinq
siècles après la parution, en 1509, de L'Eloge de la folie, il
est devenu impossible d'éluder la question la plus décisive de toutes, celle
qui se pose à l'Europe de la raison: car la science historique est en quête
d'une boussole méta-théologique. Cette quête est devenue inévitable dès lors
que le sacré illusoirement laïcisé d'un côté et le sacré demeuré ecclésial,
liturgique et rituel, de l'autre se rencontrent pour se donner, une fois de
plus, le rôle de protagonistes de la planète de nos songes ensanglantés.
Du
coup, les Etats illusoirement désacerdotalisés du Vieux Monde se voient
interdire l'hérésie de laisser dans l'irréflexion la nécessité de doter d'un
gouvernail les peuples prématurément qualifiés de libres et vassalisés
par le clergé pseudo rationnel que les démocraties messianiques ont enfanté.
Mais c'est aux clercs désarmés qu'il faut expliquer en premier lieu les
malheurs qui ont frappé leur mythe de la Liberté dès lors que les chefs d'Etat
ignorent la nature des fers qu'ils portent aux chevilles. Il faut donc porter
remède à la méconnaissance du contenu proprement zoologique que les
pseudo-sciences humaines modernes tentent d'occulter - car elles se réclament
en vain d'une Clio et d'une politologie dont le désenchaînement n'est pas à
leur portée.
Autrefois
les grands hommes d'Etat flairaient le terrain d'un pif souverain, ce qui
suffisait à les doter d'une avance souveraine sur le savoir politique
irréfléchi de leurs congénères encore solidement entravés par la scolastique du
Moyen-Age. Certes, Henri IV se trompait lourdement de rappeler, avec un
haussement d'épaules, que "Paris vaut bien une messe". C'était
traiter avec trop de désinvolture l'encéphale dont la France de son siècle
faisait usage. Quant à Charles Quint, il savait, en simple praticien d'une
histoire censée décryptée à l'écoute de la foi de son temps qu'on ne saurait
unifier un peuple scindé entre deux cosmologies mythiques condamnées à
entrechoquer leurs dogmes, leur catéchèse et leur sophistique respectifs
jusqu'à ce que mort s'ensuive.
Puis,
à partir du XVIIIe siècle, l'avance relative des têtes politiques sur celles
des infaillibles du ciel et de l'enfer de leur époque s'est cruellement
inversée: c'étaient désormais les chefs d'Etat attachés au timon des affaires
qui avaient pris un grand retard sur la connaissance rationnelle des secrets
psychogénétiques de l'espèce devenue schizoïde à l'école de son langage. Dès
les premiers pas du XXe siècle - qui s'engageait résolument dans la postérité
vivante, donc sacrilège, de Darwin - nous commencions de disposer d'une
simianthropologie capable d'observer du dehors la course trébuchante des
fuyards de la zoologie. Mais comment remonter aux sources psycho-biologiques
des dichotomies sacrées que le monothéisme a déclenchées dans l'histoire
titubante de l'humanité?
La
bête biphasée à l'école de l'affolement de ses neurones - et cela aussi bien
dans ses sciences exactes que dans ses religions - ne saurait livrer les
secrets proprement cérébraux de sa folie à une classe de savants
artificiellement placée à l'écart de la tribu et parquée dans l'enceinte de la
raison tridimensionnelle antérieure à 1904. Mais, de leur côté, les chefs
d'Etat porteurs du harnais des jours ne sauraient ignorer plus longtemps les
ressorts semi-zoologiques des Républiques messianisées et sotériologisées par
leur mythe de la Liberté. Qu'en est-il des rouages des idéologies grisées par
les neurones de la démocratie ?
Le 12
décembre 2014
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