La Première séance du mercredi 30
janvier 2013 à l’Assemblée Nationale
faisait place à de nombreuses questions au Gouvernement au nombre desquelles , la Circulaire de la garde des sceaux,
la Refondation de l’école, la Gestation
pour autrui, la Situation de l’entreprise Goodyear, la Restructuration de
la Banque de France, l’Assistance médicale à la procréation et gestation pour
autri, la Situation de la pêche française, la Sécurité des pilules
contraceptives, la Loi bancaire, la Réforme des rythmes scolaires, la Défiscalisation
outre-mer, le Financement des retraites, la Contraception, la Dette sociale des
entreprises outre-mer, le Conseil national de la montagne, une fois toutes ces
questions aux gouvernement épuisées , après une suspension et reprise de séance
la discussion générale a été reprise sur l’ouverture du mariage pour
tous
Depuis mardi j’ai suivi avec attention en me
branchant au moyen de mon ordinateur directement sur le site de l’Assemblée
nationale qui retransmet en direct
toutes les séances, certaines questions qui touchent à l’économie, le
commerce, l’industrie, la finance, le social, la santé, l’environnement
m’intéressent , mais ce qui m’intéresse
encore plus de sont les questions qui touchent à notre société dans ce qu’elle
a de plus humain et qui touchent à l’essence même de son être , au nombre
desquelles en premier lieu son identité sexuelle physique
telle que décidée par la nature, reconnue à sa naissance comme telle,
soit du sexe masculin, soit du sexe féminin
et également son patrimoine biologique et génétique.
Cette évidence est contournée par
la fameuse théorie des genres au moyen de la quelle de « beaux esprits
« qui n’ont rien de scientifiques
professent leur idéologie
personnelle même s’ils se qualifient de
psychologues, psychiatres, éducateurs, penseurs, philosophe etc… remettent en cause le sexe des personnes et
des enfants reconnus au moment de la naissance
en prétendant que c’est la société qui a la naissance a décidé du sexe
de l’enfant selon son apparence physique, mais que cette identité sexuelle peut
être remise en cause par un individu
selon son orientation, sa pratique sexuelle, ses sentiments affectifs, son attirance, son amour du même sexe , ses gouts
vestimentaires et son apparence comme homme ou femme , autrement dit qu’une
personne de sexe masculin peut revendiquer légalement d’être une femme, et qu’une
personne de sexe féminin peut légalement
revendiquer d’être un homme.
Autant nous faire avaler des couleuvres !
Cette fiction comme s’il
s’agissait d’une vérité scientifique
qu’elle n’est pas, est propagée par les groupes
« gays-lesbiens-transgenres » et apparentés, dans le monde entier
par des associations et des lobbies qui font de la propagande et militent dans
le monde entier pour faire pressions sur les politiques en vue de légaliser leurs thèses.
Il faut croire que leur audience est grande auprès des dirigeants et
politiques puisque ces propagandistes ont carte blanche pour venir développer
leurs arguments au sein même du temple de l’éducation nationale puisque qu’ils sont
invités et reçus et dans certains
lycées publics et les universités parfois même accompagné d’un ou d’une
Ministre en exercice, pour faire des conférences au cours desquelles ils expliquent que
l’orientation sexuelle des individus détermine pour ainsi dire leur sexe , que
ceux qui dans la société combattent cette idée sont des homophobes et qu’il
faut les combattre, que le couple
homosexuel entre deux personnes du même
sexe doit être institutionnalisé par
l’ouverture du mariage au même titre que celui d’un couple hétéro sexuel (
homme et femme) et pour étayer leur propagande il agitent les principes
démocratiques de liberté, égalité ,
fraternité, au nom de la reconnaissance
par la société de l’amour, et des sentiments, qui lient
les deux partenaires du couple homosexuel et leur droit à fonder
une famille avec des enfants.
Jusqu’à présent la reconnaissance
de l’orientation sexuelle, de l’amour, des
sentiments, du désir de fonder une famille et du désir d’enfants des
couples homosexuels n’était exposée
et débattue que dans opérations
médiatique de propagandes émanant des milieux associatifs, en
conférences, en articles, ou encore en
conversation privées entre différentes
personnes, mais depuis le début des
séances à l’Assemblée Nationale sur le
projet d’ouverture du mariage aux couples
de personnes du même sexe, lles ministres et les députés socialistes
soutiennent et défendent ce projet en séances an nom
de l’égalité des droits en le justifiant par
l’amour « légitime » , les sentiments , le désir légitime de fonder
une famille et d’avoir des enfants
pour les couples homosexuels , mais encore en disant que l’institution
du mariage hérité du « passé » est « dépassée » , par les modèles
de familles telles qu’elles existent dans
leur diversité , qu’en conséquence l’institution du mariage doit qu’elle
doit s’adapter à l’évolution des
mœurs aux mutations de notre temps , et
constitue une réforme de civilisation.
Je ne suis d’accord sur aucun de
ces arguments de gauche, quand à
adapter et réformer nos lois au prétexte
qu’il faut suivre l’évolution des mœurs, c’est un argument tout à fait
inapproprié, en effet l’évolution des
mœurs est tout à fait sporadiques, elle dépend des époques, plus ou moins
laxistes, permissives ou au contraire rigoureuse , l’évolution des mœurs peut aller dans le bons sens, comme elle peut
aller dans un mauvais sens , imaginez par exemple que les couples polygamiques
se multiplient de plus en plus dans notre société, est-ce pour autant qu’une
nouvelles fois les âmes sensibles, sentimentales et compassionnelles du PS
enfourcheraient leur cheval de combat
pour réformer la civilisation par un loi instituant le mariage
polygame en France ?
Enfin il faut savoir que les civilisations évoluent dans le temps et qu’il ne suffit pas pour les dirigeants
politiques de saisir les
comportements minoritaire de manière
instantanée pour prétendre justifier une
réforme de civilisation, car c’est bien
de cela qu’il s’agit et on voit bien
qu’il s’agit pour le PS en réalité d’un enjeu politique.
Du côté de l’opposition UMP et de
droite, les députés intervenants opposés à ce projet de loi de « mariage
pour tous » évitent ces épanchements sentimentaux , si chers au PS et à la gauche, qui en abusent
comme dans une show réalité, un feuilleton à l’eau de
rose, par contre les intervention de l’opposition UMP et de
droite, visent le fond de cette
question et en analysent les
incohérences et conséquences pour l’ensemble de la société en évitant les
débordement et excès de langage.
Moi qui ne suis pas de droite, ni de gauche, qui ne suis pas
adhérente d’un parti quel qu’il soit et mon appréciation sur les idées
politiques et les projets politiquent se
fonde sur une morale essentiellement laïque
pour prendre parti pour ou contre,
cette fois je souscris pleinement aux interventions des
opposants de droite qui se sont clairement manifestées en séance à l’Assemblée
, j’ai particulièrement apprécié les
intervention remarquables de
Jean-François Copé pour l’UMP ( justice
lui soit rendu il est excellent quand il
défend l’intérêt général en matière de
société), de Jean-Christophe Fromantin pour le groupe UDI, de
François de Mazières pour le groupe UMP,
de M. Jean-Christophe Fromantin pour
l’UDI,de François de Mazières pour l’UMP, de Bernard Deflesselles pour …, de Bernard Accoyer
pour l’UMP, de Xavier Breton pour l’UMP,
de Laurent Wauquiez pour UMP, de Jean-Frédéric
Poisson pour l’UMP, de Christian Jacob, chef du groupe
UMP, dr Claude Goasguen pour l’UMP,et de Philippe
Gosselin pour l’UMP.
Faisons place aussi parmi Bruno Nestor Azerot , GDR (Gauche Démocratique et Républicaine) dont
les arguments républicains forts et
justifiés , contre ce projet de loi , sont empreints
de bons sens.
Enfin en ce qui concerne les
interventions
des ministres et des députés de gauche qui se posent en défenseurs
contre
l’homophobie et qui voient en tout opposants à leur projet de mariage
pour
tous un homophobe réactionnaire, et de
plus accuse de d’homophobie une immense majorité de la population, et
qui
voient en tout homosexuels « Gays et lesbiennes »– comme ils disent -,
des
personnes discriminées, insultées , stigmatisées, agressées,
marginalisées,
quotidiennement en tous lieux, à l’école, au travail , dans les rues ,
dans les
écoles, dans leurs travail, dans leur famille,
bref, partout il y a là une exagération caricaturale qui ferait croire
que la population toute entière ,adultes et enfants sont constamment
sur la brèche pour faire la guerre aux homosexuels en raison
de leur orientation sexuelle.
Or s’il est vrai qu’il y a de
homophobes excités dans notre société
qui provoquent les homosexuels il s’agit
d’une minorité que l’on place en évidence dans les médias pour généraliser ce phénomène méprisable , la
vérité c’est que la grande majorité des
citoyens français sont tolérants et même font preuve d'homophilie.
Enfin il faut bien reconnaître que des
nombreux homosexuels ne se privent
pas de s’exhiber dans des « gays-parade » dans des tenue de
carnaval, emplumés, a demi dénudés, ou déguisés
en danseuses ou en clowns ne se gênant pas pour bloquer des quartiers
entiers dans toutes nos villes , et n’est-ce
pas là une sorte de provocation
qui peut effectivement leur attirer des quolibets voire plus ?
Nous ne pouvons ici publier le
Compte rendu intégral de la Première
séance du Mercredi 30 janvier 2012, il est d’une telle longueur
pharaonique qu’il ne tiendrait que trop de place à la suite de notre
éditorial et surtout parce que les question et les discussions sur l’ouverture
du mariages aux couple de personnes de même sexe se trouveraient noyées dans le fleuve des autres questions, nous
avons donc choisi d’en publier ci-dessous
des extraits pour mettre en évidence les interventions sur l’ouverture
du mariage aux couples de personnes du
même sexe et les questions et discussions
qui y sont étroitement
liées :
« Première séance du
mercredi 30 janvier 2013
M. le
président. L’ordre du
jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous
commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. le président. La parole est à
M. Jean-François Copé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, les masques sont en
train de tomber. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous avez refusé d’ouvrir un grand débat national sur
votre projet de loi qui bouleverse le cadre juridique du mariage, de l’adoption
et de la filiation, vous avez méprisé tous ceux qui vous invitaient à la
sagesse, les 800 000 Français qui ont manifesté (Nouvelles exclamations
sur les bancs du groupe SRC), les plus hautes autorités civiles, morales et
religieuses, auditionnées dans des conditions lamentables, vous privez le
peuple français d’un référendum sur cette question fondamentale,…
M. Jean-François
Copé. …et maintenant vous allez jusqu’à
l’excès de pouvoir en court-circuitant la représentation nationale.
Notre excellent collègue Daniel Fasquelle (Nouvelles
exclamations sur les bancs du groupe SRC) a en effet levé le lièvre en
révélant une circulaire d’application immédiate prise vendredi dernier en
catimini par votre garde des sceaux. Cette circulaire a des conséquences
indirectes majeures sur le droit de la famille et même le droit de la
nationalité, sans passer par la loi. En plein débat sur votre projet de loi,
c’est une provocation inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du
groupe UMP.)
Cette circulaire a pour conséquence de reconnaître en
droit français la validité de la gestation pour autrui réalisée à l’étranger.
De nombreux députés du groupe SRC. Non !
De nombreux députés du groupe UMP. Si !
M. Jean-François
Copé. Ce faisant, vous encouragez
directement le recours à des méthodes illégales dans notre pays, des méthodes
qui portent atteinte à la dignité humaine.
De quoi s’agit-il ? Il s’agit de payer une femme
démunie pour qu’elle porte l’enfant d’un autre. L’enfant devient un objet qui
s’achète, privé du droit de connaître sa mère, et la femme est exploitée dans
une forme d’esclavage moderne, comme le dénonce si justement Sylviane
Agacinski.
Quelle
société voulez-vous pour les générations à venir, monsieur le Premier
ministre ?
Mme Taubira nous parlait hier avec grandiloquence
du « mariage pour tous » comme d’une marche vers la civilisation. Je
vous demande donc de retirer immédiatement cette circulaire. (Applaudissements
sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI.)
Vous refusez le référendum, vous refusez le Parlement.
C’est un coup de force ! (Nouveaux applaudissements sur de nombreux
bancs des groupes UMP et UDI.)
M. le président. La parole est à Mme la garde
des sceaux, ministre de la justice. (Vives protestations et huées sur les
bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC,
écologiste et RRDP, les députés socialistes se levant.)
Mes chers collègues, écoutez la réponse…
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la
justice. Je vous
rappelle, monsieur le député, que parmi les principes d’ordre public du droit
français se trouve le principe d’indisponibilité du corps humain,…
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …qui est inscrit à
l’article 16 du code civil. Le Gouvernement s’est déjà prononcé sur ce
point et vous me fournissez l’occasion de réaffirmer formellement ici qu’il est
absolument opposé à la gestation pour autrui et n’ouvrira pas un tel droit. (Exclamations
sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI. – Applaudissements sur de
nombreux bancs du groupe SRC.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La Cour de cassation, par trois
arrêts datant d’avril 2011, a confirmé ce principe d’indisponibilité du
corps humain, le Président de la République l’a réaffirmé, de même que le
Premier ministre.
De nombreux députés des groupes UMP et UDI. Pourquoi la circulaire ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai moi-même indiqué le
16 janvier devant la commission des lois que nous ne tolérerions pas la
moindre éraflure à ce principe d’indisponibilité du corps humain.
De nombreux députés des groupes UMP et UDI. Et la circulaire ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les enfants concernés par la
circulaire étaient au nombre de onze en 2012, de quarante-quatre entre 2008 et
2011. Cette circulaire porte, non pas sur l’état-civil, mais sur le constat de
nationalité. (« Non ! » sur de nombreux bancs des groupes UMP
et UDI.) La filiation de ces enfants est établie par document probant. Les
juridictions délivrant le certificat de nationalité française dans certains cas
et non dans d’autres, j’ai demandé aux greffiers en chef, étant donné que ce
certificat de nationalité française est dû (Vives protestations sur de
nombreux bancs des groupes UMP et UDI), de veiller à ce que, conformément à
votre souci de l’intérêt supérieur des enfants (Nouvelles protestations sur
les bancs des groupes UMP et UDI), dans une République qui veille à
l’égalité, la justice traite les enfants de la même façon sur l’ensemble du
territoire et leur délivre ce certificat de nationalité. (Applaudissements
sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR, les députés des groupes
SRC et écologiste se levant. – Huées sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
De nombreux
députés du groupe UMP. Démission ! Démission !
Plusieurs
députés du groupe SRC. Voyous !
M. le
président. Soyez
conscients, mes chers collègues, de l’image que nous donnons. Vous avez eu la
réponse à votre question.
M. le président. La parole est à
M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe Union des démocrates et
indépendants.
M. Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le Premier ministre, le
groupe UDI souhaite revenir sur la circulaire Taubira, qui vient d’être
évoquée, afin de vous offrir l’opportunité de clarifier vos positions.
Le premier point qui nous a surpris et choqués, c’est
que la loi française relative aux mères porteuses et à la GPA n’est nulle part
rappelée dans cette circulaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes
UDI et UMP.) Le sujet est d’autant plus sensible que nous sommes en pleine
discussion sur le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels.
Le second point, qui s’inscrit également dans le cadre
de ce projet sur le mariage pour tous – dont nous avons discuté hier
pendant plusieurs heures dans une relative sérénité –, c’est que les
questions essentielles qui sous-tendent nos débats sont celles de l’adoption,
de la PMA et de la GPA. Nous avons donc besoin d’une clarification de votre
part.
Soit le Gouvernement est favorable aux mères porteuses
et à la GPA, et il faut le préciser. Nous avons en effet besoin de savoir si
cette circulaire ne serait pas un signe avant-coureur, une première étape. (« Très
juste ! » sur les bancs du groupe UDI. – Exclamations sur les bancs
du groupe SRC.) Soit le Gouvernement y est défavorable, et il faudrait, là
aussi, être beaucoup plus clair et ne pas laisser passer une telle circulaire.
M. Jean-Christophe
Fromantin. Celle-ci est en effet un signal
très clair adressé aux familles qui souhaitent recourir à ce type de méthodes,
car elle les encourage à se rendre à l’étranger pour avoir recours à la
gestation pour autrui.
Monsieur le Premier ministre, nous avons besoin de
cette double précision. Nous vous demandons expressément de nous l’apporter
personnellement et solennellement dans cet hémicycle, cet après-midi. (Applaudissements
sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la garde
des sceaux, ministre de la justice. (Vives protestations sur les bancs des
groupes UMP et UDI.)
Mes chers collègues, c’est le Gouvernement qui désigne
le ministre chargé de répondre à vos questions.
Vous avez la parole, madame la garde des sceaux. (« Démission !
Démission ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la
justice. Monsieur le
député, il me faudra faire quelques efforts pour m’habituer à la nécessité de
répéter constamment les mêmes réponses aux mêmes questions. (Exclamations
sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés des groupes UMP et UDI. Référendum !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais cela permet au moins de
démontrer la constance du Gouvernement et la rectitude de ses positions.
Je rappelle simplement que la circulaire s’adresse aux
greffiers en chef et qu’elle concerne un acte administratif. (« Non ! »
sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
M. le président. Mes chers collègues, écoutez la
réponse de Mme la ministre, s’il vous plaît !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il ne s’agit pas d’un acte
judiciaire. Cet acte administratif est fondé sur des documents établis sur la
base du droit. Aussi suis-je étonnée que des législateurs, dont d’anciens
ministres, familiers de la hiérarchie des normes, accoutumés à nos dispositifs
juridiques et judiciaires, y compris de contestation, organisent délibérément
l’amalgame, la confusion et le désarroi. Cela ne marchera pas souvent !
Cela ne marchera pas longtemps ! (Applaudissements sur les bancs des
groupes SRC et écologiste. – « Répondez à la question ! » sur
les bancs des groupes UMP et UDI.)
Je me suis exprimée sur cette circulaire le
16 janvier : vous vous réveillez bien tard ! (Exclamations
prolongées sur les bancs du groupe UMP.) Ceux qui étaient présents
ont pu entendre très clairement la position du Gouvernement,…
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …au sujet de l’amendement qu’il a
rejeté. Quant à ceux qui étaient absents, ils savent que la splendeur de votre
maison consiste à retenir tous les propos qui y ont été prononcés.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement reste opposé à la
GPA. Nous vous le répéterons aussi souvent que nécessaire. Cette circulaire
concerne onze enfants pour l’année 2012. (Applaudissements sur les bancs des
groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Protestations sur les bancs des groupes
UMP et UDI.)
Assistance médicale à la procréation et
gestation pour autrui
gestation pour autrui
M. le président. La parole est à M. François de
Mazières, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire
M. François de Mazières. Ma question s’adresse à Mme la
garde des sceaux, mais, tout d’abord, je voudrais vous dire, monsieur le
Premier ministre, que nous sommes choqués (Exclamations sur les bancs du
groupe SRC) : …
M. François
de Mazières. …vous avez été interpellé par le
président du groupe UMP hier, et vous vous êtes défilé ; vous êtes
interpellé encore aujourd’hui par le président du premier groupe d’opposition
de France, et vous vous défilez encore… Il y a un minimum de respect
républicain à avoir entre nous ! (Applaudissements sur les bancs du
groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe UDI.)
Madame la garde des sceaux, hier, vous avez invoqué à
plusieurs reprises l’égalité et la fraternité comme fondements de votre projet
de réforme du mariage, mais dans la pratique, ce que constatent les Français,
c’est la politique des deux poids et deux mesures.
Ainsi, 220 députés et sénateurs demandent à être reçus
par le Président de la République : ils ne le sont pas ! Une
délégation de l’Inter-LGBT demande audience : elle l’obtient le lendemain,
et ses représentants peuvent annoncer sur les marches de l’Élysée que le chef
de l’État est revenu sur l’engagement pris devant le Congrès des maires ouvrant
droit à la clause de conscience ! (« Eh oui ! » sur
de nombreux bancs du groupe UMP. – « Non ! » sur les bancs du
groupe SRC.) Y a-t-il égalité de traitement ?
Le 13 janvier, une gigantesque foule de Français
sincères (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et
GDR) demande à être entendue, et reçoit pour seule réponse que vous êtes
résolus à passer en force sans accepter aucune concession ! Ces Français
se sentent profondément humiliés quand votre majorité fait tout pour les faire
passer pour des homophobes afin d’éviter un débat public. Madame la ministre,
où est votre souci de la fraternité ? (Applaudissements sur de nombreux
bancs du groupe UMP.) Ces Français, tous les Français, ont droit à des
réponses claires. Nous voulons que vous répondiez à deux questions : Le
Gouvernement va-t-il soutenir l’ouverture de la PMA aux couples
homosexuels ? Oui ou non ?
De nombreux députés du groupe SRC. Oui !
M. François
de Mazières. Allez-vous retirer la circulaire
qui introduit la légalisation en France de la gestation pour autrui réalisée à
l’étranger ? Oui ou non ?
De nombreux
députés du groupe SRC. Non !
M. François
de Mazières. J’attends des réponses claires.
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du
groupe UDI.)
M. le
président. La parole
est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. (Exclamations
sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la
justice. Monsieur de
Mazières, le Premier ministre s’est très clairement exprimé il y a quelques
semaines à propos de la PMA. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) J’ai
constaté que vous et vos collègues n’entendez pas, ne lisez pas, et que, par
conséquent, vous me demandez peut-être un exploit au-dessus de mes forces.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai d’ailleurs noté dans votre
tribune, monsieur de Mazières, que j’avais été hissée au rang d’éminente
juriste huit mois après avoir été ignorante de toute question relative au
droit. Je trouve que c’est un bel encouragement pour les étudiants en droit
dans ce pays ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC,
écologiste, RRDP et GDR.)
Je vais donc répéter que le chef du Gouvernement s’est
très clairement exprimé sur le sujet. Nous débattons, depuis hier, de la loi
qui ouvre le mariage et l’adoption aux couples de même sexe, donc du code
civil, et nous allons poursuivre nos travaux pendant deux semaines, week-ends
compris, vous le savez. Mais j’ai compris qu’il faut répéter sans cesse, et je
m’y contrains donc. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. S’agissant de la fraternité,
monsieur de Mazières, le Gouvernement en donne la preuve au quotidien.
Plusieurs députés du groupe UMP. Oui ou non ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous invite à vous intéresser
aux travaux, au cours desquels le Gouvernement s’exprima très longuement. (Vives
exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce texte est passé en commission
des lois ; il fait son parcours au Parlement ; la loi qui en sortira
sera issue d’un travail parlementaire ; par conséquent, c’est bien la voix
du Parlement qui en sera sortie.
Plusieurs députés du groupe UMP. Oui ou non ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quant aux maires de France, ils
sont républicains. Ils appliqueront le droit. (Applaudissements sur les
bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
…………………………………..
M. le
président. La séance
est suspendue.
M. le
président. La séance
est reprise.
…………………………
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du
projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (n°s
344, 628, 581)
M. le président. Hier soir, l’Assemblée a commencé
d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. Bernard Accoyer.
M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, madame la garde des sceaux,
madame la ministre chargée de la famille, mes chers collègues, ce projet de loi
ouvrant l’institution du mariage aux couples formés de deux personnes de même
sexe est avant tout une occasion manquée et, nous le constatons d’avantage
encore aujourd’hui, une initiative fondée sur la confusion – le mot est
probablement un peu faible –, lorsque l’on mesure les conséquences de la
circulaire parue, hier, (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…
C’est une occasion manquée, disais-je, parce que le
Président de la République aurait dû rechercher, pour une de ses promesses de campagne,
une solution de compromis, une solution rassemblant le plus de convergence
d’avis qui se seraient, nous en sommes certains, retrouvés, tant le regard
porté sur les couples homosexuels a évolué en quelques décennies. Le Président
de la République n’a pas fait ce choix. Si les Français considèrent qu’il est
normal que les couples de même sexe puissent se voir réserver des conditions de
vie les protégeant au mieux, ils rejettent dans le même temps l’idée que cette
union puisse donner droit à l’adoption, à la filiation et à tout ce que cela
comporte, nous le verrons tout à l’heure. Cela, c’est le cadre du mariage.
C’est la voie d’une union n’ouvrant pas à l’adoption que refuse encore, à ce
moment, le Gouvernement, mais peut-être peut-il encore changer d’avis…
Alors que nos compatriotes sont confrontés à une crise
grave, à une désindustrialisation particulièrement préoccupante, à l’heure où
ces angoissent les taraudent, le Président de la République se serait grandi en
leur épargnant ce débat clivant, clivant au point de mobiliser, le
13 janvier, dans les rues de Paris plus de monde qu’aucune manifestation
depuis trente ans ! (Applaudissements sur de très nombreux bancs du
groupe UMP.) Le Président de la République a préféré cet affrontement.
Cette attitude est incompréhensible, à moins de penser qu’il s’agit d’un leurre
pour cacher aux Français les conséquences d’une politique qui ne maîtrise pas
la crise et qui laisse la France s’enfoncer dans les difficultés économiques et
sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), à moins encore
qu’il ne s’agisse de rassembler sa majorité pour lui faire accepter des mesures
dont elle ne veut justement pas.
Mesdames les ministres, pourquoi avoir refusé cette
grande concertation, ce vaste débat, au point que l’opposition, comme l’a
excellemment demandé, hier, Henri Guaino, exige un référendum ? (Exclamations
sur les bancs du groupe SRC.)
M. Bernard
Accoyer. Pourquoi refuser, madame la garde
des sceaux, ce grand débat qu’exige légitimement un texte à portée éthique et
sociétale ?
Pourquoi, monsieur le président de l’Assemblée
nationale, avoir refusé la création d’une commission spéciale, alors que c’est
une tradition dans cette grande institution que, pour les textes éthiques et
les textes de société on procède ainsi ? C’était d’ailleurs le cas en 2011
pour la loi sur la bioéthique.
En outre, pourquoi ne pas avoir choisi la procédure du
temps législatif programmé, qui avait justement été appliquée pour l’examen de
cette loi en 2011 ? Cette procédure avait d’ailleurs été saluée par votre
groupe à l’époque, tout simplement parce qu’elle permet de développer
longuement les arguments sans être sous la pression du chronomètre que
vous-même, monsieur le président, et les autres présidents de séance devrez
manipuler en coupant la parole toutes les deux minutes, à la fin du temps
réglementaire, lorsque l’opposition exposera ses arguments.
On le voit, toute une série de choix s’additionnent
qui visent à éviter le débat, à ne pas permettre qu’on puisse entrer pleinement
dans le débat. Franchement, c’est une occasion manquée ! (Applaudissements
sur les bancs du groupe UMP.)
Mais au-delà
de cette occasion manquée, ce projet de loi est surtout celui de la confusion.
Il y a d’abord confusion quant au nom du texte
proposé, qui porte « ouverture du mariage aux couples de personnes de même
sexe » alors que vous parlez, madame la garde des sceaux, chers collègues
de la majorité, du « mariage pour tous ». En réalité, vous avez là un
slogan.
La confusion est également de nature anthropologique,
entre le genre et l’orientation sexuelle.
Mais la confusion porte surtout sur la portée du
projet de loi, car le mariage, dans le code civil, ce n’est pas que l’union
d’un homme et d’une femme. C’est également la filiation, la présomption de
paternité ; c’est automatiquement le droit à l’adoption et, pour les
couples stériles, l’accès à la procréation médicalement assistée. Et ce qui est
caché, ce qui n’est pas dit suffisamment clairement et que le débat aurait mis
en évidence – ç’aurait été une avancée considérable –, c’est que si ce texte
est voté, si le mariage de deux personnes de même sexe est à l’avenir rendu
possible, alors automatiquement ces couples auront droit non seulement à
l’adoption mais aussi à la procréation médicalement assistée, au besoin en
passant par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité.
En effet, comment le Conseil constitutionnel
pourrait-il considérer qu’il y aurait égalité de droits entre tous les couples
mariés si certains d’entre eux peuvent avoir accès à la PMA et d’autres
non ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
L’étape suivante verra surgir la même revendication,
suivant la même procédure de la question prioritaire de
constitutionnalité : les couples composés de deux hommes demanderont,
s’appuyant sur le fait qu’un couple formé de deux femmes a accès à la PMA, à
avoir eux-mêmes accès à un moyen d’avoir des enfants ; et ce sera
évidemment, mécaniquement, l’accès à la gestation pour autrui. (Applaudissements
sur les bancs du groupe UMP.)
M. Bernard
Accoyer. Tel est le mécanisme que vous êtes
en train de mettre en marche, et celui-ci comporte une composante cachée, pour
ne pas employer un mot beaucoup plus fort.
D’ailleurs,
la sincérité de la démarche vient aujourd’hui d’être encore un peu plus mise en
cause. On avait entendu voilà quelques années, lors des discussions qui ont eu
lieu dans cet hémicycle sur le pacte civil de solidarité, Mme Guigou,
alors garde des sceaux – elle vous a précédée, madame la garde des sceaux –
dire à cette même tribune qu’un enfant avait besoin d’un père et d’une mère et
qu’il ne serait jamais question de s’exonérer de cette vérité anthropologique.
M. Bernard
Accoyer. Eh bien, aujourd’hui, nous sommes
en train de dépasser cette étape et vous oubliez l’engagement d’une garde des
sceaux qui vous a précédée et qui, pourtant, siégeait sur les mêmes bancs que
la majorité actuelle.
Finalement, le fait le plus marquant aujourd’hui,
c’est la circulaire qui vient d’être publiée (Exclamations sur les bancs du
groupe SRC) et qui en réalité – je mesure mes mots – vous conduit, madame
la garde des sceaux, à accepter le principe de la gestation pour autrui et,
surtout – combien est-ce hypocrite ! – à l’accepter au-delà de nos
frontières en prétendant l’interdire à l’intérieur de notre pays. (Applaudissements
sur les bancs du groupe UMP.)
M. Bernard
Accoyer. Vous tenez un double langage,
proprement insupportable et de nature à remettre complètement en cause les
discussions ouvertes aujourd’hui.
Un député du
groupe UMP. C’est
affligeant !
M. Bernard
Accoyer. D’ailleurs, cette marchandisation
du corps est absolument inadmissible et une telle démarche ne saurait être
tolérée alors que les juridictions, jusqu’à présent, résolvaient les problèmes
que vous prétendez vouloir résoudre avec la circulaire que vous avez fait
publier.
J’en appelle, madame la garde des sceaux, à toute
l’honnêteté qui, je n’en doute pas, est la vôtre, pour que vous reconsidériez
cette décision et que vous abrogiez cette circulaire scandaleuse ! (Applaudissements
sur les bancs du groupe UMP.)
La confusion porte encore sur les motivations
justifiant ce projet de loi, lesquelles s’appuient sur de prétendues inégalités
ou discriminations. Il n’en est rien car, en France, les droits garantis par la
Constitution sont les mêmes pour tous les citoyens, quelle que soit leur
orientation sexuelle.
M. Bernard
Accoyer. Le droit français prévoit que des
situations différentes soient traitées par la loi de façon différente. Or qui
peut nier qu’un couple formé d’un homme et d’une femme est différent d’un
couple formé de deux personnes de même sexe ? Notre droit comporte des
dispositions spécialement applicables aux enfants élevés par des couples formés
de deux personnes de même sexe.
M. Bernard
Accoyer. Tel est le cas de la délégation
d’autorité parentale – instaurée d’ailleurs par la précédente majorité –, des
dispositions testamentaires ou encore de la tutelle testamentaire.
La confusion porte en outre sur les origines des
enfants à venir, sur leur filiation, sur leur propre histoire. Et qu’y a-t-il
de plus important pour un enfant que de pouvoir se construire à partir de sa
propre histoire, même si celle-ci est reconstruite parce qu’il aurait été
adopté ?
M. Bernard
Roman. Je me souviens de ce que vous
disiez sur le Pacs, monsieur Accoyer ! Souhaitez-vous que je vous le
rappelle ?
M. Bernard
Accoyer. Mes chers collègues, nous n’avons
pas le droit de nous engager, d’engager notre pays dans cette voie qui consiste
tout simplement à risquer de mentir aux enfants de France.
Une telle confusion peut avoir et aura des
conséquences évidentes sur la santé de ces enfants, sur leur état psychologique
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP),...
Mme Marie-Françoise
Clergeau, rapporteure pour avis. Ce sont des insultes pour les
familles concernées !
M. Bernard
Accoyer. …car il n’existe aucune étude
scientifique sur les conséquences de l’éducation d’un enfant par un couple
formé de deux personnes de même sexe en dehors des études militantes. Aucune
étude scientifique n’a à ce jour été publiée dans le monde sur ce thème ô
combien important. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Psychologues, psychiatres et psychanalystes
s’accordent à dire que les troubles suscités par un tel environnement au cours
de l’enfance pourraient entraîner des troubles psychologiques, voire
psychiatriques, au bout d’une ou de plusieurs générations. Telle est votre
responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives
exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mme Catherine
Lemorton, présidente de la commission des
affaires sociales. Et que
faites-vous des enfants maltraités par les couples hétérosexuels ? Cela
n’existe pas, peut-être ?
M. Bernard
Accoyer. Le présent texte – et c’est là
la plus importante, la plus grave des confusions – confond le droit à
l’enfant et le droit des enfants. Madame la garde des sceaux, hier, à plusieurs
reprises – nous y avons d’ailleurs prêté attention parce que cela nous a
surpris –, vous avez insisté sur le fait que ce texte était centré sur le
droit à l’enfant. Or le droit des enfants est quelque chose de sacré et il est
impossible de donner au droit à l’enfant une priorité sur le droit des enfants.
J’espère que c’était un lapsus et que vous l’avez répété par inadvertance.
M. Bernard
Accoyer. En tous les cas, sur ce point, il
nous est impossible de vous suivre. Car les conséquences de ce texte, s’il
était adopté, ce sont bien les enfants à venir qui les subiront. Il s’agira de
conséquences psychologiques – je les ai évoquées – mais également de
nouvelles discriminations, des discriminations créées par le texte même entre
les enfants adoptés par un couple formé d’un homme et d’une femme, qui auront
donc un père et une mère, et ceux qui seront adoptés par deux parents de même
sexe, c’est-à-dire qui n’auront pas et un père et une mère.
M. le président. Il faut conclure, cher collègue.
M. Bernard
Accoyer. D’ailleurs, le texte aura également
des conséquences sur l’adoption internationale. La situation est si grave
qu’elle a interpellé le Président de la République, qui a hésité et a même été
jusqu’à annoncer que les maires pourraient recourir à la clause de conscience,
ce qui serait bien la moindre des choses.
M. Bernard
Accoyer. Madame la garde des sceaux, madame
la ministre chargée de la famille, mes chers collègues, il est encore temps,
surtout après les dérapages au sujet de la circulaire sur la gestation pour
autrui (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), de faire évoluer le
texte.
M. le président. S’il vous plaît, mes chers
collègues, laissez l’orateur conclure !
M. Bernard
Accoyer. Il est encore temps de choisir une
solution souhaitée par de nombreux homosexuels que nous avons rencontrés et qui
nous ont fait part de leur volonté de bénéficier d’une union qui soit plus
solide, plus sûre,…
M. Bernard
Accoyer. …avec une garantie réciproque plus
forte. En réalité, cette voie qui n’implique pas le droit à l’adoption pour les
couples de même sexe – avec toutes les conséquences que celui-ci
comporte – est proposée par un certain nombre d’homosexuels…
M. le président. Il faut conclure, monsieur
l’orateur !
M. Bernard
Accoyer. …et reprise dans des amendements
portés par l’opposition. Il s’agit tout simplement de l’alliance civile.
M. Bernard
Accoyer. Madame la garde des sceaux, je vous
invite à examiner ces amendements : ils constituent une sortie qui vous
grandirait si vous l’acceptiez.
Il est encore temps d’opter pour une telle solution
car, si ce texte était adopté, le Conseil constitutionnel aurait à se prononcer
sur sa conformité à la Constitution, en particulier au principe fondamental
reconnu par les lois de la République qui affirme que le mariage est bien
l’union d’un homme et d’une femme.
M. Bernard
Accoyer. Il est encore temps d’entendre la
détresse de ceux qui ont été élevés par deux personnes de même sexe et qui
expriment leur souffrance.
Il est encore temps…
M. Bernard
Accoyer. …d’éviter les conséquences de ce
texte en adoptant un projet réaliste privilégiant l’enfant.
Il n’est pas temps, madame la garde des sceaux,…
M. Bernard
Accoyer. …de diviser les Français. Nous
avons d’autres priorités en raison de la situation dans laquelle le pays se
trouve, de la situation de l’Europe et de la priorité que nous voudrons toujours
réserver aux enfants de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe
UMP.)
M. le président. En application de l’article 122 du règlement,
j’ai reçu de M. Christian Jacob et de cinquante-neuf de ses collègues une
motion tendant à proposer de soumettre au référendum le projet en discussion.
Je vais procéder à l’appel nominal des signataires
dans l’ordre figurant sur la liste présentée à l’appui de la motion.
(Il est procédé à l’appel nominal des signataires de
la motion.)
…………..
M. le président. Acte est donné de la présence
effective en séance des signataires de la motion.
La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour la
présenter.
M. Laurent Wauquiez. Monsieur le président, madame la garde des sceaux,
madame la ministre chargée de la famille, mesdames, messieurs les députés,
avant de présenter la motion référendaire que nous avons signée, je voudrais
revenir sur un certain nombre de propos.
Ici, dans cet hémicycle, madame la garde des sceaux,
nous sommes tous des élus de la République. Il n’y a pas d’intolérants, pas
d’hypocrites, pas d’égoïstes. Il n’y a pas d’un côté ceux qui sont dans la
moralité et de l’autre ceux qui seraient contre. Surtout, il n’y a pas de place
pour les anathèmes avec lesquels vous avez choisi de commencer l’examen de ce
texte.
Ce débat n’est pas celui des modernes contre les
anciens, ce n’est pas celui des tolérants contre les intolérants, ce n’est pas
celui des visionnaires contre les réactionnaires. (« Si ! »
sur les bancs du groupe SRC.)
Dans cet
hémicycle, madame la garde des sceaux, je le répète, nous sommes tous des élus
de la République…
Mme Catherine
Lemorton, présidente de la commission des
affaires sociales. Quelle
République ? La IIIe, au XIXe siècle ?
M. Laurent
Wauquiez. …qui exprimons nos convictions sur
un sujet de conscience pour lequel, contrairement à ce que vous avez voulu nous
faire croire, les choses sont loin d’être claires et évidentes. Dans ce
domaine, la part d’interrogation, au plus intime de chacun d’entre nous, doit
être respectée par des propos autres que ceux que vous avez choisi de tenir
dans votre premier discours.
Les nombreux députés qui ont signé cette motion en
appellent à l’arbitrage du peuple par un référendum. Ils le font aussi parce
que, par la litanie de vos attaques, vous avez transformé ce débat en une arène
où la moindre voix dissonante est immédiatement caricaturée. Nous sommes
convaincus que ce débat méritait mieux.
Je vous le dis simplement mais clairement : vous
ne nous condamnerez pas au silence par vos brevets de bien-pensance ; vous
ne condamnerez pas au silence les députés qui déposent cette motion (Applaudissements
sur les bancs du groupe UMP) ; vous ne condamnerez pas au silence les
millions de Français qui partagent nos inquiétudes et dont nous voulons qu’ils
retrouvent la parole, par le référendum.
M. Bernard
Roman. Mais nous ne vous avons pas entendu
en commission ! Vous n’y étiez pas ! (Protestations sur les bancs
du groupe UMP.)
M. Laurent
Wauquiez. Depuis le début, le Président de la
République – nous en avons encore une illustration –, le Gouvernement
et la majorité se sont efforcés de faire taire ces voix dissonantes. Nous
exprimions des craintes, nous étions des ringards. Nous avions des
interrogations, nous aurions dû faire des efforts intellectuels pour nous
rendre à l’évidence, monsieur le rapporteur. Nous avons manifesté, vous nous
avez accusés – avec une élégance que l’on appréciera – de défiler
contre l’amour.
Maintenant que le débat commence et que nous avons
l’audace de défendre nos convictions, vous nous accusez d’obstruction. Songez
donc : les députés de l’opposition ont déposé chacun en moyenne 30
amendements. Quelle obstruction ! Est-ce trop pour vous ? Ce débat
sur un sujet aussi important ne durera que quelques jours. Est-ce trop long
pour vous ? Votre capacité d’écoute et de dialogue est-elle donc si
faible ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Marie-Françoise
Clergeau, rapporteure pour avis. M. Guaino a quitté
l’hémicycle deux minutes après son intervention !
M. Laurent
Wauquiez. Les Français peuvent se demander
pourquoi vous vous acharnez depuis tant de mois à vouloir faire taire, ainsi
que le président Accoyer l’a souligné, les oppositions à cette loi. En réalité,
vous cherchez à dissimuler la portée de ce que vous êtes en train de faire et
les choix lourds que vous allez imposer dans la conception de la famille. (Applaudissements
sur les bancs du groupe UMP.)
Vous avez tout fait pour faire croire que ce projet de
loi avait la vertu de l’évidence : il ne s’agirait que de lutter contre
les discriminations ; on ne modifierait que quelques articles du code
civil, rien de plus ; tout cela ne porterait que sur le mariage.
M. Laurent
Wauquiez. À ce sujet, je voudrais écarter un
argument que vous avez instrumentalisé comme jamais, l’accusation d’homophobie.
Nous sommes tous ici opposés aux discriminations, nous combattons les
caricatures, d’où qu’elles viennent, et nos interrogations ne portent pas sur
la reconnaissance et la place légitime qui doit être faite aux couples
homosexuels dans la société française. (Applaudissements sur les bancs du
groupe UMP.)
M. Christian
Jacob. Que la majorité écoute, elle
s’instruira ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste
et GDR.)
M. le
président. N’en
rajoutez pas, monsieur Jacob, c’est suffisamment compliqué comme cela !
M. Laurent
Wauquiez. Pour beaucoup de personnes
présentes ici, la préoccupation majeure, le sujet qui nous guide plus que tout
autre, c’est la place de l’enfant dans la société. Ce projet de loi, madame la
garde des sceaux, ne porte pas, loin s’en faut, sur le seul mariage.
Notre conception de la relation entre parents et
enfants a été construite sur le modèle biologique de la procréation. Cette
vision de la famille repose sur quelques convictions simples : la
parentalité, c’est à la fois la paternité et la maternité ;…
M. Laurent
Wauquiez. …les données naturelles et notamment
le sexe contribuent à constituer une identité ; l’enfant est un sujet et
non un objet auquel chacun aurait droit. (Applaudissements sur les bancs du
groupe UMP.)
Dans ce que vous êtes en train de faire, contrairement
à ce que vous avez tenté de démontrer hier, le plus important n’est pas le
mariage mais la place que vous dévouez à l’enfant.
Vous nous avez accusés d’être égoïstes. Mais qui est
égoïste, madame la garde des sceaux ? Ceux qui parlent d’un droit à
l’enfant, comme vous, ou ceux qui défendent les droits de l’enfant ? (Applaudissements
sur les bancs du groupe UMP.) De quel côté faut-il chercher l’égoïsme et
l’individualisme ?
L’entreprise que vous commencez aujourd’hui est en
réalité un ensemble. La loi que vous nous présentez n’est pas un point
d’arrivée, mais un point de départ qui nous amène évidemment à la procréation
médicalement assistée et à la gestation pour autrui.
On nous dit que ce n’est pas le sujet, que tout cela
viendra dans une autre loi, que nous en débattrons plus tard. Ah bon ?
Croyez-vous vraiment pouvoir abuser les Français ? Les bébés éprouvette et
la location du ventre d’une mère sont évidemment les destinations vers
lesquelles vous voulez nous emmener aujourd’hui.
M. Laurent
Wauquiez. Vous avez joué ces derniers mois
avec l’opinion et avec les parlementaires. À vous écouter hier, il n’était même
pas question d’adoption.
Et pourtant, la logique même de votre raisonnement
vous porte jusqu’à ce point. Reprenons votre démonstration. Vous posez la
liberté des adultes comme principe absolu. Vous considérez que les règles
biologiques de la procréation sont source de discrimination. Vous faites
évoluer les règles de l’adoption pour ouvrir le droit à l’enfant. La suite
évidente de ce raisonnement est la procréation médicalement assistée, le
passage, à terme, par les bébés éprouvette. Certains parmi vous ont d’ailleurs
eu la franchise, hier, de l’admettre.
Dès lors, pourquoi s’arrêterait-on à la procréation
médicalement assistée ? Comment expliquer, en vertu de votre raisonnement,
que ce que vous accordez aux couples homosexuels féminins ne soit pas ouvert
aussi aux couples homosexuels masculins ? La suite logique sera la
gestation pour autrui, au nom précisément de votre conception de l’égalité et
de la lutte contre les discriminations. Assumez au moins l’ensemble de votre
pensée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ce n’est même pas la cohérence de votre pensée que
nous vous reprochons, mais les efforts que vous faites pour la dissimuler dans
les méandres de l’ambiguïté. Assumez au moins devant les Français l’ensemble du
projet que vous cherchez à mener à bien !
Madame la garde des sceaux, pour reprendre les propos
que vous avez tenus hier, qui est hypocrite ici ? Qui dissimule la vérité
aux Français ? (« Vous ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Qui joue avec les convictions ? (« Vous ! » sur les
bancs du groupe SRC.) Qui se drape dans la moralité pour cautionner une
marchandisation du corps féminin qui n’a rien de moral ? (Vifs
applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Oui, vous avez caché la réalité de votre projet. Alors
que nous nous apprêtions à débattre d’une loi, vous faisiez passer à la
sauvette une circulaire. Alors qu’ici, devant les députés, vous refusiez de
donner votre position, on préparait discrètement dans les bureaux de votre
ministère ce document. Alors que le Président de la République feignait
d’émettre des réserves, vous ouvriez la voie pour la première fois en France à
la reconnaissance de la marchandisation du corps. Au moins cette circulaire
met-elle fin au jeu de dupes que vous avez pratiqués ! (Vives
protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)
M. le président. Vous aurez l’occasion de
répondre ! Laissez parler l’orateur !
M. Laurent
Wauquiez. Il est surprenant de constater
comme vous avez du mal à pratiquer l’écoute et à respecter la
contradiction ! (Protestations sur les mêmes bancs.)
M. le président. Les orateurs des différents groupes
pourront prendre la parole lors de l’explication de vote sur cette motion.
Veuillez écouter l’orateur.
M. Laurent
Wauquiez. Quelle étonnante illustration de
l’absence de sérénité dans laquelle vous cherchez à plonger l’hémicycle ! (Applaudissements
sur les bancs du groupe UMP.)
C’est bien de marchandisation du corps féminin qu’il
est question. Vous ne voulez pas d’hypocrisie ? Très bien ! Mais
alors, la vérité est brutale. Ce vers quoi nous nous dirigeons, c’est la
possibilité pure et simple de louer le corps d’une femme pour obtenir un
enfant. (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et
GDR.) On utilise la femme, on lui fait porter un enfant, puis on le lui
enlève et on la rémunère. Oui, on rémunère une femme dont le corps a été
utilisé pour faire un enfant. Voilà ce vers quoi vous voulez diriger la société
française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Laurent
Wauquiez. Vous affirmez, madame la garde des
sceaux, qu’il ne s’agit que de quelques cas. Même s’il ne s’agissait que d’un
seul cas, ce chemin serait inacceptable car il est sans retour. Ce choix serait
en rupture totale avec tous les principes de la dignité du corps humain, qui
ont toujours été défendus par la République française ! (Applaudissements
sur les bancs du groupe UMP.)
M. Laurent
Wauquiez. Mesdames et messieurs les députés
qui êtes attachés à la défense de la femme dans la société, comment pouvez-vous
ainsi proposer de revenir des décennies en arrière ? C’est le travail
patient de la République qui a permis de protéger progressivement le corps de
la femme. Victor Hugo lui-même l’avait dénoncé avec la vigueur qu’on lui
connaît : « Dans notre législation telle qu’elle est, la femme ne
possède pas, elle n’este pas en justice, elle ne vote pas, elle ne compte pas,
elle n’est pas. […] C’est là un état violent : il faut qu’il cesse. »
Cet état avait cessé. Le travail patient de générations de républicains et de
républicaines avait permis qu’il cesse. Depuis Olympe de Gouges jusqu’à Simone
Veil, en passant par Hubertine Auclert, la République a progressivement trouvé
les protections nécessaires.
Madame la garde des sceaux, vous avez voulu donner
hier une leçon d’histoire du droit. Fort bien ! Mais comment avez-vous pu
passer sous silence ce que sont aussi les grandes conquêtes législatives qui
ont protégé la femme dans une société de la marchandisation ?
M. Laurent
Wauquiez. Comment avez-vous pu nier qu’au
cœur de notre conception française de l’éthique il y a cette conviction simple
que le corps humain ne se monnaye pas ? Nous n’avons jamais transigé sur
cette règle, contrairement à d’autres pays, et je vous le dis fermement :
les députés qui ont signé cette motion refusent que vous rameniez la République
en arrière. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Si nous demandons un référendum, c’est d’abord pour
cela. Alors que vous essayez de tronçonnez votre projet en petits morceaux de
lois séparés, nous demandons que, par un référendum, les Français puissent
s’exprimer sur l’ensemble de votre projet de société, depuis le mariage jusqu’à
la gestation pour autrui. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC,
écologiste et GDR.) Le référendum vous obligera à la clarté là où vous
cherchez à nous faire voter dans la pénombre. (Applaudissements sur les
bancs du groupe UMP.)
De plus, le référendum est aujourd’hui la seule issue
possible à cet affrontement. Je dis bien à cet affrontement car, au fond, c’est
ce que l’on peut le plus vous reprocher : à aucun moment vous n’avez
cherché à rassembler les Français. Or, sur un sujet de société comme celui-là,
il y avait une autre voie, et vous auriez pu tenter de trouver les chemins de
l’apaisement. Nous aurions pu nous retrouver autour d’une meilleure
reconnaissance des droits des couples homosexuels, avec notamment la mise en
place d’un contrat d’union civile.
M. Laurent
Wauquiez. Vous le savez, la République se
grandit toujours de ces moments où elle cherche à dégager une position commune.
Par le passé, nous en avons été capables…
M. Laurent
Wauquiez. Souvenez-vous des débats sur le
voile à l’école ou sur la fin de vie. Nous avions eu alors des échanges
constructifs…
M. Laurent
Wauquiez. À travers une catharsis
républicaine, nous étions parvenus à rapprocher les positions.
Mais, au lieu de cela, il n’y a pas eu de débats, il
n’y a eu que des affrontements. Vous n’avez jamais cherché à faire dialoguer
les points de vue. Vous n’avez pas organisé de grands échanges permettant de
faire discuter les uns avec les autres.
M. Laurent
Wauquiez. Au lieu de cela – et c’est un
choix profondément politicien –, vous avez abordé ce débat comme un
rapport de force d’un camp contre un autre. Les questionnements ? Vous les
avez balayés d’un revers de main. Les inquiétudes ? Vous y avez répondu
par les insultes. Les doutes ? Vous n’avez jamais cherché à modifier en
quoi que ce soit votre projet, imposé brutalement.
M. Laurent
Wauquiez. La réalité, c’est que votre
démarche s’inspire de la loi du plus fort, de la confrontation entre majorité
et opposition, de la toute-puissance, pour reprendre l’expression de
Tocqueville, que s’arrogent parfois les dépositaires du pouvoir. Mais c’est
précisément parce que vous avez gagné les élections que vous aviez le devoir de
rechercher un consensus et d’opter pour une autre démarche que celle que vous
avez choisie.
M. Laurent
Wauquiez. Au lieu de cela, vous avez fait de
cette loi l’otage de vos enjeux politiciens et l’arme de combat d’un camp
contre un autre. Mais un débat de société comme celui-là méritait une autre
approche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous avez laissé les inquiétudes se cristalliser. Vous
avez laissé les crispations se renforcer. Vous avez fait le choix de monter une
France contre une autre. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ce
faisant, vous avez pris le risque de semer derrière vous amertumes et rancœurs.
Il y a une seule façon de sortir de tout cela par le
haut : c’est de redonner la parole aux Français. Il faut un référendum. Un
changement de société aussi majeur ne peut résulter du seul rapport de force
entre la majorité et l’opposition. C’est aux Français et à eux seuls de
trancher ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Le Président de la République est le garant de l’unité
nationale ; qu’il assume donc ses responsabilités. Le référendum permettra
à chaque Français de s’exprimer, au lieu d’avoir le sentiment d’être dépossédé
de ce choix. C’est le seul moyen pour que la décision soit ensuite respectée
par tous, au lieu de nous enfermer dans une de ces guerres intestines dont
notre pays a trop souvent eu le secret.
M. Laurent
Wauquiez. Le référendum permettra que cette
décision ne soit plus l’enjeu d’un combat politique et rendra possible son
appropriation par tous les Français. Ce sera le verdict simple, clair,
incontestable de la volonté collective, verdict auquel tous les Français
pourront adhérer. C’est pour cette raison que nous vous demandons un
référendum.
J’entends certains d’entre vous opposer démocratie
représentative et démocratie référendaire. Cela n’a pas de sens. Nous sommes
tous ici les dépositaires du suffrage universel. Mais sur un sujet qui relève à
ce point-là de l’intime, il n’y a aucune honte, aucune abdication de notre part
à rendre la décision au peuple souverain.
Surtout, comment pouvez-vous renier à ce point les
convictions que vous défendiez il y a encore si peu de temps. Souvenez-vous,
même si cela vous est désagréable, de votre projet socialiste 2012 : il
prévoyait de rendre plus souple le recours au référendum, dont vous disiez
qu’il était trop étroitement encadré. Jean-Marc Ayrault lui-même avait déposé
une proposition de loi destinée à faciliter l’utilisation de l’article 11.
M. Laurent
Wauquiez. Vous étiez fidèle en cela aux
principes défendus par une des grandes personnalités de votre famille
politique, François Mitterrand…
M. Laurent
Wauquiez. En 1988, dans sa Lettre à tous
les Français, il indiquait, ne vous en déplaise, monsieur Emmanuelli :
« J’ai souhaité naguère que les problèmes majeurs qui naissent de l’évolution
de notre société puissent être tranchés par référendum. Je le souhaite
toujours. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Comment
pouvez-vous à ce point-là changer de discours ?
M. Laurent
Wauquiez. Pour nous expliquer que le
référendum n’aurait pas sa place dans ce débat, vous invoquez des arguties
juridiques : le sujet serait sociétal et non social – appréciez la
nuance ! Mais il suffit de relire votre propre étude d’impact pour
apprécier l’inanité de l’argument. Vous y avez en effet vous-mêmes listé toutes
les conséquences sociales de votre loi : impact sur les successions, sur
les accidents du travail, sur les pensions de retraite, sur les assurances et
aussi sur les congés d’adoption. Et vous nous expliquez que cette loi ne
rentrerait pas dans le champs social ? (Mêmes mouvements.)
Mais surtout, vous l’avez vous-même reconnu, monsieur
le président de la commission des lois, qui peut croire un instant que le
Conseil constitutionnel viendrait censurer la volonté du Président de la
République de consulter les Français, alors que c’est l’esprit même de la Ve République ?
Ce n’est donc pas sur le terrain juridique qu’il faut chercher les arguments
s’opposant à un recours au référendum.
Est-ce donc sur le terrain politique ? Vous nous
dites que les Français auraient acquiescé à cette loi en votant pour François
Hollande. Mais à ce compte, mesdames, messieurs les députés de l’opposition,
retirons-nous sur la pointe des pieds de cet hémicycle, et laissons-le à la
majorité, puisque nous sommes visiblement de trop ! (Applaudissements
sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Retirons-nous, puisque vous considérez
que, par leur vote à l’élection présidentielle, les Français auraient confié un
blanc-seing à la majorité pour tous ses projets ! Mais pensez-vous
sérieusement que tous les Français qui ont voté pour François Hollande l’ont
fait pour obtenir le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels ?
Le contrat social qui se noue au moment de l’élection présidentielle est
infiniment plus complexe que la vision simpliste que vous êtes en train de
défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Cet argument, c’est la négation même de la démocratie.
Non, mesdames et messieurs les députés de la majorité, l’exercice de la
démocratie ne se pratique pas une fois tous les cinq ans, lors d’une seule
élection !
M. Laurent
Wauquiez. Oui, le débat est légitime sur
chacun des projets que vous présentez, et les Français ne vous ont pas donné le
droit de tout faire, ni surtout celui de tout défaire dans la société
française ! (Mêmes mouvements.)
On nous explique enfin que le sujet – nous
apprécierons – serait trop compliqué et que les Français ne seraient pas
suffisamment éclairés pour se prononcer par référendum sur un tel sujet.
Les Français ont pu s’exprimer par référendum sur un sujet
aussi difficile que Maastricht, et vous comptez leur demander de se prononcer
sur le cumul des mandats, mais ils ne pourraient pas s’exprimer sur le mariage
et l’adoption par des couples homosexuels ? Mais dans quelle estime
tenez-vous le peuple de France ?
M. Laurent
Wauquiez. La vérité, c’est que vous vous
grandiriez et que vous grandiriez la démocratie en consultant les Français sur
un sujet aussi fondamental. Alors, pourquoi hésitez vous ? De quoi
avez-vous peur ?
M. Laurent
Wauquiez. Vous avez peur du peuple !
Vous avez peur du verdict des Français. Vous préférez la facilité du passage en
force brutal à la consultation indispensable et transparente de tous les
Français. C’est cette peur qui vous guide, la peur du message que vous
renverraient les Français sur un changement de société aussi fondamental que
celui que vous êtes en train de proposer.
Vous avez d’ailleurs tellement peur de la diversité
des opinions sur ces sujets que vous avez muselé vos propres collègues. (Exclamations
sur les bancs du groupe SRC.) Dans notre groupe, Christian Jacob a veillé à
ce que chacun puisse s’exprimer, tandis que, sur vos bancs, vous imposez la
discipline de vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Chez
nous, la diversité des opinions existe ; chez vous, vous menacez ceux qui
osent exprimer leurs différences : est-ce cela votre conception d’un
débat ?
M. Laurent
Wauquiez. Mesdames et messieurs les députés,
je voudrais, pour finir, revenir sur le sens de notre rôle politique. On veut
nous expliquer que voter ce texte, c’est prendre le train de l’histoire,
argument majeur et définitif qui voudrait condamner d’emblée toute discussion.
Mais ce n’est pas comme cela que je conçois mon rôle. Notre rôle en tant
qu’élus de la nation, ce n’est pas de répondre à une prétendue modernité que
nous serions sommés de valider ; notre rôle, c’est de nous demander,
chaque fois que la question se pose, si cette modernité est positive ou non,
puis de réfléchir au modèle de société que nous souhaitons proposer à nos
compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Laurent
Wauquiez. Non, madame la garde des sceaux, je
ne crois pas qu’il y ait une évolution de société qui nous amène
inéluctablement au projet que vous défendez. Je crois en revanche que ce que
vous proposez marque une césure historique dans notre vision de la
famille ; je crois que la société de demain ne ressemblera plus, avec
votre projet, à celle d’aujourd’hui, et je suis loin d’être convaincu que cette
société sera meilleure.
Si la modernité pour vous, c’est de parler d’un droit
à l’enfant comme d’un objet, alors nous vous laissons cette modernité ; si
la modernité pour vous, ce sont les bébés éprouvette, alors nous vous laissons
cette modernité ; enfin, si la modernité pour vous, c’est de pouvoir louer
le ventre d’une femme, alors oui, nous vous laissons aussi cette
modernité ! (Vives exclamations et huées sur les bancs des groupes SRC,
écologiste et GDR.)
M. Laurent
Wauquiez. Nos convictions sont autres. Ces
convictions, je vous demande de laisser les Français les exprimer. Et c’est au
nom de ces convictions que nous demandons solennellement un référendum. (Mmes
et MM. les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme la
ministre déléguée chargée de la famille.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la
famille. Monsieur le
président, mesdames et messieurs les députés, ce n’est pas une ministre
terrorisée qui vous répond et je n’ai pas le sentiment que Mme Taubira le soit,
non plus que les députés sur les bancs de la majorité. (Applaudissements sur
les bancs du groupe SRC.)
Les questions soulevées par M. Wauquiez ont au
moins eu le mérite de faire émerger un consensus formidable : je n’ai
jamais vu un tel hymne d’amour pour les homosexuels ! (Exclamations sur
les bancs du groupe UMP.)
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous les aimez tellement que vous
voulez pour eux un contrat d’union civile. Or le contrat d’union civile est une
proposition de loi de 1992, présentée par Jean-Pierre Michel et Jean-Michel
Belorgey. Il vous faut vingt ans pour y arriver. Nous allons beaucoup plus vite
que vous, en effet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Venons-en au référendum. Vous appelez à la tolérance
mais la première des tolérances serait de respecter les 18 millions de voix qui
se sont portées sur François Hollande le 6 mai, de respecter les millions de
voix qui ont permis d’élire cette majorité. C’est cela aussi, le respect du
peuple !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. C’est aussi le respect non pas
d’une promesse, comme M. Bernard Accoyer l’a dit, mais d’un engagement, le
trente-et-unième, qui faisait partie des soixante engagements de François
Hollande, et je tiens à vous en rappeler le contenu: l’ouverture du mariage et de
l’adoption aux couples de même sexe. Ce projet de la loi ne porte que sur
l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe, ne vous en
déplaise. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur
les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Veuillez écouter Mme la
ministre, s’il vous plaît.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le champ de l’article 11 de
notre Constitution ne nous permet pas de soumettre ce type de question au
référendum. Vous pouvez très bien parler d’argutie juridique, MM. Guy
Carcassonne et Didier Maus apprécieront.
Il n’en reste pas moins vrai que si vous aviez voulu que
le référendum puisse porter sur ce type de question, vous seriez allés jusqu’au
bout de la révision constitutionnelle de 2008 qui instituait un référendum
d’initiative populaire, en prenant des mesures pour que la loi organique soit
votée, et cette discussion n’aurait pas eu lieu.
On voit bien de quelle façon vous cherchez à éluder le
débat.
En effet, le champ de l’article 11 n’ouvre pas
cette possibilité et je rappellerai les propos d’un ancien garde des sceaux,
Jacques Toubon : « En limitant l’extension du champ référendaire aux
matières économiques et sociales, le Gouvernement a choisi d’exclure les sujets
touchant à la souveraineté, comme la défense ou la justice, ou ce qu’il est
convenu d’appeler les questions de société avec les libertés publiques, le
droit pénal, ou encore les lois de finances, dont l’examen relève des
prérogatives traditionnelles du Parlement. Il doit donc être clair qu’il ne
saurait y avoir de référendum sur des sujets comme la peine de mort, la
repénalisation de l’avortement ou l’expulsion des immigrants clandestins, le
référendum n’étant pas et ne devant pas être un instrument de démagogie ».
(Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)
Et de citer les exemples suivants quant au champ du
référendum : en matière économique, les privatisations, le plan ou les
lois d’orientation pluriannuelles, et, dans le domaine social, les orientations
générales du droit du travail, de la sécurité sociale, de la politique de
santé, l’exclusion ou l’aide sociale.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Se retrouvent en revanche exclus du
nouveau champ d’application le droit pénal, l’entrée et le séjour des étrangers
en France, les libertés publiques, les prérogatives de police, la politique
étrangère, la défense, la justice et le droit civil.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les deux motions que vous avez
présentées hier ne sont, comme celle d’aujourd’hui, qu’un prétexte pour essayer
d’enliser le débat sans le porter sur le contenu même du texte dont je répète
qu’il ne concerne que l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de
même sexe. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et
écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane
Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la
justice. Mme la
ministre chargée de la famille vient de répondre aux questions d’ordre
constitutionnel mais vous connaissez déjà parfaitement tout cela. Vous vous
réclamez volontiers d’un courant de pensée politique qui a considéré le
référendum comme un instrument de recours au peuple, mais en en définissant
précisément le champ d’application. Je ne m’appesantirai pas sur la question.
Vous connaissez aussi la tradition philosophique du
droit français qui relève de Rousseau, avec le recours à la souveraineté
populaire, mais aussi de Montesquieu, avec la démocratie représentative. Vous
savez parfaitement que, dans l’histoire du droit et dans l’histoire des grandes
politiques publiques, cette double filiation philosophique a toujours été
respectée.
Je m’arrêterai très brièvement sur les propos de
M. Wauquiez et le réquisitoire qu’il a essayé de dresser contre moi y
compris ad hominem, en m’attribuant des propos que je n’ai jamais tenus.
Tout cela n’est pas très important et se reproduira sans doute fréquemment ces
deux prochaines semaines. Je n’y répondrai pas forcément.
Pourquoi parlez-vous, à propos de la circulaire de ce
matin, de circulaire en catimini ? Les circulaires ne sont jamais des
documents classés secret-défense, elles sont toujours publiées au Bulletin
officiel. Par ailleurs, j’en ai fait état le 16 janvier devant la
commission des lois (« Non, non ! » sur les bancs du groupe
UMP) et mon audition a été retransmise en direct, notamment sur la chaîne
parlementaire. En tout état de cause, le procès-verbal fera foi si c’est
nécessaire.
Que dit cette circulaire ? Parce que le
Gouvernement est indéfectiblement attaché au principe de l’indisponibilité du
corps humain, il évite justement que, par ce biais-là (Exclamations sur les
bancs du groupe UMP)…
M. le président. S’il vous plaît, M. Wauquiez a
posé des questions, écoutez au moins les réponses !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous le savez très bien, monsieur
Wauquiez, l’arrêt de la Cour de cassation va exactement dans le même sens. J’y
reviens pour éclairer la représentation nationale et les Français.
Chaque année, 450 000 actes d’état civil sont
enregistrés à l’étranger. Ils sont enregistrés dans nos consulats. Lorsqu’un
consul a un doute sur l’enregistrement d’un acte, il le signale au ministère
des affaires étrangères, qui en avertit le parquet de Nantes.
M. Christian
Jacob. Mais ce n’est pas de cela qu’il est
question dans votre circulaire ! (Vives exclamations sur les bancs du
groupe SRC.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je comprends parfaitement que cela
vous dérange profondément que je clarifie la situation.
Reprenons : le consulat fait saisir le parquet et
le parquet examine les cas. Sous le dernier quinquennat, entre 2008 et 2011,
quarante-quatre cas ont été signalés au parquet parce que le consul soupçonnait
une gestation pour autrui. Le doute a été confirmé pour 38 d’entre eux par
décision du procureur de la République. Rendons hommage à la vigilance de nos
consulats, qui repèrent ces cas de gestation pour autrui, les signalent et
permettent ainsi au parquet d’accomplir son travail.
Pour l’année 2012, les chiffres sortis en décembre
font état de douze dossiers. Lorsque les contentieux sont différents, les
décisions de justice sont différentes, mais les actes administratifs, fondés
sur le droit, doivent être égaux et identiques dans toutes nos juridictions.
Dans certaines juridictions, les greffes des tribunaux d’instance délivrent le
certificat de nationalité française, qui n’est pas à attribuer puisque ces enfants
sont Français du fait de leur filiation paternelle.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, monsieur Wauquiez, ce n’en pas
une, quoi que vous disiez !
Par cette circulaire, nous demandons aux greffiers
que, sur la base du document d’état civil probant, ils délivrent le certificat
national de nationalité française.
Si dans deux semaines vous voulez nous reposer la
question, par respect pour le Parlement, nous vous répondrons à nouveau.
Vous avez prétendu que je vous aurais traité
d’hypocrites. Je répète ce que j’ai dit, mais le compte rendu fait foi de toute
manière : puisque le mariage des homosexuels n’enlève strictement rien aux
hétérosexuels….
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Posons des mots sur des sentiments
et des comportements. Je maintiens mes propos : oui, il est hypocrite de
faire semblant de ne pas voir ces familles homoparentales et ces milliers
d’enfants qui sont exposés à un regard social réprobateur (Vifs
applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Vous nous parlez des effets psychologiques sur les
enfants, mais ces effets sont d’abord le fait du regard social, des
discriminations, du rejet, du refus d’une citoyenneté ! ( Les députés
des groupes SRC, GDR et écologiste se lèvent et applaudissent).
Alors, oui, nous le refusons. Je suis désolée de vous
déplaire si, par hasard, il vous est arrivé de penser que je vous traitais
d’hypocrites.
M. le président. Rasseyez-vous, mesdames et
messieurs les députés.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous nous parlez de l’intime mais,
monsieur Wauquiez, en ce domaine, nous nous faisons un devoir de réfréner nos
élans, nos sympathies, nos aversions, parce que nous statuons en droit. Il
s’agit ici de droits et de libertés. (Applaudissements sur les bancs des
groupes SRC, GDR et écologiste.)
M. le
président. La parole
est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la
législation et de l’administration générale de la République.
M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois
constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la
République. Monsieur le
président, mesdames les ministres, monsieur le ministre chargé des relations
avec le Parlement, chers collègues, comme nous tous ici, j’ai écouté Laurent
Wauquiez avec d’autant plus d’attention que nous n’avons pas souvent ce
plaisir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste
et RRDP.) Je l’ai fait avec d’autant plus d’attention que c’est la première
fois, dans cet hémicycle ou en commission, que nous entendons Laurent Wauquiez,
lequel, jusqu’à présent, ne s’était pas exprimé sur ce sujet. (Huées sur les
bancs des groupes SRC,GDR, écologiste et RRDP. – Exclamations et claquements de
pupitres sur de très nombreux bancs du groupe UMP.)
M. le président. S’il vous plaît, un peu de
calme !
M. le président. Monsieur Jacob, je vous donnerai la
parole quand M. Urvoas aura fini. (Exclamations et claquements de
pupitres sur les bancs du groupe UMP. – M. Christian Jacob persiste à
demander la parole.) L’orateur seul a la parole, monsieur Jacob, et vous le
savez très bien. Vous l’aurez ensuite. (Nouvelles exclamations sur les bancs
du groupe UMP.)
M. le président. Monsieur Jacob, nous sommes dans le
cadre des explications de vote. Il n’y a pas de rappel au règlement ni de
suspension de séance une fois qu’un orateur a pris la parole.
Veuillez poursuivre, monsieur le président de la
commission !
M. Jean-Jacques
Urvoas, président de la commission des lois. Je vous ai écouté, monsieur
Wauquiez, et vous avez dit que nous avions peur. De quoi aurions-nous
peur ? De nos convictions ? (Exclamations sur les bancs du groupe
UMP.) Je vous le dis, mes chers collègues, nous sommes fiers de nos
convictions (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC,GDR, écologiste
et RRDP), fiers de la victoire de François Hollande (Mêmes mouvements),
fiers de l’engagement 31 de François Hollande, fiers du combat de
Dominique Bertinotti au service de toutes les familles, fiers de Christiane
Taubira dans son combat pour l’égalité (Mêmes mouvements).
Nous aurions peur ? Qui, ici, parle de
peur ? Vous passez votre temps à nous parler de vos craintes, de vos
fantasmes, de GPA. Une fois pour toutes, cette majorité ne veut pas de la GPA
et il n’y aura pas de GPA ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des
groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP. – Claquements de pupitres sur les bancs
du groupe UMP.)
Vous avez, monsieur Wauquiez, défendu avec talent une
motion référendaire pour que le peuple puisse se prononcer.
M. Jean-Jacques
Urvoas, président de la commission des lois. En tant que président de la
commission des lois, je vais essayer de répondre sur le fond à votre demande de
motion référendaire – et ce ne seront pas des arguties juridiques.
J’ai été surpris que vous empruntiez cette voie, parce
que vous la suivez…
M. Jean-Jacques
Urvoas, président de la commission des lois. Cher collègue, relisez donc
Talleyrand : « Tout ce qui est excessif est insignifiant ». (Applaudissements
sur les bancs des groupes SRC,GDR, écologiste et RRDP.)
Juridiquement, la voie que vous avez choisie est une
impasse. Je suis convaincu que vous en êtes persuadés, mais que, par pur
opportunisme, vous feignez de l’ignorer. Pourquoi ? Parce que c’est votre
majorité, en 1995, qui a apporté la réponse. Jacques Chirac est le dernier
Président de la République à avoir engagé une révision constitutionnelle pour
élargir l’article 11. Et puisque ce ne sont pas nos arguments qui arrivent
à vous faire douter, je vais en appeler à des membres de votre majorité de
l’époque.
On nous a déjà parlé de Jacques Toubon. Aussi vais-je
citer quelqu’un d’autre, qui a, lui aussi, présidé la commission des lois
entre 1993 et 1997 avant d’être nommé au Conseil constitutionnel par
Jacques Chirac. Ce collègue éminent, bien plus compétent, naturellement, c’est
Pierre Mazeaud, qui a présidé le Conseil constitutionnel en 2004. Pierre
Mazeaud a rapporté la révision constitutionnelle de 1995 et a signé un rapport
le 5 juillet 1995. Il pose cette question : « que va donc
couvrir le champ de l’article 11, que nous allons élargir, et que va-t-il
interdire ? »
M. Jean-Jacques
Urvoas, président de la commission des lois. Vous n’en serez pas surpris, il
affirme qu’il va reprendre ce que disait tout à l’heure Dominique
Bertinotti : en seront exclus le droit pénal, les libertés publiques, les
prérogatives de police et le droit civil.
M. Jean-Jacques
Urvoas, président de la commission des lois. Nous avons le sentiment de parler
ici de la modification du droit civil de la famille.
Monsieur Wauquiez, vous avez dit : « Non,
c’est une réforme sociétale, c’est donc une réforme sociale, cela relève de
l’article 11 de la Constitution. » Là encore, je vais faire appel à
votre mémoire et aux écrits de Pascal Clément et de Jacques Toubon.
Pascal Clément, juriste éminent, a présidé la
commission des lois de notre assemblée et a été garde des sceaux. Le
11 juillet 1995, il a déposé un amendement visant à ouvrir le référendum
aux questions de société. Il disait – j’imagine que vous allez vous
retrouver – qu’il fallait cet élargissement parce que restreindre la
compétence du peuple français aurait quelque chose d’inexplicable. Vous en êtes
d’accord.
Jacques Toubon, garde des sceaux, membre de vos
organisations politiques, a répondu : « Non, nous ne ferons pas cela,
parce que nous considérons qu’il ne faut pas se risquer sur ce terrain, de peur
de remettre en cause les principes fondamentaux reconnus par le Conseil
constitutionnel et par l’ensemble des textes depuis le Préambule de 1946. Cela
ferait courir un très grand risque à l’équilibre des institutions et aux
libertés dont bénéficient les Français, et nous nous y refusons ». C’est
Jacques Toubon qui parle, ce n’est pas Christiane Taubira, ce n’est pas non
plus Dominique Bertinotti. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Depuis, rien n’a bougé. Pourtant, cela aurait pu en
2008, parce que des amendements ont été déposés dans cet hémicycle par des
collègues membres du groupe UMP qui demandaient l’élargissement du champ du
référendum aux questions de société. C’est Mme Rachida Dati, garde des
sceaux (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste et
RRDP), c’est Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois qui ont
dit non !
Vous nous avez parlé de François Mitterrand, monsieur
Wauquiez. François Mitterrand avait en effet proposé, en 1984, d’élargir le
champ du référendum. Qui a dit non ? Le Sénat, où vous étiez
majoritaires !
M. Jean-Jacques
Urvoas, président de la commission des lois. Depuis, rien n’a bougé. En 1984, en
1995 et en 2008, c’est vous qui vous êtes opposés à l’élargissement du champ du
référendum ! Il est donc pour le moins savoureux que vous le proposiez
aujourd’hui !
À la question « Les réformes de société
sont-elles relatives aux réformes sociales de la nation, comme le prévoit
l’article 11 ? », vous répondez « oui », monsieur
Wauquiez, dans votre motion référendaire. Parfait !
Les manuels de droit constitutionnel
répondent « non ». Balayons-les et prenons un autre
ouvrage, celui-ci, par exemple : Les 101 mots de la démocratie. Pas
mal ! Il a été publié chez Odile Jacob en 2002. À la page 444, à la
question « Les réformes de société relèvent-elles des réformes
sociales de la nation dans l’article 11 ? », les auteurs
répondent « non ». Les auteurs sont Raphaël Hadas-Lebel et Laurent
Wauquiez. (Mmes et MM. les députés des groupes SRC, GDR,
écologiste et RRDP se lèvent et applaudissent.)
M. le président. Dans les explications de vote, la
parole est à M. Bernard Roman, pour le groupe SRC.
M. Bernard Roman. Monsieur le président, pour l’explication de vote du
groupe SRC, je pensais répondre à une motion référendaire. J’avais donc préparé
quelques notes pour contrecarrer des arguments qui, même s’ils n’ont pas été
totalement développés, ont été contrebattus à l’instant avec un talent
remarquable par le président de la commission des lois. Je ne m’y attarderai
donc pas.
D’abord, il y a une vraie contradiction à voir les
orateurs défiler à la tribune au nom du groupe UMP pour dire qu’il y a des
choses plus importantes et que nous essayons d’allumer un contre-feu avec un
texte de société, alors que les gens nous parlent du chômage, de la situation
économique et des difficultés qu’ils rencontrent, tout en demandant en même
temps que l’on utilise le dispositif qui mobilise le plus la société,
c’est-à-dire le référendum. Il y a là, je le répète, une vraie contradiction. (Applaudissements
sur les bancs du groupe SRC.)
Deuxièmement, je me demande ce qu’aurait dit
M. Wauquiez dans une moitié de son exposé s’il n’y avait pas eu la
circulaire Taubira. Il a effectivement passé vingt minutes sur une demi-heure à
parler de la GPA et de cette circulaire.
Puisque les choses ne sont pas dites comme elles sont
écrites, j’ai en main le compte rendu officiel de la commission des lois du
16 janvier. Je ne vous en lis que trois lignes. La garde des sceaux
répondait aux interpellations de M. Mariton et de M. Gosselin, les deux
porte-parole de l’UMP sur ce texte, ainsi que de M. Poisson.
Je cite le compte rendu de la commission des
lois : « J’ai fait préparer une circulaire qui doit être adressée de
façon imminente aux tribunaux d’instance afin de faciliter la délivrance de ces
certificats, aucun élément de droit ne justifiant qu’elle soit refusée à ces
enfants qui sont Français. » Aucune réaction ni de M. Poisson ni de
M. Gosselin ni de M. Mariton ! (Exclamations sur de nombreux
bancs du groupe UMP.) Je l’avoue, j’ai du mal à comprendre que leur
approbation tacite en commission se transforme en cris de vierges effarouchées
à la suite d’un article paru dans Le Figaro !
M. le
président. Il faut
conclure, monsieur Roman.
M. Bernard
Roman. Enfin, je vous le dis de la manière
la plus ferme, je n’accepte pas ces mises en cause, monsieur Wauquiez, que vous
avez faites à la tribune. Lorsqu’une mission a été mise en place pour la
révision des lois de bioéthique, il y a deux ans, elle était présidée par l’un
de nos éminents collègues socialistes – qui est toujours député – Alain Claeys.
Cette mission a rendu des conclusions validées par la formation à laquelle nous
appartenons, le parti socialiste, à l’unanimité de ses membres, disant que
jamais nous n’accepterions la marchandisation du corps des femmes et que jamais
nous n’approuverions la GPA. Par conséquent, faire ce procès aujourd’hui est
indigne de vous !
Pour toutes raisons, nous voterons contre votre motion
référendaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR,
écologiste et RRDP.)
M. le président. La parole est à
M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe UMP.
M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, mes chers
collègues, avant d’évoquer le fond de la motion excellemment présentée par
Laurent Wauquiez, je m’adresse solennellement à Mmes les ministres.
Je regrette que le droit d’expression, formellement
reconnu par le règlement de notre assemblée, c’est-à-dire le droit de défendre
des motions, et donc des avis différents, soit considéré par vous, mesdames les
ministres, comme un prétexte. Le droit fondamental de l’opposition, dans cet
hémicycle comme ailleurs, c’est de faire valoir ce à quoi elle croit, et si le
règlement prévoit que nous nous exprimions dans un temps donné, nous le ferons,
que cela vous plaise ou non, et jusqu’au bout de ces débats ! (Applaudissements
sur les bancs du groupe UMP.)
Je regrette aussi – je ne parle pas pour le
président de la commission des lois, pour lequel j’aurai un mot tout à
l’heure – que, pour expliquer votre position sur l’interprétation de la
Constitution, vous n’ayez fait référence qu’à deux constitutionnalistes dont
les orientations politiques personnelles, au demeurant parfaitement
respectables, sont connues. Il y a beaucoup de professeurs de droit
constitutionnel, madame la ministre, qui ne partagent pas votre avis. J’aimerais
que, dans ce débat, la diversité d’opinions ait une place et qu’elle soit
reconnue comme telle. Cette façon monolithique de présenter les choses comme si
c’était la vérité ne convient pas à la nature de notre débat. (Applaudissements
sur les bancs du groupe UMP.)
Enfin, cher président de la commission des lois, je
regrette les mots que vous avez prononcés à l’encontre de notre collègue
Wauquiez. Comme disait le cardinal de Retz, en politique comme en amour, on ne
sort de l’ambiguïté qu’à son détriment ! Vos propos étaient suffisamment
habiles pour que, derrière l’amabilité de leur ton, on puisse déceler une
certaine forme d’ironie. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Eh oui, le président de la commission des lois pratique volontiers l’ironie.
D’ailleurs, il en sourit, car il le sait bien, et je suis l’une de ces cibles
préférées !
Lors de la première réunion de la commission, monsieur
le président, il y avait à peine assez de sièges pour que tout le monde puisse
s’asseoir, et vous avez failli lever la séance pour cette raison. Il est bien
normal que des collègues qui ne siègent pas dans cette commission participent
moins que d’autres à ses travaux. Il est tout aussi normal de les retrouver
dans cette discussion, et nous nous en réjouissons. Monsieur le président, je
ne crois pas que ce soit seulement le cas de M. Wauquiez. (Applaudissements
sur les bancs du groupe UMP.)
Sur le fond…
M. le
président. Il faudrait
conclure, monsieur Poisson !
Au sujet du référendum d’initiative populaire, je
remercie Mme la ministre Bertinotti de nous avoir rappelés à nos
responsabilités. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de savoir ce que la majorité
présidentielle en pense, puisqu’un texte relatif au référendum est inscrit à
l’ordre du jour du Sénat. Nous verrons donc dans quelques jours si la gauche
sénatoriale est prête ou non à installer définitivement cette initiative dans
nos textes.
Enfin, sur le référendum lui-même, j’invite à
convoquer les citations dans leur intégralité. Après le passage de Jacques
Toubon que vous avez cité, madame le ministre, selon lequel un référendum ne
doit pas être tenu pour les questions que vous avez indiquées, notre ancien
collègue poursuit en précisant : « tout en respectant scrupuleusement
le pouvoir du Président de la République d’apprécier si le référendum envisagé
correspond à une exigence nationale ». Notre collègue Wauquiez a abondamment
démontré cette exigence. Nous soutiendrons donc la motion référendaire qu’il a
défendue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à
M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe Union des démocrates et
indépendants.
M. Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le président, chers
collègues, j’admire pour ma part l’assurance de beaucoup d’entre vous quant à
ce que les Français pensent de tout cela. (Exclamations sur les bancs du
groupe SRC.) On est sûr qu’au mariage tous répondraient massivement
« oui », qu’à l’adoption tous répondraient massivement
« oui », on semble sûr qu’à la PMA ils répondraient massivement
« oui » et on est maintenant presque sûr qu’à la GPA ils répondraient
massivement « oui » ! Je n’ai pas la chance d’avoir votre
assurance et, au fur et à mesure de ces débats, j’ai de plus en plus de doutes
sur les réponses qui seraient apportées à ces questions. (Exclamations sur
les bancs du groupe SRC.)
Je vais d’ailleurs vous faire un aveu : je
n’avais pas signé la motion référendaire et plusieurs de nos collègues du
groupe UDI non plus, pensant trouver dans l’amorce des débats sur ce projet de
loi si important des réponses, une écoute, des pistes peut-être plus ouvertes.
Mais on ne les trouve pas et les doutes s’installent de plus en plus au fur et
à mesure que les discussions avancent. C’est la raison pour laquelle la plupart
de mes collègues du groupe UDI et moi-même voterons pour cette motion
référendaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
M. le président. Sur la motion référendaire, je suis
saisi par les groupes SRC et UMP d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
M. le président. La parole est à M. Noël
Mamère.
M. Noël Mamère. Monsieur le président, mes chers collègues, notre
collègue Wauquiez a parlé tout à l’heure de peur. Je crois pouvoir dire que,
depuis le début de cette discussion parlementaire, c’est dans son camp que se
trouve la peur. La droite défend une France étriquée et frileuse contre ceux
qui défendent une société ouverte et tolérante qui se bat pour l’égalité des
droits. Nous sommes aujourd’hui dans la tradition de la gauche au sens le plus
large, qui s’est toujours battue pour que les droits soient acquis à ceux qui
n’en avaient pas auparavant. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste
et SRC.)
D’autre part, monsieur Wauquiez, vous nous avez parlé
de référendum, nous rappelant même celui sur le traité de Maastricht. Alors,
pourquoi avez-vous refusé un référendum sur le traité de Lisbonne ? Vous
avez parlé des retraites : pourquoi avez-vous refusé un référendum sur les
retraites ? Laissez-moi vous dire que votre posture et celle de votre
groupe vont finir, si vous me permettez cette expression un peu familière, par
vous ringardiser et montrer aux Français et à votre électorat que vous n’avez
absolument rien compris à l’évolution de la société, car vous sacrifiez à un
jeu de rôles ! (Rires sur les bancs du groupe écologiste. -
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Enfin, vous avez essayé d’instrumentaliser la
circulaire de Mme Taubira. Quoi que l’on pense de la GPA, les enfants
doivent-ils être victimes des choix de leurs parents ? La réponse est
non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.) C’est
pour cette raison que Mme Taubira, à juste titre, n’a pas demandé qu’on
procède à son inscription dans l’état civil, puisque la Cour de cassation ne le
permet pas. Mais accorder un certificat de nationalité à ces enfants, ce n’est
pas le droit à l’enfant mais le droit de l’enfant ! Mme Taubira a eu
raison de produire cette circulaire en réponse à l’amendement d’un écologiste
qui s’appelle Sergio Coronado ! (Applaudissements sur les bancs des
groupes écologiste et SRC.) Oui, nous sommes fiers aujourd’hui, quelles que
soient nos différences, d’appartenir à cette majorité, soutien du Gouvernement
qui a le courage d’assumer une loi rattrapant le retard de notre pays sur
d’autres qui ont déjà ouvert des droits ! (Applaudissements sur les
bancs des groupes écologiste et SRC.)
M. le président. La parole est à M. Alain
Tourret.
M. Alain Tourret. Monsieur le président, mes chers collègues, nous nous
sommes déjà en quelque sorte prononcés hier sur cette motion référendaire
puisque nous avons rejeté la motion de procédure défendue par M. Guaino,
et avec quel talent ! (Rires sur les bancs du groupe RRDP.)
L’Assemblée a donc tranché, qu’on le veuille ou non ! Virés par la porte,
vous essayez de rentrer par la fenêtre ! (Rires sur les bancs du groupe
RRDP et du groupe SRC.) Qu’on le veuille ou non, votre tentative
d’aujourd’hui n’est qu’un artifice de procédure !
Vous nous proposez à nouveau de saisir le peuple
français, autrement dit de demander au Président de la République d’appliquer
une extension de l’article 11 de la Constitution. Le président Urvoas a
fort bien montré tout à l’heure les évidentes difficultés d’une telle démarche.
Il suffit de rappeler tout d’abord qu’on ne peut pas consulter a priori le
Conseil constitutionnel, et qu’ensuite une fois la loi votée, on ne peut plus
le saisir. Dès lors, l’interprétation de l’article 11 ne peut qu’être
minimaliste, faute de quoi il y aurait une interprétation laxiste du Président
qui engagerait sa responsabilité : c’est ce qu’on appelle la
forfaiture ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
En réalité, ce que vous nous proposez, c’est de
recourir à la démocratie de l’émotion. Celle-ci n’a pas à se substituer au vote
rationnel, empreint de l’esprit des Lumières de notre assemblée. (Applaudissements
sur plusieurs bancs du groupe SRC.) En fin de compte, messieurs de la
droite, vous êtes toujours les mêmes : vous êtes des bonapartistes !
C’est cela qui vous anime ! (Protestations sur les bancs du groupe
UMP.) Nous sommes, nous, des représentants de la démocratie
parlementaire !
Monsieur Wauquiez, je vous ai écouté avec grande
attention. Vous avez beaucoup de talent. Pourquoi le gâcher pour sombrer dans
l’excessif, le dérisoire et l’insupportable en nous associant aux défenseurs de
la GPA, dont j’ai dit hier qu’elle nous révulsait ? J’ai d’ailleurs
proposé que la France prenne une initiative sur le plan international en vue
d’une condamnation unanime de la GPA. Nous rejetterons, monsieur Wauquiez,
cette motion dangereuse pour la République et la démocratie que vous nous avez
proposée ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. -
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et du groupe SRC.)
M. le
président. La parole
est à Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet. Monsieur Wauquiez, vous nous avez
parlé de démocratie. Celle-ci est basée sur la clarté des propos et la
confiance dans l’intelligence. Or tout votre propos ne vise qu’à faire
peur ! Vous évoquez la « face cachée » de la loi. Mais il n’y en
a pas. La loi dit tout simplement que le mariage est un droit à un projet de
vie commun basé sur l’amour et le respect de l’autre et qu’il n’est pas
acceptable que les couples homosexuels en soient écartés. Voilà, tout
simplement, ce que dit la loi ! Elle nous dit que ces couples, comme les
couples hétérosexuels, ont le droit de fonder une famille. Voilà le projet de
loi qui nous est soumis. Discutez-en, au lieu d’essayer de faire peur !
Vous créez l’amalgame entre le droit à l’enfant et le
droit des enfants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Mais en quoi le fait qu’un couple homosexuel ait droit à l’adoption serait le
droit à l’enfant, tandis que le fait qu’un couple hétérosexuel a droit à l’adoption
serait le droit des enfants ? Et où est le droit des enfants quand un
enfant ne sait pas si l’un de ses parents pourra venir le chercher à l’hôpital,
signer des papiers qui le concernent et s’occuper de lui si l’autre parent
décède ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Le droit à
l’enfant, c’est que les parents soient en pleine responsabilité, des parents de
plein droit, afin que les enfants soient des enfants de plein droit !
Quant à la gestation pour autrui, toute la majorité
s’oppose à cette marchandisation du corps de la femme. Et franchement, monsieur
Wauquiez, ce n’est pas à vous, les conservateurs, de donner des leçons aux
femmes qui se sont battues pour leurs droits et qui se battent aujourd’hui pour
l’égalité salariale et pour l’abolition de la prostitution ! C’est contre
vous que nous nous sommes battues au fil de ces décennies ! (Applaudissements
sur les bancs des groupes GDR, écologiste et SRC.)
Dès lors, arrêtez les motions de procédure, arrêtez
les suspensions de séance et ayez maintenant le courage de vous attaquer aux
articles du projet de loi, afin que nous puissions, nous, discuter vos
amendements ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR,
écologiste et SRC.)
M. le
président. Je mets aux
voix la motion référendaire.
(Il est
procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le
résultat du scrutin sur la motion référendaire :
Nombre de
votants 483
Nombre de
suffrages exprimés 482
Majorité
absolue 242
Pour l’adoption 184
contre 298
(La motion
référendaire n’est pas adoptée.)
(Applaudissements
sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
………….
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures
cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures dix.)
M. le président. La séance est reprise………
M. le président. La parole est à M. Christian Jacob,
pour un rappel au règlement.
M. Christian Jacob. Mon intervention se fonde sur l’article 58 de
notre règlement, monsieur le président, et porte sur le déroulement de nos
travaux.
Comme nous l’avons constaté lors des deux jours qui
viennent de s’écouler, le texte que nous sommes en train d’examiner ouvre
clairement la voie à l’autorisation de la gestation pour autrui pour raisons de
convenance personnelle, autorisation qui fera l’objet d’un prochain texte. La
légalisation de la gestation pour autrui est clairement inscrite dans la
circulaire que vient d’envoyer Mme la garde des sceaux, un texte dont il
n’a pas été donné lecture tout à l’heure, ce qui a permis à plusieurs –
notamment à vous, madame la ministre – d’affirmer qu’il n’y avait pas de
légalisation.
Il me paraît donc utile de rappeler que cette
circulaire porte sur les conditions de délivrance des certificats de
nationalité française aux enfants nés à l’étranger de Français « lorsqu’il
apparaît, avec suffisamment de vraisemblance, qu’il a été fait recours à une
convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte
d’autrui ». À la lecture de ces mots, il est difficile de soutenir que la
circulaire n’a pas pour effet de reconnaître la gestation pour autrui à
l’étranger. Et dès lors que vous la reconnaissez à l’étranger, comment
pourrions-nous nous y opposer en France ? Vous soutenez que ce sera
possible, mais votre raisonnement ne tient pas ! En réalité, vous savez
parfaitement que vous venez d’ouvrir le droit à la gestation pour autrui et à
sa reconnaissance, donc à sa légalisation.
J’en viens à ce qui motive précisément mon rappel au
règlement. Constatant que la voie est ouverte à la procréation médicalement
assistée pour raisons de convenance personnelle, je demande depuis trois mois
que le Comité national d’éthique soit saisi. Le Président de la République
vient enfin d’annoncer, il y a quatre jours, qu’il allait consulter cette
instance. Je vis la situation actuelle comme une véritable humiliation pour
notre parlement : on sollicite l’avis du Comité national d’éthique alors
que nous sommes en train d’examiner le texte, et en sachant pertinemment que
nous n’aurons pas cet avis avant d’avoir fini de débattre. (Exclamations sur
les bancs du groupe UMP.)
M. Christian
Jacob. De même, alors que nous sommes en
train d’écrire la loi, nous voyons sortir des bureaux de Mme la garde des
sceaux une circulaire bafouant la loi, puisqu’elle reconnaît la gestation pour
autrui.
Face à cette situation, j’en appelle à votre
responsabilité, monsieur le président, en vous demandant de défendre notre
institution. Aujourd’hui, le Parlement est humilié parce qu’on n’a pas
recueilli l’avis du Comité national d’éthique.
M. Christian
Jacob. Il est humilié parce que
Mme la garde des sceaux fait sortir une circulaire au moment même où nous
sommes en train de débattre d’un projet de loi.
Monsieur le président, je vous demande solennellement
de défendre notre institution et de ne pas accepter que la représentation
nationale soit ainsi bafouée et humiliée. (Applaudissements sur les bancs du
groupe UMP.) Nous comptons sur vous et vous apportons notre soutien pour
défendre notre institution, ce que, nous n’en doutons pas, vous aurez à cœur de
faire avec l’énergie que nous vous connaissons. (Applaudissements sur les
bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Marty,
pour un rappel au règlement.
M. Alain Marty. Monsieur le président, j’aimerais que vous me donniez
la parole en fin de séance pour un fait personnel.
M. le président. Très bien.
La parole
est à M. Claude Goasguen, pour un rappel au règlement.
M. Claude Goasguen. J’interviens sur le fondement de l’article 58 du
règlement un peu dans le même sens que le président de mon groupe, mais pour un
sujet très précis. Je regrette que le président de la commission des lois ne
soit pas là, car c’est essentiellement à lui que s’adresse ma remarque, dans la
mesure où le texte dont nous discutons n’est pas celui du Gouvernement, mais
celui de la commission des lois.
Il nous a expliqué tout à l’heure que des cas
similaires à ceux que cette circulaire entend résoudre s’étaient présentés au
cours des années précédentes. Mais il n’y avait pas de circulaire. Laissez-moi
vous rappeler quelle est la nature juridique d’une circulaire.
La circulaire n’est pas un papier anodin, c’est pour
les tribunaux une source de droit à caractère normatif. Par conséquent, même
sans entrer dans le problème de la nationalité et sa correspondance avec l’état
civil, dont je veux bien admettre qu’il peut se discuter, il reste néanmoins
clair que votre circulaire autorise, par la reconnaissance normative de la GPA
à l’étranger, une atteinte au droit public, à l’ordre public. Vous devriez
normalement être en droit de réclamer que vos procureurs poursuivent le père
ayant commis une telle atteinte à l’ordre public. Or je n’ai pas entendu parler
de cet aspect des choses, qui est grave.
M. Claude
Goasguen. À partir du moment où vous ne
reconnaissez pas l’atteinte à l’ordre public, en admettant que je reconnaisse
le droit de la nationalité, vous renforcez le caractère normatif de la
disposition qui accepte la GPA en droit français. Vous prétendez que vous
n’instaurerez jamais la GPA mais, en réalité, la circulaire crée une norme qui
l’autorise.
Il y a donc
deux solutions : ou bien nous examinons dans le cadre de la commission des
lois un article additif rappelant de manière explicite que l’intention du
législateur en toute hypothèse est de ne pas reconnaître la GPA, et, dans ce
cas, la circulaire s’effacera devant une norme supérieure ; ou bien vous
ne faites rien et vous êtes obligés de reconnaître que, quelque part, tout de
même, votre circulaire accepte une atteinte à l’ordre public, et que, dans ces
conditions, vous mettez le doigt dans la GPA, et c’est un acte politique. (Applaudissements
sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
M. le
président. La parole
est à M. Olivier Dussopt, pour un rappel au règlement.
D’abord,
monsieur le président, nous sommes nombreux à considérer que vous défendez bien
notre institution et que vous veillez à la qualité de notre travail
parlementaire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je voudrais
aussi inviter mes collègues de l’opposition à rester concentrés dans nos débats
sur le contenu de ce texte. Ce texte concerne le mariage et l’adoption, il ne
concerne ni la PMA, ni la GPA. Cette majorité et le Gouvernement se sont
engagés à ne pas régulariser la GPA. (Exclamations sur de nombreux bancs du
groupe UMP.)
Monsieur
Goasguen, vous auriez pu aussi préciser, parce que vous le savez, et mieux que
moi d’ailleurs, que la circulaire peut certainement entraîner une
interprétation et une application…
M. Olivier
Dussopt. …mais que c’est le moins important
des documents dans notre hiérarchie normative. Cette circulaire ne remet en
cause ni l’article 16-7 du code civil ni tout ce qui interdit la GPA dans
notre pays. Elle vise uniquement, non à traiter de filiation ou d’état civil,…
M. Olivier
Dussopt. …mais à rappeler le droit qui
s’applique aujourd’hui pour l’obtention d’un certificat de nationalité. Elle
n’ouvre ni naturalisation ni régularisation d’enfants, elle rappelle uniquement
les règles dans lesquelles on obtient un certificat de nationalité.
M. le
président. La parole
est à M. Xavier Breton, pour un rappel au règlement.
J’entends la majorité, et notamment les socialistes,
expliquer que tout le monde est contre la gestation pour autrui. Je voudrais
simplement rappeler les débats qui ont eu lieu sur les lois de bioéthique de
l’année dernière. Ce n’est pas vieux : 2011 et 2012.
M. Mamère et M. de Rugy avaient déposé
un amendement visant à légaliser, en l’encadrant, la gestation pour autrui.
Pour M. Jean-Louis Touraine, la question de la
GPA n’a pas été inventée avec les progrès techniques et médicaux. C’est,
disait-il, « une question ancienne qui recueillira une approbation à
l’avenir, je n’en ai aucun doute. La question est de savoir si la société
française est prête à faire cette avancée aujourd’hui ou si elle entend
différer cette évolution ».
Pour Patrick Bloche, il était important que nous ayons
ces discussions. Et il poursuivait ainsi : « Il eût été inconcevable,
au moment où nous révisons des lois de bioéthique, que le débat ait lieu
partout dans la société et que nous ne l’abordions pas dans cet hémicycle. Par
ailleurs, personne ne peut le nier, la GPA fait aujourd’hui l’objet d’une
demande sociale forte correspondant à une évolution sans précédent des modèles
et cadres parentaux. La Haute assemblée a d’ailleurs été amenée à déposer,
venant tant des rangs de la majorité que de ceux de l’opposition, une
proposition de loi dont le seul inconvénient de mon point de vue est de limiter
l’accès à la GPA aux couples de sexe différent, créant par là même une
discrimination ». Il était donc lui-même pour la GPA.
Je finirai par les propos de Mme Filippetti,
aujourd’hui membre du Gouvernement : « Il me semble extrêmement
important que nous puissions ce soir, en 2011, débattre de la gestation pour
autrui. Il faudra sans doute encore du temps, malheureusement pour les couples
qui ont déjà eu recours à ces techniques à l’étranger et pour ceux qui
aimeraient y avoir accès en France dès maintenant, pour que ces techniques
soient autorisées par la loi française, mais je pense que ce temps viendra
parce que cette évolution est nécessaire et souhaitable ».
Vous masquez aujourd’hui vos opinions, qui s’étaient
exprimées lors de la discussion des lois de bioéthique. Il n’y a pas du tout
d’unanimité des socialistes contre la gestation pour autrui, bien au contraire.
C’est une manœuvre masquée, que la circulaire de Mme Taubira vient de
démasquer. (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le
Bouillonnec, pour un rappel au règlement.
Je voulais
rappeler à mes collègues les conditions dans lesquelles ce débat a déjà été
abordé par la commission des lois, le procès-verbal faisant foi. J’ai en effet
été outré que certains d’entre eux laissent entendre que nous n’avions pas
abordé ce sujet…
M. Jean-Yves
Le Bouillonnec. …et que la garde des sceaux n’avait
pas évoqué une prochaine circulaire.
Notre commission a examiné des amendements, notamment
ceux de M. Bompard, qui tendaient à confirmer que la GPA est prohibée dans
telle et telle situation. J’ai moi-même répondu que l’amendement était
superfétatoire, que l’interdiction de la GPA ne souffrait pas d’exception et
que des sanctions pénales étaient prévues pour les contrevenants :
commencer à énumérer les catégories de population auxquelles s’applique cette
interdiction ne ferait qu’en affaiblir le caractère absolu. La garde des sceaux
a repris cet argumentaire et confirmé le caractère absolu et d’ordre public de
la prohibition de la GPA. M. Devedjian et M. de Courson ont prolongé
cette réflexion.
À l’occasion de l’examen des amendements de
M. Coronado, qui visent à donner un état civil aux enfants dont la
situation a été évoquée tout à l’heure, la garde des sceaux a répondu de
manière extrêmement claire : « Si ces enfants sont Français, ils sont
de filiation française, personne ne peut le contester, et si leur état civil
produit des effets, dans les faits, les enfants concernés rencontrent parfois
des difficultés quand on demande que leur soit accordé un certificat de
nationalité française. Nous avons, en conséquence, donné des consignes. J’ai
fait préparer une circulaire qui doit être adressée de façon imminente aux
tribunaux d’instance afin de faciliter la délivrance de ces certificats, aucun
élément de droit ne justifiant qu’elle soit refusée à ces enfants qui sont
français. »
M. Jean-Yves
Le Bouillonnec. Mme la garde des sceaux nous a
apporté ces précisions l’autre jour et la suite du débat avait acté cet enjeu,
cette problématique et cette éventualité.
M. Jean-Yves
Le Bouillonnec. J’ai ainsi rappelé le travail de la
commission pour nos collègues qui semblent avoir oublié la matière de nos
échanges.
M. le
président. La parole
est à M. Laurent Wauquiez, pour un rappel au règlement.
Vous nous dites que le Gouvernement est très attentif
au fait qu’il y a une interdiction d’ordre public du recours à la GPA. Vous
nous dites que des sanctions pénales s’appliquent à toute personne ayant
recours à la GPA. Je prends votre circulaire, et là, quel contraste !
« L’attention de la Chancellerie a été appelée
sur les conditions de délivrance des certificats de nationalité française aux
enfants nés à l’étranger de Français. Lorsqu’il apparaît qu’il a été fait
recours à une convention portant sur la procréation ou la gestation pour le
compte d’autrui – on s’attendrait à ce que, dans la foulée, soient rappelés
l’interdiction absolue de la marchandisation du corps féminin et les principes
de notre droit public et de l’ordre public français mais non, c’est tout le
contraire –, vous veillerez alors à ce qu’il soit fait droit à celle-ci dès
lors que le lien de filiation avec un Français résulte d’un acte civil
étranger. J’appelle votre attention sur le fait que le seul soupçon du recours
à une telle convention conclue à l’étranger ne peut suffire à opposer un refus
aux demandes de CNF. »
C’est froid, c’est juridique, mais cela traduit
extrêmement bien la réalité de votre approche. Il n’y a rien dans votre
circulaire qui protège le corps féminin, rien qui rappelle l’interdiction de
recourir à la GPA, rien qui rappelle nos principes d’éthique. Sortant à ce
moment de nos débats, elle montre clairement le lien qui est établi par la
garde des sceaux et le Gouvernement entre, d’un côté, la loi sur le mariage et
l’adoption et, de l’autre, l’ensemble qui constitue votre projet de société,
comprenant bien entendu la procréation médicalement assistée et la gestation
pour autrui.
Il y a une seule manière de dissiper l’ambiguïté,
c’est que vous rappeliez vous-même clairement et simplement, par le biais d’un
amendement à ce texte, que la gestation pour autrui est parfaitement interdite
en droit français.
M. Laurent
Wauquiez. C’est la seule chose que nous
sommes en droit d’attendre. (Applaudissements sur de très nombreux bancs du
groupe UMP.)
M. le
président. La parole
est à M. Alain Claeys, pour un rappel au règlement.
Le Président
de la République a pris un engagement, le Gouvernement propose un projet de
loi.
M. Alain
Claeys. J’écoute les débats depuis le
début, je vous demande donc la même correction à mon égard.
Le Premier ministre présente un projet de loi qui
traduit scrupuleusement l’engagement du Président de la République :
mariage pour tous et adoption. Je comprends parfaitement que vous puissiez être
contre ce projet de loi, mais discutez sur le fond,…
M. Alain
Claeys. …c’est-à-dire sur ces deux
points : le mariage pour tous et l’adoption Si le Président de la
République ou le Premier ministre avaient voulu aborder d’autres sujets, la PMA
ou la gestation pour autrui, ils l’auraient fait dans le projet de loi.
J’ai présidé la mission sur la bioéthique, et j’ai vu
comment les uns et les autres se comportaient. Qu’on soit pour ou contre, on ne
triche pas.
M. Alain
Claeys. Nous affirmons aujourd’hui que le
Gouvernement et le groupe socialiste, après des débats il y a deux ans, sont
contre la gestation pour autrui.
M. Alain
Claeys. Ils ont présenté des arguments,
j’en ai moi-même présenté. Il y a eu des discussions.
M. Alain
Claeys. Nous considérons que la gestation
pour autrui est une marchandisation du corps de la femme…
M. Alain
Claeys. Nous en avons débattu et
l’interdiction est dans la loi, assortie de sanctions. Cette loi s’impose à
tous. La circulaire publiée par Mme la garde des sceaux ne la remet
absolument pas en cause.
M. Alain
Claeys. Elle ne fait que préserver le droit
de l’enfant. Vous n’êtes pas d’accord, vous critiquez, mais débattons au moins
de choses claires.
Dernier point : pouvez-vous reprocher au
Président de la République d’avoir saisi le Comité national d’éthique sur la
PMA ?
Plusieurs députés du groupe UMP. Trois jours avant !
M. Alain
Claeys. Vous-même avez eu la même approche.
Nous sommes dans une démarche de clarté. Si vous voulez que nous nous
respections les uns les autres, ne pensez pas un seul instant que, sur des
sujets comme celui-là, on puisse tricher ! (Applaudissements sur
plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe
Gosselin.
M. Philippe Gosselin. Je souhaite revenir sur les propos de M. Claeys
et de M. Le Bouillonnec. Nous avons, c’est vrai, entendu Mme la garde
des sceaux en commission des lois le 16 janvier.
M. Philippe
Gosselin. Elle s’est exprimée, les procès
verbaux sont là pour en attester, mais, je suis désolé, il y a bien un avant et
un après 25 janvier. La circulaire est là. La commission des lois s’est
réunie le 16 janvier. Ne faisons pas d’anachronismes.
Peu importe qu’il s’agisse, dans la hiérarchie des
normes, d’une circulaire, que certains considèrent comme un acte purement
administratif : la réalité politique, la réalité vraie, si j’ose dire,
c’est la reconnaissance implicite de la gestation pour autrui.
M. Philippe
Gosselin. C’est une incitation à
frauder : « Allez à l’étranger, organisez le tourisme reproductif,
revenez : on vous donnera le certificat de nationalité. » (Applaudissements
sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC,
écologiste, GDR et RRDP.) C’est purement et simplement cela !
Il y a d’ailleurs beaucoup de cynisme de la part du
Gouvernement à permettre, par ce certificat, la gestation pour autrui à
l’étranger. Il devient ainsi possible de se rendre à l’étranger et de recourir
avec une femme étrangère à la GPA : c’est moins grave que si cela se
passait en France, et ce sera tout de même légalisé, par le certificat. Cela
implique, d’une certaine façon, que la femme étrangère a moins de valeur que la
femme française (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. –
Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP),
et je trouve cela particulièrement honteux !
Un député du groupe SRC. Honte à vous !
M. Philippe
Gosselin. Après le tourisme de
transplantation, nous voilà incités – il faut le dire avec force – au
tourisme reproductif. Telle est la société à laquelle on nous prépare ; il
faut le dénoncer ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC,
écologiste, GDR et RRDP.) Vous avez un moyen, madame la garde des sceaux,
de témoigner de votre bonne foi, c’est de retirer cette circulaire !
M. le président. La parole est à M. Patrick
Bloche, pour un dernier rappel au règlement – sinon, ce serait un
détournement de la procédure.
M. Patrick Bloche. Je ne souhaitais pas intervenir dans ces rappels au
règlement successifs, partis d’un premier rappel au règlement de M. Jacob.
Celui-ci a employé les termes de « Parlement humilié », alors que
nous sommes majoritairement si honorés, si fiers de voter un projet de loi qui
permettra à notre pays de franchir une étape décisive sur le chemin de
l’égalité des droits. Un Parlement honoré, c’est aussi un Parlement qui
légifère dans la clarté.
M. Patrick
Bloche. Cette clarté, c’est celle qu’a
posée le Gouvernement en nous proposant ce projet de loi visant à ouvrir le
mariage et l’adoption aux couples de même sexe.
Devant intervenir dans peu de temps dans la discussion
générale, je n’aurais pas pris maintenant le micro si je n’avais été interpellé
par M. Breton, qui a rappelé – et c’est son droit puisque mes propos
étaient publics – ma position sur la gestation pour autrui. Je précise que
c’est une position minoritaire au sein du parti socialiste et du groupe SRC.
M. Patrick
Bloche. Pour poursuivre l’objectif de lutte
contre la marchandisation du corps des femmes qui nous rassemble, ma position
– je l’assume toujours en 2013, comme je l’ai assumée dans l’hémicycle en
2011 –, c’est une légalisation très encadrée, plutôt qu’une interdiction
qui ne regarde pas ce qui se passe au-delà de nos frontières.
Si j’interviens maintenant, c’est qu’en prenant la
parole dans la discussion générale je n’évoquerai pas la gestation pour autrui (Exclamations
sur les bancs du groupe UMP), car elle est totalement étrangère au débat
qui nous réunit aujourd’hui.
M. Patrick
Bloche. Et pourquoi, chers collègues ?
Tout simplement parce que le projet de loi vise à ouvrir le mariage et
l’adoption à tous les couples, c’est-à-dire à donner les droits des couples
hétérosexuels aux couples homosexuels, et que la gestation pour autrui n’a rien
à voir.
M. Patrick
Bloche. Elle est, vous le savez, interdite
en France pour tous les couples, qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels. (Applaudissements
sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)
Le projet de loi nous rassemblant aujourd’hui, qui
vise à faire tomber des discriminations, à placer sur un même niveau les droits
des couples hétérosexuels et homosexuels, ne concerne en rien la gestation pour
autrui. C’est la raison pour laquelle vous êtes hors sujet, et c’est pourquoi,
dans ce débat, vous maniez la confusion et l’amalgame.
M. Patrick
Bloche. Enfin, je me permets de vous
signaler qu’en tant que législateurs nous sommes avant tout sollicités, pour
évoluer éventuellement sur la gestation pour autrui, par des couples
hétérosexuels qui souhaitent avoir des enfants. (Applaudissements sur les
bancs des groupes SRC et écologiste.)
……..
M. le président. J’ai laissé les dix rappels au
règlement avoir lieu car je souhaite réellement que nous puissions poursuivre
ce débat qui honore l’Assemblée.
M. le président. À voir le travail accompli en
commission, les interventions de la majorité et de l’opposition, celles qui ont
lieu ici depuis hier, que ce soient celles du Gouvernement ou celles des
députés, de la majorité comme de l’opposition, ce débat nous honore. Même s’il
y a de l’ambiance : mais qui souhaiterait une démocratie aseptisée ?
Des arguments sont échangés, des réponses seront apportées. Nous avons encore
toute la discussion générale pour avancer dans les échanges d’arguments entre
les uns et les autres.
M. le président. Voilà pourquoi je donne à présent
la parole, dans la discussion générale, à M. Daniel Fasquelle.
M. Daniel Fasquelle. Madame la garde des sceaux, alors que les débats
s’ouvrent dans notre enceinte sur le projet de loi ouvrant le mariage à deux
personnes de même sexe, permettez-moi de m’interroger sur vos intentions. On
nous a présenté au départ un texte sur le mariage et l’adoption : pas de
procréation médicalement assistée, et jamais, au grand jamais, il ne saurait
être question de gestation pour autrui, qui est, comme le dit fort justement
Marisol Touraine, ministre de la santé, la marchandisation pure et simple du corps
humain.
M. Daniel
Fasquelle. Seulement voilà, c’est la vertu de
ce débat, petit à petit les masques tombent. Il y a eu tout d’abord la
tentative d’une partie du groupe socialiste d’introduire la PMA dans le
texte ; s’il a été fait machine arrière, tout le monde a compris que c’est
pour y revenir très bientôt, dans un texte sur la famille, qui nous sera,
dit-on, soumis au printemps.
Il y a aussi, madame la garde des sceaux, votre
circulaire de vendredi dernier sur la gestation pour autrui.
M. Daniel
Fasquelle. Incroyable circulaire ! Je
veux y revenir, et d’abord sur la méthode. En tant que parlementaires, nous
votons la loi mais nous avons aussi à contrôler l’action du Gouvernement. Vous
avez pris la parole hier à plusieurs reprises : à aucun moment vous n’avez
mentionné cette circulaire. C’est du mépris à l’égard de notre institution.
Comment ouvrir un débat pareil sans faire mention de cette circulaire ? (Applaudissements
sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
De même, ce document a été signé vendredi, au moment
où le Président de la République recevait les organisateurs de la manifestation
pour tous, pour les rassurer : « Dormez tranquilles, mes enfants,
Papa Hollande s’occupe de tout ! » (Exclamations sur les bancs du
groupe SRC.)
M. le
président. Attention,
s’il vous plaît !
M. Daniel
Fasquelle. « Bien évidemment, il n’y aura
pas de PMA, pas de gestation pour autrui. » Au même moment, Mme la
garde des sceaux, dans son cabinet, signait une circulaire qui légalise en
France la gestation pour autrui. Là aussi, quel mépris à l’égard des Français,
à l’égard de ceux qui ont manifesté le 13 janvier ! (Applaudissements
sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC,
écologiste et GDR.)
Je voudrais revenir également sur les engagements du
Président de la République, puisqu’on nous dit que c’est en tant qu’engagement
du Président que le mariage pour tous doit être mis en place.
M. Daniel
Fasquelle. Dans ce cas, permettez-moi de
revenir sur les engagements du Président à propos de la gestation pour autrui.
M. Daniel
Fasquelle. Le 27 février 2012, dans le
magasin Têtu, le Président dit la chose suivante : « Je suis
hostile à la GPA. » On lui demande alors s’il serait néanmoins favorable à
la reconnaissance des enfants nés par GPA à l’étranger – c’est bien notre
sujet et celui de la circulaire. François Hollande répond : « Vous
imaginez bien que si j’ouvrais cette question-là, cela pourrait être finalement
une facilité donnée à la gestation pour autrui. »
Plusieurs
députés du groupe UMP. Et voilà !
M. Daniel
Fasquelle. François Hollande, quand il était
candidat, avait clairement dit qu’il n’était pas favorable à la légalisation de
la GPA à l’étranger ; c’est pourtant ce que vous faites aujourd’hui. On
voit bien qu’il y a deux poids et deux mesures : certains engagements
doivent être respectés, d’autres non. On ne comprend rien à votre démarche. En
tout cas, si vous voulez respecter tous les engagements de François Hollande,
respectez celui-là aussi et retirez, madame la garde des sceaux, votre
circulaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je souhaite m’arrêter un instant sur le contenu de
cette circulaire. Il ne faut pas mentir aux Français ni à la représentation
nationale. On nous dit qu’il ne s’agit que de la délivrance d’un certificat de
nationalité. Or il faut pouvoir accéder à la nationalité, et on y accède
lorsque le lien de filiation est reconnu. C’est l’article 18 du code
civil : « Est français l’enfant dont l’un des parents au moins est
français. » Or, pour passer par le canal de l’article 18, il faut
bien reconnaître cette paternité par rapport au droit français, et donc en
réalité reconnaître la gestation pour autrui. Que vous le vouliez ou non, votre
circulaire, c’est bien la reconnaissance de la gestation pour autrui à
l’étranger.
M. Daniel
Fasquelle. Ne mentez donc pas, et dites clairement
les choses aux Français et à la représentation nationale !
On nous réplique encore que c’est hors sujet, que cela
n’a rien à voir avec ce projet de loi. Nous sommes au contraire au cœur du
sujet, car que va-t-il se passer demain ? Comme l’a dit François Hollande,
la légalisation de la gestation pour autrui à l’étranger sera un encouragement
à la GPA. Davantage de couples iront à l’étranger pour y recourir ; à leur
retour en France, la paternité sera reconnue pour l’un d’entre eux. S’ils ne sont
pas encore mariés, ils le seront, et, par l’adoption plénière, on aura créé une
double filiation, et définitivement coupé le lien avec la mère naturelle. C’est
ce que nous ne voulons pas et ce que vous voulez. Votre circulaire, c’est bien
la légalisation de la gestation pour autrui, et, ajoutée à votre projet de loi,
c’est une machine que vous mettez en marche,…
Un pas a été franchi, avec une situation
invraisemblable et de la plus grande hypocrisie. D’un côté, vous rappelez que
la gestation pour autrui est interdite en France et, de l’autre, vous faites
produire des effets en droit français à la GPA réalisée à l’étranger.
En conclusion, avec votre projet de loi, vous allez
beaucoup trop loin ; vous méprisez les droits des enfants et des
femmes ; c’est la porte ouverte à la PMA et à la gestation pour autrui. Il
y a pourtant une autre voie, mais vous ne voulez pas écouter et je regrette
que, ni en commission ni dans cet hémicycle, nous ne parvenions à avoir ce débat.
Il y a une voie qui permet une meilleure reconnaissance des couples
homosexuels : nous avons entendu leur souhait et nous avons proposé
l’alliance civile. Il y a une voie qui permet de conforter les droits des
enfants vivant dans des familles homoparentales. Il y a une voie moyenne…
M. Daniel
Fasquelle. …entre la situation actuelle, qui
n’est certes pas satisfaisante, et ce que vous proposez, qui ne l’est pas
davantage. Cette voie, c’est celle de l’équilibre, de l’écoute, de la raison.
Mes chers collègues, il n’est pas trop tard : empruntons cette voie
ensemble ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
M. le
président. La parole
est à M. Bruno Nestor Azerot.
M. Bruno Nestor Azerot. Madame la garde des sceaux, madame
la ministre, monsieur le président, chers collègues, j’ai soutenu jusqu’à
maintenant tous les projets et tous les engagements de la gauche, mais il
existe aujourd’hui une profonde confusion qui m’interpelle.
M. Bruno Nestor Azerot. La liberté
de conscience et de vote qui existe au sein de mon groupe parlementaire, le
GDR, me permet d’exprimer une voix qui est celle d’un homme libre d’Outre-mer (Applaudissements
sur quelques bancs du groupe UMP) : j’en remercie mes collègues du
groupe, dont les avis sont divers et très partagés sur ce texte.
Outre-mer, en revanche, la quasi-totalité de notre
population est opposée à ce projet qui bouscule toutes les coutumes et toutes
les valeurs sur lesquelles reposent nos sociétés ultramarines.
M. Bruno
Nestor Azerot. Cette voix doit être entendue et
comprise. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Nous devons exprimer cette opinion de notre électorat qui ne comprend pas ce
qui se passe ici et maintenant.
M. Bruno
Nestor Azerot. Le risque est grand de plonger la
population dans un profond désenchantement vis-à-vis de la politique du
Gouvernement, voire de provoquer une cassure morale irrémédiable. Ce texte en
effet ne donne pas une liberté supplémentaire, il fragilise au contraire le
délicat édifice sur lequel se sont construites nos sociétés antillaises et
guyanaise après l’abolition de l’esclavage. Il existe même, à mon sens, un
risque de rupture du pacte républicain qui nous lie depuis deux siècles à la
France. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Cette question du mariage homosexuel appelle en effet
de ma part des réflexions de fond. Il est nécessaire de distinguer la question
de l’homosexualité de celle du mariage gay : les confondre, comme l’ont
fait certains orateurs, n’est pas honnête.
L’homosexualité est une pratique qui relève de la
sphère privée (« Oui ! » sur quelques bancs du groupe
UMP) : c’est une réalité qu’il faut prendre en compte et qui appelle
des droits et une protection de la vie privée pour ceux qui la pratiquent.
En revanche le mariage gay et l’adoption pour les
couples homosexuels relèvent de la sphère publique, en ce qu’ils bouleversent
la norme en vigueur, en établissant une nouvelle norme en matière de famille,
de filiation et de transmission patrimoniale. Ce chemin-là, nous ne pouvons le
suivre.
Peut-on véritablement parler d’un progrès et d’une
nouvelle liberté ?
À l’origine, en établissant le mariage comme
institution, la société a donné un cadre juridique à une donnée naturelle :
l’union d’un homme et d’une femme en vue de la procréation d’un enfant. Or, à
l’évidence, il ne peut en être ainsi avec le mariage gay. Certes, aujourd’hui,
le mariage est plus un « mariage-sentiment » qu’un
« mariage-procréation », comme il l’était autrefois : l’enfant
n’est plus la finalité du mariage, si bien que des personnes hors mariage,
voire des couples stériles, peuvent avoir envie d’enfant.
La question qui se pose est donc plutôt : le
sentiment doit-il donc devenir le sens nouveau et unique d’un mariage qui
serait ouvert à tous les hommes et à toutes les femmes, qu’ils soient
hétérosexuels ou homosexuels ?
Doit-on révolutionner ainsi le mariage en France et en
Outre-mer au risque de perdre nos valeurs fondamentales ?
M. Bruno
Nestor Azerot. Allons-nous vers cette société où
l’individualisme hédoniste (Applaudissements sur certains bancs du groupe
UMP) remplacera nos vieilles doctrines personnalistes et socialistes
fondées sur la solidarité, la liberté et l’égalité ?
La famille, pivot de notre société depuis les
Constituants et la Révolution française, depuis l’émancipation de 1848,
va-t-elle, au sens littéral du terme, exploser ?
Notre responsabilité est grande devant l’Histoire.
Moi, homme issu d’un peuple opprimé, réduit en
esclavage, où le système social refusait à un homme et à une femme de pouvoir
avoir un enfant et se marier légitimement, où le mariage était interdit et où
il a été une conquête de la liberté, j’affirme le droit à l’égalité dans la
différence et non dans le même, le semblable, l’unique ! (« Bravo ! »
et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Car enfin, au nom de l’égalité et du refus des
discriminations, peut-on établir une équivalence entre tous les couples ?
Au contraire, je crois que l’on ne peut mettre sur le
même plan hétérosexualité et homosexualité : un homme et une femme, ce
n’est pas pareil que deux hommes ou deux femmes ensemble. Établir une équivalence,
une nouvelle égalité, une nouvelle norme, c’est nier la réalité, c’est rétablir
une oppression en confondant genre, sexe et pratique. (« Bravo ! »
et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
C’est un diktat de la pensée contre l’humanité vitale,
contre les droits de l’homme et de la femme. Refuser cette différence
naturelle, c’est refuser la différence sexuée, c’est revenir sur l’oppression
de la femme et de ses droits émancipés,…
M. Bruno
Nestor Azerot.… c’est instaurer une nouvelle
contrainte, car il sera interdit désormais de faire la différence entre un
homme et une femme, au risque d’être discriminatoire.
Et
l’enfant ? Puisque deux hommes ou deux femmes ne peuvent procréer, que va
t-on faire ? Pour procréer, il faut bien un homme et une femme.
M. Bruno
Nestor Azerot. Inéluctablement se posera la
question du recours à la procréation médicale assistée…
M. Bruno
Nestor Azerot.…car ce désir d’enfants est
légitime. Toutefois, ce n’est pas le droit qui refuse aux homosexuels d’avoir
un enfant, c’est la nature. Pour pallier ce problème de stérilité et
d’incompatibilité, on aura recours à la PMA. Où est le progrès social ? Où
la liberté nouvelle ? Comment voulez-vous qu’un homme dont les ancêtres
ont été vendus et chosifiés ne soit pas inquiété par cela ? (Applaudissements
sur quelques bancs du groupe UMP.)
M. Bruno
Nestor Azerot. La gauche a le pouvoir dans cette
assemblée, je suis un homme de gauche et c’est bien en tant que tel que je
préfère l’humain et l’humanisme à ce que ce texte sous-entend. (Applaudissements
sur certains bancs du groupe UMP.)
Alors qu’un tiers des hommes et des femmes d’outremer
sont sous le seuil de pauvreté, que notre PIB est d’un quart inférieur à celui
de l’Hexagone…
Plusieurs
députés du groupe SRC. Cela n’a rien à voir !
M. Bruno
Nestor Azerot.…et que 60 % des jeunes de
moins de 25 ans sont toujours au chômage, n’y avait-il pas d’autres
priorités ? (« Bravo ! » et applaudissements sur
plusieurs bancs du groupe UMP.)
Que dirai-je à ce jeune Martiniquais qui, entré dans
la délinquance, est sans travail, dont les parents sont aussi sans emploi, qui
est sans logement et n’a pas de quoi se nourrir, qui n’a pour seule alternative
que de récidiver pour pouvoir être reconduit en prison afin d’avoir enfin un
toit et à manger ?
M. Bruno
Nestor Azerot. Que lui dirai-je demain ? Que
je lui ai offert, en tant que législateur, une grande liberté : non pas du
travail, non pas un logement, non pas un avenir décent et un espoir de vie,
mais le mariage pour tous !
À mon grand regret, mais avec ma conviction d’homme de
gauche engagé et libre, je ne voterai pas ce projet (« Bravo ! »
sur plusieurs bancs du groupe UMP. – De nombreux députés du groupe UMP se
lèvent et applaudissent longuement) qui est attentatoire aux libertés et ne
répond pas aux aspirations profondes du peuple, en particulier en Outremer.
M. le
président. La parole
est à M. Patrick Bloche.
M. Patrick
Bloche. Monsieur le président, mesdames les
ministres, si talentueuses, si courageuses, monsieur le ministre, si déterminé,
madame et monsieur les rapporteurs, si convaincants, le 13 octobre 1999,
ici même, le PACS était définitivement voté à l’issue d’un rude débat
parlementaire d’une année.
Treize ans
plus tard, notre assemblée est réunie pour légiférer enfin sur le mariage et
l’adoption pour tous et permettre ainsi à la France, pionnière pourtant à la fin
des années 1990, de rattraper un retard dont la seule cause est une décennie de
pouvoir de la droite.
L’élection
de François Hollande, le 6 mai dernier, a rendu enfin possible ce qui ne
l’était pas, le 9 juin 2011, lorsque notre assemblée a débattu une première
fois de l’ouverture du mariage à tous les couples à l’initiative de Jean-Marc
Ayrault, alors président d’un groupe minoritaire.
Rappelons
également qu’en 2004, à la suite de la célébration du mariage de Bègles par
notre collègue Noël Mamère, Jean-Louis Debré, alors président de l’Assemblée
nationale, avait pris l’initiative de créer une mission d’information sur la
famille et les droits de l’enfant, qui avait remis ses conclusions en
janvier 2006 – un certain nombre de nos collègues y ont d’ailleurs
participé. Aussi ceux qui prétendent qu’il n’y a pas eu de débat sur le mariage
pour tous sont-ils d’une mauvaise foi évidente.
M. Patrick
Bloche. Hier comme aujourd’hui, force est
de constater la permanence des clivages entre ceux qui veulent faire vivre la
belle promesse républicaine de l’égalité et ceux pour qui il est insupportable
de donner les mêmes droits à tous les couples. Je veux témoigner ici même de la
sollicitation pressante dont j’avais déjà fait l’objet, en 1998, pour fermer le
PACS aux couples hétérosexuels et en faire un statut spécifique réservé aux
seuls couples homosexuels. C’est la même logique qui est à l’œuvre en 2013,
tant les ennemis du PACS d’hier sont les ennemis du mariage pour tous
d’aujourd’hui.
Ce sont les
mêmes, avec les mêmes arguments. Et s’ils parent aujourd’hui de toutes les
vertus – ironie de l’Histoire – le PACS, qu’ils ont combattu souvent
si violemment, leur problème demeure identique : la place du couple homosexuel
dans la société française.
Comment
réussir à leur ouvrir les yeux sur les réalités de cette société qui aspire à
toujours plus d’égalité, de reconnaissance et d’intégration, de cette société
qui sait s’enrichir de toutes les différences – notamment d’orientation
sexuelle –, de cette société positive, avide d’un avenir partagé et d’un
véritable vivre ensemble ?
En 2013,
comment ne pas se réjouir que des enfants ne soient plus amenés à cacher leur
homosexualité à leurs parents et que ceux-ci ne soient plus conduits à
considérer que l’avenir de leur enfant est pour cette raison définitivement
compromis ?
Comment
refuser aujourd’hui de donner des droits nouveaux à certains, sans réduire les
droits des autres ?
Comment ne
pas constater que les nouvelles formes de parentalité ont explosé, que le
progrès scientifique permet maintenant de répondre à un désir d’enfant, si
facilement stigmatisé et trop rapidement opposé à l’intérêt supérieur de
l’enfant, par ceux-là mêmes qui utilisent régulièrement les droits de l’enfant
pour réduire les droits des femmes ?
Comment ne
pas prendre la pleine mesure des évolutions des modes de vie familiaux
provoquées par l’explosion du nombre des naissances hors mariage – désormais
majoritaires –, par la multiplication des recompositions familiales, par le
choix d’élever un enfant seul ou avec un compagnon ou une compagne du même
sexe ?
Comment
continuer à privilégier de manière disproportionnée la dimension biologique de
la filiation, en la considérant comme une garantie de sécurité et de bonne
éducation pour l’enfant ?
Cette
primauté donnée au biologique conduit à justifier les conditions restrictives
actuellement requises pour adopter conjointement – soit former un couple de
sexe différent et marié – par la vraisemblance biologique qu’elles offrent.
Peut-on toujours fonder une règle de droit sur un faux-semblant au moment même
où la société aspire à davantage de transparence ?
L’intérêt de
l’enfant est sans conteste le critère le plus pertinent pour faire évoluer
notre droit de la famille. Il y a un demi-siècle, on imposait à des futurs
parents la naissance d’enfants non désirés ; aujourd’hui, on veut
continuer à interdire à des parents la naissance d’enfants désirés au prétexte
que la procréation devrait rester pour l’éternité le fruit de la rencontre d’un
homme et d’une femme.
C’est la
raison pour laquelle, après avoir ouvert le mariage et l’adoption aux couples
de même sexe, il nous reviendra, je l’espère très prochainement, d’ouvrir
l’assistance médicale à la procréation à toutes les femmes.
Mes chers
collègues, c’est parce qu’une majorité d’entre nous a reçu mandat de nos
concitoyens de ne plus conserver dans notre droit des discriminations d’un
autre temps ; c’est parce que nous considérons, comme Irène Théry, que
« le mariage est une institution vivante et qu’une institution vivante ne
se défend pas de façon négative et apeurée, comme une citadelle
assiégée » ; c’est parce que nous sommes des citoyens européens,
parce qu’il ne saurait y avoir d’exception française et que sept pays de
l’Union, si semblables au nôtre, nous ont déjà montré l’exemple, que nous
disons à cette tribune notre fierté, mais également notre émotion, de faire
franchir à la France, avec ce beau projet de loi républicain, laïque et
universaliste, une nouvelle étape décisive sur le long chemin de l’égalité des
droits. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)
M. le
président. La parole
est à M. Franck Riester.
M. Franck
Riester. Monsieur le président, mesdames les
ministres, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure
pour avis, mes chers collègues, notre assemblée débute l’examen d’un projet de
loi qui, comme tout sujet de société, transcende les clivages politiques. C’est
la raison pour laquelle je tiens à remercier le groupe UMP et son président
Christian Jacob de laisser la liberté de vote à ses membres. (Applaudissements
sur les bancs du groupe UMP.) Cette liberté de vote à l’UMP, nous en
bénéficierons notamment avec toi, cher Benoist Apparu. Je déplore en revanche
que le groupe socialiste n’ait pas jugé opportun de faire de même. (« Eh
oui ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP),…
M. Franck
Riester. …tout comme je déplore, madame la
garde des sceaux, que vous relanciez la question de la gestation pour autrui
sans même attendre le projet de loi sur la famille annoncé pour le printemps.
Même si les situations de ces enfants doivent être prises en compte, je vous
demande donc à mon tour solennellement de retirer cette circulaire (Applaudissements
sur les bancs du groupe UMP) car le débat qui nous occupe aujourd’hui exige
sérénité et apaisement. Les choses doivent être claires : la gestation
pour autrui est interdite en France, pour les couples homosexuels comme pour
les couples hétérosexuels. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe
SRC.)
Mes chers
collègues, revenons donc à l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples
de même sexe, seul objet du projet de loi. Notre République, ce bien commun et
précieux, n’a cessé d’étendre les libertés et les droits de ses enfants pour
mieux les protéger et les émanciper. De grands progrès ont jalonné son
histoire : abolition de l’esclavage, droit de vote des femmes,
dépénalisation de l’homosexualité, légalisation de l’IVG, création du PACS et
bien d’autres encore. En ce sens, ouvrir le mariage civil aux couples de même
sexe, c’est ouvrir un nouveau territoire de liberté, c’est donner la liberté
aux couples homosexuels de se marier ou de ne pas se marier, c’est accorder
cette liberté de choix à tous les couples sans distinctions.
Ouvrir le mariage
aux couples de même sexe, c’est aussi une nouvelle étape vers la reconnaissance
pleine et entière de l’égalité entre homosexuels et hétérosexuels. Valeur
universelle, valeur cardinale de notre république, l’égalité, cet idéal
démocratique, sortira renforcée par le vote de ce projet de loi et, avec elle,
c’est toute la République qui n’en sera que plus forte !
M. Franck
Riester. En mairie, une célébration civile
permettra à deux femmes ou à deux hommes de sceller leur amour devant leurs
familles, leurs proches et surtout, peut-être plus encore, devant la
République. Ce sera une reconnaissance tout autant sociale que symbolique, une
avancée capitale en termes d’égalité.
Qui plus
est, ce texte ouvrira aux couples homosexuels l’accès à un contrat assorti de
droits et de devoirs, leur assurant une protection plus forte et de plus
grandes responsabilités entre membres solidaires du couple, sans que cela
modifie le contrat liant les couples hétérosexuels.
M. Franck
Riester. Répétons-le : rien ne changera
pour les couples hétérosexuels ! Rien ne changera en termes juridiques
car, bien évidemment, les mariages continueront toujours de leur accorder les
mêmes droits. Rien ne changera non plus quant à la conception même du mariage,
car ce n’est pas au droit civil de dire le sens symbolique du mariage : de
nombreux couples pourront toujours considérer le mariage, leur mariage, comme
une alliance pour la vie entre un homme et une femme, dont le but premier est
la procréation.
Reste que
d’autres conceptions du mariage coexistent dans notre république laïque, que le
divorce est légal, qu’un enfant sur deux naît hors mariage et que des milliers
de couples se marient sans vouloir ou pouvoir avoir des enfants.
« Pourquoi alors ne pas créer une alliance civile pour les couples de même
sexe ? », me demanderont mes collègues UMP. « Justement au nom
du même principe d’égalité ! », leur répondrai-je. (Applaudissements
sur les bancs du groupe SRC.) Ouvrir les mêmes droits pour tous les couples
tout en créant deux unions différentes serait déroger au principe d’égalité. La
République n’a pas vocation à créer des communautés mais à rassembler tous les
citoyens sous les mêmes couleurs.
Plusieurs
députés du groupe SRC. Très bien !
M. Franck
Riester. Qu’est-ce qui pourrait donc
justifier qu’on utilise des mots différents pour décrire la même chose ?
Je peux comprendre la difficulté de certains de nos concitoyens à associer le
mot « mariage » à l’union en mairie de deux hommes ou de deux femmes.
Mais je tiens à rappeler, mes chers collègues, que le mariage civil n’est pas
intangible. Il a en effet connu de nombreuses évolutions durant son histoire.
Hier strictement religieux, aujourd’hui également républicain et laïque, il est
une construction historique et sociale, et les évolutions qu’il a connues ont
contribué à l’avancée des droits dans notre société. Jusqu’en 1965 par exemple,
les femmes ne pouvaient pas travailler sans l’accord de leur mari. L’évolution
du mariage civil a donc permis l’amélioration des droits des femmes. Pourquoi
ne pourrait-il en être de même pour les homosexuels aujourd’hui ? (Applaudissements
sur les bancs du groupe SRC.)
J’ajoute
qu’il n’y a pas eu déstructuration de la société dans les pays qui ont ouvert,
depuis des années, le mariage et l’adoption aux couples de même sexe, et ils
sont nombreux : Danemark, Norvège, Suède, Pays-Bas, Belgique, Espagne,
Argentine, Canada, Afrique du Sud et de nombreux États aux États-Unis.
M. Franck
Riester. Il n’y a pas eu non plus
déstructuration de la famille car les valeurs portées par l’institution du
mariage, comme l’engagement et la solidarité, sont par essence des valeurs
familiales. Ce n’est en réalité pas moins de famille mais plus de famille que
nous propose ce texte. C’est la raison pour laquelle, de l’autre côté de la
Manche, David Cameron et les conservateurs anglais, la droite anglaise,
préparent et vont voter une législation similaire !
M. Franck
Riester. Chers collègues UMP, nous qui
sommes tout particulièrement attachés à la famille, moi tout comme vous, nous
devrions nous réjouir que davantage de personnes revendiquent les valeurs
familiales.
En fait, si
l’ouverture du mariage pour les personnes de même sexe semble largement
acceptée, ce qui semble faire obstacle dans les consciences à l’idée même de
cette union, c’est surtout la possibilité accordée aux couples homosexuels
d’adopter des enfants. Je peux comprendre, là aussi, que cela soit difficile à
concevoir, même si l’adoption par les célibataires homosexuels est d’ores et
déjà autorisée. Pourtant c’est une réalité : il existe aujourd’hui, dans
notre pays, des dizaines de milliers de familles homoparentales. Il ne s’agit
donc pas de créer de nouvelles formes de familles ni de les ériger en modèle,
mais de donner à ces familles les mêmes droits et les mêmes protections qu’aux
autres. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Lors d’un
décès, cela conduira, par exemple, au versement d’une pension de réversion au
conjoint survivant. De même, l’ouverture de l’adoption permettra de mieux
protéger les enfants qui grandissent dans les familles homoparentales car ils
vivent aujourd’hui dans une précarité juridique. C’est une réalité, mes chers
collègues ! Ces dizaines de milliers d’enfants, qui sont tout autant que
les autres les enfants de la République, doivent avoir les mêmes protections
que les autres. Une telle évolution évitera notamment d’ajouter à la douleur du
décès d’un parent la douleur de l’arrachement à l’autre, le conjoint survivant
n’ayant actuellement pas d’existence juridique à l’égard des enfants qu’il a
élevés et aimés. Loin de porter atteinte aux droits de l’enfant, j’affirme au
contraire que ce texte les renforce.
Certains
avancent que le droit à l’enfant va prévaloir sur le droit de l’enfant. Ce sont
bien évidemment les droits de l’enfant qui en priorité doivent nous guider, et,
dans ce texte, ils ne sont pas menacés. Dire le contraire, c’est affirmer que
les homosexuels ne seraient pas capables d’être de bons parents. Un couple de
même sexe serait-il moins apte à élever un enfant, et à en faire un adulte
responsable et épanoui ? Ma réponse est non, clairement non, pas moins ni
plus qu’un autre couple.
M. Franck
Riester. Ce qui compte véritablement pour
l’enfant, n’est-ce pas l’amour qu’on lui porte et qui lui donne la force
d’affronter les difficultés du monde ?
M. Franck
Riester. N’est-ce pas la transmission de
valeurs qui lui permet de se repérer dans la société ? Enfin, n’est-ce pas
la culture, qui lui offre un mode d’être au monde ?
J’entends
aussi que I’altérité est un élément essentiel de construction psychologique de
l’enfant. C’est vrai, mais elle existe aussi dans une famille
homoparentale : d’une part, I’altérité sexuelle est présente dans de
nombreux référents du ou des milieux socio-familiaux dans lequels l’enfant
grandit ; d’autre part, I’altérité n’est pas seulement liée à la
différence des sexes, elle est la différence entre soi et les autres.
L’altérité ne se réduit donc pas au sexe mais n’en est qu’une composante parmi
d’autres. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Mes chers
collègues, j’ai conscience que c’est un sujet complexe qui touche aux
convictions profondes de chacun,…
M. Franck
Riester. …qui touche à l’intime, qui touche
aussi pour certains au spirituel, aux croyances. Je sais qu’il est parfois
difficile de s’imaginer des réalités différentes de celles que nous connaissons
habituellement.
Mais enfin,
nous parlons d’amour.
Quand on
assiste, comme moi qui suis maire de Coulommiers, à l’union de deux personnes
qui s’aiment, on mesure la force de cette célébration. Y a-t-il moment plus
heureux qu’un mariage ? Au nom de quoi peut-on priver deux personnes de ce
moment unique ?
Nous parlons
aussi de fraternité.
Ce texte ne
propose pas moins de famille mais plus de famille : des familles seulement
plus diverses, plus confiantes en elles-mêmes car enfin reconnues et
respectées. Les homosexuels et les familles homoparentales n’attendent ni
privilèges, ni statut d’exception ; ils souhaitent seulement être des
citoyens comme les autres, des citoyens à part entière. Ce n’est pas une
revendication, mes chers collègues, mais l’accomplissement d’une promesse
républicaine, celle selon laquelle « les hommes naissent et demeurent
libres et égaux en droits ». Ces droits nouveaux que nous ouvrons
aujourd’hui sont le signe d’une république confiante en l’avenir, d’une
république fière et riche de ses valeurs, d’une république rassemblée et plus
fraternelle.
Quelle société
veut-on demain ? Une société plus forte car plus soucieuse
d’égalité ; une société plus forte car en paix avec ses diversités et sa
diversité. Nous y sommes précisément, mes chers collègues UMP, avec ce texte
historique.
C’est
pourquoi je le voterai. (De nombreux députés du groupe SRC, du groupe
écologiste et du groupe GDR se lèvent et applaudissent longuement.)
M. le
président. La parole
est à M. Yves Jégo.
M. Yves Jégo. Monsieur le président, mesdames les ministres,
monsieur le ministre, il est des moments plus solennels que les autres. Le
débat d’aujourd’hui fait partie de ces rares heures de la vie parlementaire où
l’hémicycle concentre l’attention du pays en débattant d’une question de
société.
Certes, madame la garde des sceaux, le sujet était mal
engagé du fait de la confusion née de la volonté, un temps exprimée par le
groupe socialiste, d’ajouter au texte, par simple voie d’amendement, la
question si délicate de la PMA. Tout serait sans doute plus simple si la
majorité avait engagé cette discussion sur des bases plus claires et plus
pédagogiques.
M. Yves
Jégo. Tout serait plus simple, madame la
garde des sceaux, si des circulaires intempestives ne venaient pas jeter le
trouble sur nos débats. Comme pour la suppression de la peine de mort ou encore
pour l’avortement, ces sujets sont évidemment graves et délicats parce qu’ils
touchent à la vie, à l’intime. Un peu de méthode n’aurait pas nui à l’exercice.
Plusieurs réflexions, mes chers collègues, guident ma
prise de position.
Premier élément de réflexion : à l’heure où
l’homosexualité reste dans de très nombreux pays un délit, parfois encore puni
de la peine de mort, nous, la France des droits de l’homme, avons le devoir
impérieux de défendre la liberté d’être, cette liberté si longtemps vilipendée
sous les coups de boutoir des extrémistes de tous horizons. Nos décisions sur
ce texte, ne nous trompons pas, dépasseront nos frontières ; nous sommes
regardés, écoutés et attendus comme l’a toujours été la France lorsqu’il s’est
agi de faire progresser les droits de l’homme et les libertés.
Militant du parti radical, et de ce fait viscéralement
attaché à la laïcité, je rejette évidemment la confusion que certains veulent
créer entre le mariage religieux et le mariage civil. Oui, il existe bien deux
mariages, l’un d’essence morale et l’autre d’essence civile. Si tel n’était pas
le cas, pourquoi le divorce interdit par les grandes religions serait-il
autorisé par le code civil ? Le premier se cale sur les prescriptions des
religions, le second s’est toujours adapté, depuis Napoléon, aux évolutions de
la société. C’est une nouvelle étape d’adaptation qui est devant nous, elle
s’inscrit d’ailleurs dans un mouvement mondial, et refuser celui-ci ne ferait
que retarder l’échéance !
Le choix offert par ce texte est également celui d’une
main tendue, une main ouverte pour répondre et tenter d’apaiser tant et tant de
souffrances dissimulées depuis des lustres derrière le sombre rideau de
l’homophobie. N’oublions jamais que l’homophobie tue ! Prenons garde, à
cet égard, à nos propos, à nos attitudes, à nos postures, à nos provocations.
Derrière le théâtre de la vie politique et de ses figures imposées, n’oublions
pas dans nos débats qu’il s’agit ici de la vie et de l’avenir d’hommes, de
femmes et d’enfants de notre pays. Je le dis à mes amis de l’opposition :
les partisans de ce texte ne sont pas des dévoyés inconscients qui ne
chercheraient qu’à détruire l’organisation sociale de notre pays. Mais je le
dis aussi à la majorité : les opposants à cette loi ne sont pas non plus
des homophobes enragés qui seraient sourds aux réalités de la société. (Applaudissements
sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe UDI.) Pour
redonner de la respectabilité au débat politique, respectons-nous !
Respectons nos différences et prenons garde, oui prenons garde, de ne pas raviver
par un mot, une phrase, la haine de l’autre, la chasse aux différences et son
cortège de violences si promptes à renaître dans ces périodes de crise et
d’angoisse.
Je veux aussi vous parler de ces 50 000 enfants
qui vivent dans des familles dites homoparentales. On peut refuser de voir
cette réalité, on peut raisonner en pure statistique pour la minimiser. Mais
comment, sous prétexte que l’on désapprouverait le choix de vie des parents,
refuser à ces 50 000 enfants la protection de la République ? C’est bien
ce que nous propose ce texte.
N’oublions
pas que les droits des enfants, auxquels nous sommes tous très attachés,
passent d’abord et avant tout par les droits des parents. Oui, le mariage offre
à ces enfants une vraie protection que nous n’avons pas le droit de leur
refuser.
Je partage aussi mon engagement avec le Premier
ministre britannique, le conservateur David Cameron, qui a pris des positions
très courageuses sur ce sujet. Comme lui, je pense que faire couple, fonder une
famille, être protégé par le code civil, c’est un bouclier particulièrement
précieux dans une société en crise.
Si l’on est persuadé que le mariage n’est pas un
simple contrat, si l’on croit au mariage comme institution, alors pourquoi
chercher à tout prix à en limiter la portée et la protection ? Ce texte
permettra de donner à l’institution du mariage plus de force et de puissance.
C’est ce qu’il faut avoir à l’esprit.
Regardons ce qui s’est passé en dehors de nos
frontières, par exemple en Espagne. Sept ans après, la société espagnole, si
proche de la nôtre, n’est ni déstructurée ni renversée. Pourquoi en irait-il
différemment en France ?
M. Yves
Jégo. N’ayons pas peur d’offrir plus de
protection à celles et ceux qui en ont si cruellement manqué.
Parce que le mandat qui nous est donné par nos
électeurs n’est pas un mandat impératif, parce que l’honneur d’un parlementaire
est d’agir en conscience et non pas en fonction des pressions, fussent-elles
celles d’une partie de ses électeurs, parce que l’UDI m’offre – et je veux en
remercier ici mes collègues – cette précieuse liberté de choix, oui, en mon âme
et conscience j’approuverai ce texte. (Applaudissements sur les bancs des
groupes SRC, écologiste et GDR.)
M. le président. La parole est à M. Olivier
Dussopt.
M. Olivier Dussopt. Monsieur le président, madame la garde des sceaux,
madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, on se plaît beaucoup
ici à répéter notre devise républicaine mais on oublie parfois que la réalité de
ces trois mots n’est pas forcément la même pour tout le monde.
La route vers l’égalité notamment a toujours été
longue et c’est pour cela que je suis heureux de défendre devant vous ce projet
de loi qui y participe.
Nous allons tout simplement, au cours de ces prochains
jours, permettre à des couples, des familles et des enfants, d’être reconnus
pour ce qu’ils sont et ainsi d’être mieux protégés. Cela peut paraître simple,
mais cette marche vers l’égalité s’inscrit dans une histoire douloureuse et qui
dépasse la seule question du droit.
À ce moment de nos débats, je veux penser à celles et
ceux qui nous ont précédés. À Robert Badinter et Gisèle Halimi qui, il n’y a
que trente ans, ont permis la dépénalisation de l’homosexualité en rappelant
alors, par la voix du garde des sceaux, que le moment était « venu, pour
l’Assemblée, d’en finir avec ces discriminations, comme avec toutes les autres
qui subsistent encore dans notre société, car elles sont indignes de la
France. »
Je pense aussi à celles et ceux qui ont permis, en
1990, il n’y a que vingt ans, de rayer l’homosexualité de la liste des maladies
mentales de l’Organisation mondiale de la santé. À celles et ceux qui, autour
Patrick Bloche, ont permis à notre société de donner une première protection
aux couples de même sexe grâce au vote du PACS.
Je veux aussi et surtout penser à celles et ceux qui
attendent ce texte. Ces hommes et ces femmes, appartenant à des générations qui
nous ont précédés et qui nous écrivent pour dire, parfois pour la première
fois, qu’ils ont connu l’internement psychiatrique à cause de leur
homosexualité.
Je pense à ces familles qui existent, à ces enfants
qui grandissent entourés de l’amour de leurs parents au sein de couples de même
sexe. À ces familles que nous allons sécuriser et protéger en ouvrant
l’adoption et en permettant de garantir ce lien parental entre ces enfants et
ceux qui les élèvent et qui les aiment. D’ailleurs ce sont ces familles qui
nous montrent combien la filiation et la parentalité sont avant tout sociales et
humaines. Ces familles s’affranchissent depuis bien longtemps des règles de
droit mais nous appellent à les reconnaître par la loi, sans qu’une hiérarchie
de valeur soit établie entre elles.
Je pense aussi à ces femmes contraintes – pour
encore quelque temps malheureusement – à traverser nos frontières pour
aller au bout de leur projet parental. C’est aussi notre responsabilité d’aller
vite pour autoriser et encadrer sur notre territoire l’accès à la PMA et ainsi
reconnaître et sécuriser chaque étape de la filiation.
Je pense aussi à ces hommes et à ces femmes qui ont
peur car, aujourd’hui encore, certains s’autorisent dans la rue, au travail ou
à la maison à les considérer comme inférieurs du fait de leur sexualité. Le
rôle des institutions est aussi d’envoyer des messages et l’adoption ce texte
en est un pour lutter contre l’homophobie.
Je pense aussi à ces parents d’enfants homosexuels,
que nous avons rencontrés. Ils nous interpellent et nous disent qu’eux aussi
veulent l’égalité et qu’ils n’acceptent plus qu’un de leurs enfants ait moins
de droits, soit moins bien considéré dans sa citoyenneté que ses frères et
sœurs.
Je pense enfin et bien évidemment aux adolescents qui
découvrent leur homosexualité. Ces adolescents sont meurtris par la haine de
certains propos et parfois plus encore par la réaction de leurs proches au sein
même de leur famille. Nous avons le devoir impératif de veiller sur eux et de
les protéger. C’est pour cela qu’il faut mesurer nos propos et penser à celles
et ceux qu’ils peuvent blesser.
Ils sont beaucoup trop à en être encore malheureux
alors qu’ils ont déjà à affronter les regards en biais, les insultes furtives
et l’isolement. Ils le font seuls, sans recours ni choix, et les associations
savent mieux que quiconque le désespoir qui peut en naître. L’adoption de ce
texte sera aussi pour eux un moyen de vivre mieux, de vivre pleinement leur vie
sans que leur différence soit une cause de discrimination mais simplement un
élément de leur identité.
À tous ceux-là, je veux dire que nous sommes fiers de
voter cette loi, heureux de faire progresser l’égalité et de leur permettre un
peu plus de vivre comme ils sont, sans rien avoir à craindre, sans avoir à
justifier un choix qui n’en a jamais été un.
Nous votons cette loi avec quelques convictions,
renforcées par le travail mené en commission et la qualité du débat permis et
organisé par notre rapporteur.
La première conviction, c’est que cette loi n’est
qu’une étape supplémentaire vers plus d’égalité et que nous devons encore
travailler pour que notre droit épouse totalement la réalité de la société en
matière de filiation ou d’exercice de l’autorité parentale.
La seconde conviction, c’est que la société ne nous a
pas attendus et qu’elle ne nous attendra pas. Ces couples existent, ces
familles existent, ces enfants grandissent. Ce projet de loi ne va rien créer
mais il va sécuriser et encadrer pour mieux les protéger.
La troisième conviction, c’est que seule l’égalité des
droits permet le droit à l’indifférence pour que ces couples et ces familles
n’aient plus à connaître un regard au mieux désapprobateur et au pire de rejet.
Je terminerai par une dernière conviction, née des
auditions, des rencontres et des débats. C’est une conviction plus personnelle
à l’adresse de celles et ceux qui, ici ou ailleurs dans les médias ou dans la
rue, s’opposent parfois violemment à ce texte : si tous les combats
politiques sont respectables, celui-ci est déjà perdu. Vous avez déjà perdu car
la société a déjà changé et ne nous a pas attendus.
M. Olivier
Dussopt. Vous avez perdu parce que l’égalité
finit toujours par l’emporter sur la domination et parce que plus personne
n’acceptera d’être discriminé pour ses origines, sa couleur de peau, son sexe
ou son orientation sexuelle.
Et surtout
vous avez vraiment perdu parce que pas un mot, pas une insulte, pas un soupçon
d’intolérance ne pourra abîmer ni même écorner l’amour que se portent ces
couples, et encore moins l’amour qu’ils portent à leurs enfants. (Applaudissements
sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
M. le
président. La parole
est à M. Jean-François Copé.
M. Jean-François Copé. Madame la ministre, mes chers collègues, après la
discussion très préoccupante que nous venons d’avoir sur la gestation pour
autrui (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC)…
M. Jean-François
Copé.… je voudrais vous livrer quelques
réflexions personnelles sur le texte que vous nous soumettez, le remettre en
perspective et apporter aussi quelques réponses aux orateurs précédents.
Pour dire, comme beaucoup l’ont fait, les choses avec
retenue : les avocats du texte ne sont évidemment pas les fossoyeurs
révolutionnaires de la famille, de même que les adversaires du projet ne sont
pas les réactionnaires homophobes, bornés ou hypocrites que certains ont
décrits.
Madame la garde des sceaux, vous avez parlé d’un
changement de civilisation. Ayons donc cela à l’esprit.
Nous avons une double responsabilité : nous
héritons notre monde de nos parents et, en même temps, nous l’empruntons à nos
enfants. C’est avec la claire conscience de cette double responsabilité que je
voudrais revenir sur le fond du débat.
Ce mariage, mes chers collègues, est mal nommé. Toute
femme, tout homme, quelles que soient ses orientations sexuelles, peut se
marier. En ce sens, le mariage tel qu’il existe est d’ores et déjà un mariage
pour tous. Cependant, on ne peut pas se marier avec n’importe qui. On ne peut
pas se marier avec sa mère, son père, ses frères ou ses sœurs. (Protestations
sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean-François
Copé. On ne peut pas davantage épouser
une femme ou un homme déjà mariés, un mineur, et pas non plus une personne du
même sexe.
Cette liste souligne que, contrairement à ce que j’ai
entendu dire, le mariage n’est pas un contrat d’ordre privé entre individus
libres et égaux ; il obéit à des règles d’ordre public qui expriment la
conception que se fait la société d’un intérêt qui précisément transcende les
individus. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Ce qui est strictement d’ordre privé, c’est la vie
sentimentale et sexuelle d’adultes majeurs et consentants. Cette vie sentimentale
et sexuelle n’a pas à exposer des adultes à quelque discrimination que ce soit.
Et nous sommes tous d’accord dans cet hémicycle pour dire que la France a
heureusement aboli depuis plus de trente ans les mesures discriminatoires ou
répressives à l’égard des homosexuels.
M. Jean-François
Copé. En revanche, la loi peut et doit
dire les règles du mariage. C’est ma première observation : non, il ne
suffit pas que deux personnes s’aiment pour que le mariage soit un droit.
M. Jean-François
Copé. Le mariage n’est pas seulement la
sanctification juridique d’une union privée, c’est une institution de la
société. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Pourquoi la loi se mêle-t-elle du mariage ? Parce
que celui-ci ne détermine pas seulement les conditions de l’union entre deux
individus, il organise aussi, et j’allais dire surtout, les conditions de la
filiation. C’est ma seconde observation.
M. Jean-François
Copé. Le mariage est l’institution qui
permet de fonder en droit la filiation, comme en témoignent par exemple la présomption
de paternité ou la remise d’un livret de famille le jour de la cérémonie. Je
parle de la filiation biologique ; je reviendrai ensuite sur l’adoption.
On m’objectera que nous voyons se multiplier les
mariages ou remariages de couples qui ne peuvent pas enfanter parce qu’ils sont
trop âgés et, inversement, les naissances hors mariage. Ce sont, à mes yeux, de
mauvais arguments.
D’abord parce que la loi ne fixe pas ici le cadre du
nécessaire mais celui du possible. Elle ne dit pas que tout couple marié doit
enfanter ni que tout enfantement doit se faire dans le cadre du mariage. Elle
fixe un lieu central et référent, un cadre général des conditions de
possibilité de la filiation à laquelle il est bien sûr possible de faire
exception.
Mais mon objection plus fondamentale est d’une autre
nature. Que ce soit dans le cadre du mariage ou hors du cadre du mariage, il
existe un socle commun du droit français : la filiation est d’abord
biologique. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Dans le mariage ou en dehors, vous ne pouvez déclarer
une filiation que si vous êtes effectivement le père ou la mère de l’enfant.
Mme Catherine
Lemorton, présidente de la commission des
affaires sociales. Depuis
1995, c’est faux !
M. Jean-François
Copé. Preuve a contrario :
l’enfant peut engager une procédure de reconnaissance de paternité fondée sur
la biologie. Le mariage présente cet avantage principal, par la présomption de
paternité, qu’il organise ipso facto la reconnaissance juridique de la
filiation biologique.
M. Jean-François
Copé. Nous sommes là au cœur de la
question qui nous est posée. Notre droit de la filiation inscrit l’enfant dans
cette loi imprescriptible de l’humanité selon laquelle la différence des
générations naît de la différence des sexes.
M. Jean-François
Copé. Lier l’engendrement et la
filiation, ce n’est pas une loi de nature mais, tout au contraire, une loi de
culture.
Tout cela est dépassé, nous dit-on. Ce modèle de la
famille n’est en rien universel mais judéo-chrétien sur le plan historique et
occidental sur le plan géographique. Il y a toutes sortes d’autres modèles, et
d’autres sociétés avant les nôtres ont pleinement accepté l’homosexualité.
Bien sûr, il existe de nombreuses modalités de la
famille dans l’histoire et dans le monde.
M. Jean-François
Copé. Bien sûr, il a existé des
civilisations presque aussi tolérantes que la nôtre à l’égard de
l’homosexualité. Mais elles n’acceptaient pas le mariage entre personnes du
même sexe car aucune n’a cherché à nier l’altérité des sexes dans l’origine de
la filiation. C’est cela qui est universel.
Prenez l’exemple de la Rome antique, si tolérante à
l’homosexualité. Comme le rappelle le grand historien Paul Veyne, on se gardait
bien d’y confondre l’ordre des relations sentimentales ou sexuelles et celui
des rapports conjugaux.
C’est bien la question posée par le projet de loi.
Souhaitons-nous modifier ce principe essentiel du mariage qui lui donne son
sens depuis toujours : fonder la filiation sur la différence des
sexes ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
C’est ce sujet-là qui est au cœur de tous nos débats.
D’où ma troisième observation qui a trait à
l’adoption. J’ai dit tout à l’heure que le principe de base de nos sociétés était
la filiation biologique. Il y a bien sûr une exception de taille :
l’adoption plénière. Cette exception, si elle distingue absolument la parenté
biologique de la parenté juridique, vise à répondre à des cas difficiles, ceux
des enfants orphelins ou abandonnés. Elle cherche à réparer l’infortune du
destin dans l’intérêt de l’enfant.
M. Jean-François
Copé. Certes, cette adoption plénière –
qui est d’ailleurs une singularité française – efface la filiation biologique
mais, jusqu’à l’actuel projet de loi, elle n’effaçait pas le principe d’un
engendrement par la différence des sexes. Seuls pouvaient adopter des couples
mariés ou des célibataires, de telle sorte que, soit l’on reconstituait
l’altérité sexuelle des parents, soit on s’interdisait toute fiction. En aucun
cas, on ne créait cette chimère d’un engendrement par deux personnes du même
sexe.
Pourquoi faudrait-il bouleverser cet ordre essentiel ?
Parce que des couples homosexuels le demandent et
qu’ils ont le droit à l’égalité, nous dit-on. Je rappelle d’abord que cette
demande n’est pas le fait de tous les couples homosexuels. Loin de là !
M. Jean-François
Copé. Et surtout, ce n’est pas une raison
suffisante. Assurer l’égalité des droits entre toutes les femmes et tous les
hommes, quelles que soient leurs orientations sexuelles, est un impératif que
je fais pleinement mien. Parce qu’il est tout simplement celui du progrès de
l’humanité.
Trop souvent les personnes homosexuelles sont encore
victimes de discriminations injustes ou d’un manque de considération
insupportable dans notre société. Mais l’impératif d’égalité ne passe pas
nécessairement par la transformation radicale de nos institutions sociales.
Ce n’est pas parce qu’un groupe de la population, si
respectable soit-il, demande une réforme juridique radicale qu’elle doit lui
être nécessairement accordée.
M. Jean-François
Copé. Il faut mettre en balance cette
modification de la situation de quelques-uns avec l’effet qu’elle produit sur
l’ensemble de la société.
En second lieu, une personne homosexuelle peut
enfanter et peut adopter. Oui, dira-t-on, mais alors le conjoint n’est pas
reconnu comme parent par l’état civil. Mais je veux rappeler qu’il n’y a là
rien de discriminatoire. C’est déjà le cas des concubins hétérosexuels en
matière d’adoption. C’est celui des beaux-parents hétérosexuels dans les
familles recomposées. Notre société accepte donc depuis longtemps de
distinguer, le cas échéant, les parents juridiques des personnes qui
s’investissent dans l’éducation. Peut-être faut-il faire une place dans notre
droit à cette mutation. J’aurais aimé que ce sujet soit abordé dans le cadre de
votre projet de loi.
Est-il d’ailleurs besoin de passer par la voie du
mariage ? Non. En prenant en considération l’intérêt de l’enfant, il suffirait
de mieux reconnaître des droits et surtout des devoirs à ce que certains
appellent à juste titre « l’adulte qui compte », un adulte engagé
dans l’éducation de l’enfant et qui a développé des liens affectifs forts avec
lui.
Je résume mon propos : premièrement, le mariage
est l’institution centrale qui organise la filiation ; deuxièmement,
qu’elle soit biologique ou adoptive, cette filiation, dans nos sociétés, et
dans toutes les sociétés qui nous ont précédés même lorsqu’elles acceptaient
parfaitement l’homosexualité, est fondée sur la différence des sexes ;
troisièmement, bouleverser cet ordre essentiel pour répondre aux attentes d’une
petite partie de la population, sans en avoir pleinement étudié les
conséquences à long terme, est extraordinairement aventureux ;
quatrièmement, cela l’est d’autant plus que, dans notre société qui doit
accepter pleinement le droit des homosexuels à vivre librement leur sexualité,
à vivre en couple, à élever leurs enfants, des accommodements raisonnables
peuvent régler les situations de fait sans qu’il soit nécessaire d’en passer
par une mutation aussi radicale. Voilà les enjeux de ce débat.
S’arracher aux préjugés, marcher vers l’égalité,
élever chacun à toujours plus de dignité : qui ne reprendrait à son compte
un tel programme ?
Mais nous avons appris aussi, depuis un siècle au
moins, à nous méfier d’une conception du progrès qui détruit parfois ce qu’elle
prétend protéger. C’est vrai pour la nature, c’est vrai pour la culture, je
veux dire pour les institutions.
Et pour conclure, je voudrais parler au nom des
générations à venir (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean-François
Copé. Elles sont les premières concernées
par ce projet. Car le paradoxe est là : sans doute de bonne foi, au nom de
l’égalité entre les adultes, le Gouvernement s’apprête à créer une inégalité
profonde entre les enfants. Certains se verront reconnaître le droit d’avoir un
père et une mère. D’autres se verront privés de ce droit par la loi, jusque
dans l’état civil. Cette injustice faite aux enfants, le Président de la
République va-t-il l’assumer ? Ou va-t-il continuer de la dissimuler aux
Français, en minimisant la question de l’adoption, en reportant au printemps le
débat sur la procréation médicalement assistée, en avançant masqué sur la
question des mères porteuses, comme le montre la circulaire dont nous avons
parlé tout à l’heure ? Je veux le dire ici, cette circulaire est pour nous
extrêmement troublante et les réponses qui nous ont été données ne sont en rien
satisfaisantes.
M. Jean-François
Copé. Jusqu’à présent, notre droit
reconnaissait que l’absence de père ou de mère était un manque pour l’enfant.
Aujourd’hui, la majorité propose d’institutionnaliser a priori cette absence.
Elle prétend affirmer dans notre droit que cette
différence fondamentale n’a pas la moindre importance dans l’éducation de
l’enfant. Quel paradoxe au moment où nous nous battons pour la parité dans tous
les autres domaines !
Oui, garantissons des droits pour les couples de même
sexe qui s’engagent dans la durée. Oui, reconnaissons des droits et des devoirs
pour « l’adulte qui compte ». Oui, accompagnons les familles pour que
les enfants soient protégés en toutes circonstances. Mais de grâce, commençons
par défendre l’intérêt de l’enfant avant nos désirs d’adultes. Ne méprisons pas
les droits du plus fragile. Ne l’oublions jamais : nous avons d’abord une
dette à l’égard des générations à venir (Applaudissements sur les bancs du
groupe UMP.)
M. le
président. La parole
est à Mme Annick Lepetit.
Mme Annick Lepetit. Monsieur le Président, mesdames les ministres, mes
chers collègues, ouvrir le mariage et l’adoption aux couples de même sexe est
un engagement de François Hollande. Nous l’avons porté avec lui pendant la
campagne présidentielle et après lui, pendant les élections législatives.
Mme Annick
Lepetit. Il s’agit d’un combat de longue
date des socialistes. Nous avons déposé une proposition de loi sur ce thème en
2009 et elle a été débattue à l’assemblée en 2011.
Nous n’avons jamais caché nos intentions et nous avons
toujours annoncé qu’une fois majoritaires à l’assemblée, le mariage serait
ouvert aux couples homosexuels.
Mme Annick
Lepetit. Ces derniers mois, le Gouvernement
puis les commissions, ont organisé de nombreuses auditions. C’est là, chers
collègues de l’opposition, que le travail de fond s’est effectué. Mais la
grande majorité d’entre vous était absente.
Mme Annick
Lepetit. Pourtant, le débat qui nous réunit
en ce moment fait partie de ceux qui permettent à la société d’évoluer vers
plus d’égalité, plus de tolérance. Comme à chaque fois qu’un cap important
s’apprête à être franchi, les forces les plus conservatrices se liguent pour
empêcher l’émergence de nouveaux droits. C’est habituel.
Mme Annick
Lepetit. Mais que la majorité d’entre vous
ait suivi la ligne du président de l’UMP pour être dans la caricature et
l’amalgame aux côtés du Front national (Exclamations sur les bancs du groupe
UMP) et des organisations les plus intégristes et les plus rétrogrades…
Mme Annick
Lepetit. ...cela restera comme l’une des
pages les moins glorieuses de l’histoire de la droite républicaine.
Nous avons bien ici deux conceptions de la politique.
Pour nous, le législateur est là pour éclairer les Français, leur expliquer ce
qu’il compte inscrire dans la loi et les convaincre. C’est ce qui fait la
grandeur du Parlement. Au contraire, vous n’avez cessé de mentir et de faire
peur, aussi bien sur le contenu de ce projet de loi que sur ses conséquences
pour notre société.
Nous sommes ici pour offrir une véritable égalité à
nos concitoyens alors que vous voulez préserver une ségrégation légale.
D’ailleurs, qu’est-ce que votre alliance civile, cette alliance civile que vous
proposez dans vos amendements, sinon un sous-mariage, réservé aux couples
homosexuels ? Ne voulez-vous pas plutôt rappeler à chaque fois qu’il y a
d’un côté les couples qui ont droit à la protection et la reconnaissance de la
société, et de l’autre, ceux qui sont inférieurs en droit mais qui doivent se
justifier, eux, d’être de bons parents ?
C’est d’ailleurs sur ce thème que vous développez
votre argument préféré : la défense des enfants. Ah, la défense des
enfants ! Vous vous cachez derrière ces quelques mots, mais sans jamais
aller au bout de votre idée.
Mme Annick
Lepetit. Passées les précautions de langage,
ce que vous essayez d’insinuer dans l’esprit des Français, c’est tout
simplement qu’il serait dangereux pour un enfant d’être élevé par un couple
homosexuel.
Mme Annick
Lepetit. Vous insultez ainsi les dizaines de
milliers de familles qui existent déjà, sans jamais démontrer la justesse de
vos attaques. Où sont les preuves que les enfants vont plus mal lorsqu’ils sont
élevés par un couple homosexuel ?
Le mieux est encore de les écouter, ce que nous avons
fait en commission. Mais en leur refusant cette écoute, vous les méprisez et
leur récusez le droit de dire qu’ils sont des enfants comme les autres.
En nous prédisant des catastrophes avec cette loi,
vous refusez de voir la France telle qu’elle existe aujourd’hui
Mme Annick
Lepetit. Les homosexuels ne vous ont pas
attendu pour fonder une famille. Et que je sache, ces dix dernières années,
vous n’avez pas voulu les voir.
Mme Annick
Lepetit. Au fond, ce qui vous dérange, c’est
d’accorder les mêmes droits aux couples homosexuels qu’aux couples hétérosexuels.
Le train de
l’histoire est en train de passer et une fois de plus vous allez rester à quai (Exclamations
sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Annick
Lepetit. Dans quelque temps, quand les
esprits se seront calmés et que, malgré vos craintes, la famille dans toute sa
diversité sera toujours là, vous regretterez sans doute vos outrances et vos
erreurs. Et ceux d’entre vous qui ont le courage de défendre et de voter cette
loi généreuse seront fiers de l’avoir fait, tout comme nous le sommes
aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
M. le
président. La parole
est à M. François Fillon.
M. François Fillon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers
collègues, « présider la République, c’est refuser que tout procède d’un
seul homme, d’un seul raisonnement, d’un seul parti » : voilà les
mots du candidat François Hollande, au Bourget, en janvier 2012.
M. François
Fillon. À l’évidence, ce projet de loi
contredit cette proclamation. Il procède de la volonté du Président de la
République qui a choisi de passer outre les centaines de milliers de
manifestants opposés à ce texte…
M. François
Fillon. …qui a choisi d’ignorer les
inquiétudes exprimées par les représentants des cultes, qui a choisi de
négliger l’avis de l’Académie des sciences politiques et morales, qui a choisi
de ne pas s’en remettre au référendum. Bref, qui a choisi seul, avec sa
majorité, d’imposer un changement profond du droit de la famille et de la
filiation.
Hier, le parti socialiste accusait le président
Sarkozy d’autoritarisme et il ne ménageait pas son soutien à tous ceux qui
battaient le pavé contre le gouvernement. Aujourd’hui, il goûte le pouvoir
présidentiel et majoritaire et conteste celui de la rue.
Contrairement à la gauche, je n’ai jamais critiqué les
prérogatives du chef de l’État, mais je regrette de les voir utiliser, sans
discernement, sur un sujet sensible qui aurait mérité une approche pragmatique
et rassembleuse (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Le
projet gouvernemental devait, nous disait-on, susciter le consensus. Eh bien il
n’y a pas de consensus !
Les centaines de milliers de Français qui ont
manifesté le 13 janvier n’étaient ni des extrémistes, ni des passéistes,
ni des idéologues.
Mme Catherine
Lemorton, présidente de la commission des
affaires sociales. Et ceux qui
manifestaient hier soir ?
M. François
Fillon. Est-il nécessaire de préciser qu’on
peut être contre le mariage pour tous et combattre l’homophobie, qui est une
injure faite à la dignité qui entoure chaque être humain ?(Applaudissements
sur les bancs du groupe UMP.)
Dois-je aussi préciser que l’on peut être favorable à
ce projet et respecter les arguments de ceux qui ne le sont pas, et
réciproquement.
Mieux vaut le préciser, car le débat actuel a fait
resurgir des tensions, parfois détestables. Sur les réseaux sociaux, une
violence malsaine gronde. Homophobie d’un côté, anticléricalisme de l’autre,
toutes ces dérives qui mutilent notre fraternité sont inquiétantes.
M. François
Fillon. Je dis au Gouvernement :
« Prudence ! ». Je dis au Président de la République qu’il
n’agit pas dans un contexte serein. Nous sommes en crise, et, autour de nous,
les repères s’effritent. Les risques de rupture existent, et son devoir est
d’assurer la concorde de la nation. Il ne doit pas laisser les Français se
dresser les uns contre les autres sur des sujets de société qui, précisément,
réclament une pédagogie du rassemblement.
Mme Catherine
Lemorton, présidente de la commission des
affaires sociales. Oui, c’est
ça, Sarkozy rassemblait bien !
M. François
Fillon. Pourquoi cette question du mariage
homosexuel ne fait-elle pas l’objet de plus de précautions ?
On ne peut à fois prétendre que ce texte de loi
constitue une réforme de civilisation et agir avec précipitation, sans, au
surplus, donner la parole au peuple. Si François Hollande a cru bon d’évoquer
devant les maires la liberté de conscience, c’est bien que l’affaire est grave,
et, si l’affaire est grave, c’est qu’il y a un problème de fond, qui ne sera
pas réglé en quelques semaines au Parlement. (Applaudissements sur les bancs
du groupe UMP.)
Quel est le problème ? Il est que ce projet de
loi remet en cause le cadre juridique et social du mariage, qui structure la
société et la filiation depuis des siècles.
On me rétorquera que cette conception du mariage se
heurte aux mutations de notre temps.
Je ne suis pas dans un déni de réalité ; je sais
qu’il y a des situations de fait que le législateur doit résoudre. Je ne
m’érige pas non plus en juge car je ne doute pas des capacités d’affection et
d’éducation d’un couple homosexuel, ou d’une femme ou d’un homme seul.
Ce souci d’assumer la réalité sans la juger ne me
conduit pourtant pas à accepter le principe d’une égalité totale des droits.
M. François
Fillon. Les citoyens sont égaux, ce qui
n’implique pas que les situations soient, entre couples homosexuels et couples
hétérosexuels, totalement égales.
M. François
Fillon. Beaucoup de choses ont été dites
par mes collègues sur ce sujet. Je veux juste, pour ma part, insister et
alerter nos concitoyens sur un point que le slogan de l’égalité
dissimule : celui du droit à l’enfant.
Si le principe d’égalité est suffisant, aux yeux du
Gouvernement, pour justifier de chambouler l’institution du mariage, s’il est
suffisant pour relativiser le bien-fondé de l’altérité et élargir le droit à
l’adoption, alors il sera rapidement considéré comme suffisant pour accorder
aux couples de femmes l’assistance médicale à la procréation.
M. François
Fillon. Nous touchons ici à une question
profonde, car un enfant conçu par ce procédé au sein d’un couple de femmes, ou
par une femme seule, pourra-t-il réparer ce double manque, ne pas savoir d’où
il vient et ne pas avoir de père qui l’élève ?
Sur l’extension de la PMA, le Président de la
République a saisi le Comité consultatif national d’éthique. C’est sage mais
bien tardif, et c’est, au demeurant, vain, puisque j’ai cru comprendre que, sur
ce sujet, la majorité socialiste était largement prête à franchir le pas dans
quelques mois.
Une fois ce pas franchi – au nom de l’égalité
toujours ! –, les couples d’hommes ne manqueront pas d’exiger le
droit à la gestation pour autrui.
Beaucoup la réclament déjà (« Eh
oui ! » sur les bancs du groupe UMP) et certains n’ont pas hésité
à y recourir à l’étranger. Ce jour-là, quel argument le Gouvernement leur
opposera-t-il ? (« Aucun ! » sur les bancs du groupe
UMP.) Celui de l’inégalité ? Sûrement pas puisqu’il fait de 1’égalité des
droits le fil directeur de son projet. Celui de l’interdiction de marchander
son corps ? Naturellement, cet argument sera avancé, et je ne fais pas le
procès au Gouvernement ou à la majorité de tricher, je dis simplement qu’il
sera rapidement démonté par ceux qui vous convaincront que le recours à une
mère porteuse est aussi estimable que le recours à la science et à un tiers
donneur anonyme.
Ils évoqueront les quelques exemples étrangers où la
PMA est ouverte à tous, et certains dénonceront le vide juridique qui entoure
leur enfant né ainsi hors de nos frontières.
Sur ce point, madame la ministre, votre circulaire,
qui facilite l’acquisition de la nationalité française pour les enfants nés de
mère porteuse, est, d’une manière ou d’une autre, une brèche vers la
légalisation de la gestation pour autrui. (Applaudissements sur les bancs du
groupe UMP.)
M. François
Fillon. Les partisans de la GPA s’y
engouffreront, et tous ne manqueront pas de reprocher à la France d’être à la
traîne du progrès. Que n’a-t-on dit et exigé au nom du progrès, sans se poser
la seule question qui vaille : vers quel monde courons-nous et pour quel
humanisme ?
Au nom de l’égalité, le Gouvernement ouvre ainsi une
boîte de Pandore, et, croyez-moi, il sera difficile de la refermer. Ceux qui me
rétorquent que les ruptures fondamentales de la PMA et de la GPA ne sont pas à
l’ordre du jour sont les mêmes qui, dans quelque temps, affirmeront que le
droit à l’enfant est respectable, car, oui, derrière le mariage pour tous, il y
a le droit à l’enfant pour tous et par tous les moyens.
Aujourd’hui, la majorité nous dit qu’il n’en est rien…
M. François
Fillon. …mais, très bientôt, je ne doute
pas que pour légitimer ce nouveau droit les motifs les plus généreux et les
plus sincères seront alors employés, dont celui de vouloir avoir un enfant et
de l’aimer. Une fois encore, le poids des sentiments imposera sa loi.
À ceux qui pensent
que j’anticipe des évolutions qui ne sont pas inscrites dans ce projet,…
M. François
Fillon. …je veux rappeler qu’en 1999 le
PACS nous était présenté comme l’étape législative ultime de l’union entre deux
personnes du même sexe. Jamais, nous disait-on, le législateur n’ira ni ne
devrait aller plus loin ! Jamais !
M. François
Fillon. Par délicatesse, je ne citerai pas
toutes les phrases prononcées dans cet hémicycle par l’ancienne garde des
sceaux, chargée de faire voter le PACS.
Son opposition au mariage homosexuel et à l’adoption
était sans ambiguïté et elle concluait son propos avec une formule qui résonne
étrangement dans notre hémicycle : « Je n’ignore pas le procès d’intention
sur un éventuel « après » de cette proposition qui préparerait des
évolutions plus fondamentales de notre droit. Je m’élève avec la plus grande
énergie contre de telles insinuations. »
Voilà les mots d’hier, qui nous disaient « jamais ».
Une décennie
plus tard, ce qui était formellement refusé est officiellement accepté :
le mariage est ouvert aux couples homosexuels avec l’adoption.
Cette course
ne s’arrêtera pas en chemin…
Un député du
groupe UMP. C’est
évident !
M. François
Fillon. …et il ne faudra pas longtemps pour
voir la majorité s’accommoder de la procréation médicalement assistée et de la
gestation pour autrui, qui sont les horizons naturels de ce projet de loi.
Il n’est nul besoin de se livrer à un procès
d’intention pour envisager ce scénario ; il est seulement la conséquence
logique d’une quête effrénée de l’égalité absolue. Avec ce projet de loi, nous
entrons donc dans une spirale dont les répercussions risquent d’être lourdes,
et il est bien présomptueux de penser que nous pouvons légiférer sans avoir la
main qui tremble.
La querelle qui nous divise est d’autant plus
regrettable qu’il existe une voie pragmatique pour avancer ensemble, de façon
consensuelle.
En disant non au mariage pour tous, l’opposition ne
dit pas non à des évolutions juridiques ciblées. Elle ne dit pas non à la
reconnaissance que recherchent les couples homosexuels, parce que chacun est
libre de vivre sa vie amoureuse sans être défié ni jugé par les autres. (« Très
bien » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Nous pourrions travailler à un PACS renouvelé,
renforcé de droits nouveaux. Sur la base d’une nouvelle forme d’union civile,
il répondrait aux attentes des couples, et il ne bouleverserait pas les cadres
du mariage et de la filiation.
Je crois, mes chers collègues, que le Gouvernement n’a
pas pesé toutes les incidences juridiques, sociales et éthiques de son projet.
Celui-ci divise la France au moment où elle devrait être rassemblée, et il pose
les jalons d’une société où le droit et le désir des adultes passeront avant
ceux des enfants.
M. François
Fillon. Les Français qui s’opposent à ce
texte de loi ne sont pas entendus. Ils étaient pourtant des centaines de
milliers à descendre dans la rue pour défendre leur cause.
M. François
Fillon. Inutile de les compter ou de les
recompter... Ils sont de toute façon très nombreux et ils sont, à leur façon,
les porte-parole d’une tradition qui n’a pas fini d’être moderne.
Mme Catherine
Lemorton, présidente de la commission des
affaires sociales.
Rassurez-vous, on ne va pas supprimer le mariage pour les hétérosexuels !
M. François
Fillon. Aujourd’hui, la responsabilité de
l’opposition est de relayer leur voix, parce que cette France que le Gouvernement
n’écoute pas doit être respectée, mais notre responsabilité est aussi de parler
clair.
La PMA et la GPA sont des lignes rouges. Le flou des
réponses du Gouvernement sur ces sujets révèle la faiblesse de ses convictions.
Il est du devoir de l’opposition d’avertir que, si ces
lignes rouges étaient franchies, à l’heure de l’alternance – car il y aura
alternance –, nous réécririons la loi pour stopper cette dérive, car elle
consacrerait une régression de notre conscience humaine. (Vifs
applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
M. le
président. La parole
est à Mme Chaynesse Khirouni.
Mme Chaynesse Khirouni. Monsieur le président, mesdames les
ministres, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers
collègues, j’aimerais vous dire mon émotion et ma fierté de défendre cette loi
pour l’égalité des droits. J’ai également une pensée pour ces citoyens et
citoyennes qui m’ont écrit, qui sont venus me rencontrer et qui attendent, avec
espoir, le vote de cette loi, depuis tant d’années.
Depuis toujours, les gays et les lesbiennes ont été
maintenus en marge de notre société. Certes, la gauche a fait progresser la
lutte contre les discriminations en dépénalisant l’homosexualité en 1982 et en
créant le PACS il y a quatorze ans, mais il existe toujours une différence de
droits et de devoirs entre citoyens dans le code civil.
Aujourd’hui, en 2013, la gauche propose l’ouverture du
mariage aux couples de personnes de même sexe. Après des mois de débats,
l’argument avancé par nos opposants est toujours le même. Il s’agirait, au nom
d’un ordre naturel, de ne pas déstabiliser une institution séculaire. En
ouvrant le mariage aux homosexuels, nous provoquerions le chaos dans notre
société. Dans une sorte de déni de la réalité sociale, on nous oppose
l’immuabilité d’un vieux modèle familial fondé sur la complémentarité d’une
femme et d’un homme.
Cette objection n’est pas nouvelle. Comme nous le
rappelle si justement Elisabeth Roudinesco, « il existe un tréfonds de
panique chez quelques-uns depuis la fin du dix-neuvième siècle,…
Mme Chaynesse
Khirouni. …au moment où se sont accélérées
les transformations de la famille. Divorce, travail des femmes, avortement, à
chaque fois, c’est la même panique. »
Dans une société en marche, l’être humain s’affranchit
des anciens modèles. L’accession au mariage et à l’adoption pour les couples de
personnes de même sexe n’est nullement un renoncement aux valeurs qui fondent
notre société. Elle est, au contraire, un grand pas vers l’égalité des droits
entre les citoyens. Et c’est pour cette raison que nous refusons la proposition
de certains, à droite, de créer un contrat d’union civile.
Ce sont les mêmes qui pourfendaient le PACS hier et
qui nous proposent aujourd’hui un sous-mariage, réservé aux homosexuels.
Mme Chaynesse
Khirouni. Depuis plusieurs mois maintenant,
nous entendons chaque jour dans les médias les propos des opposants au mariage
pour les couples de même sexe. Au-delà du débat légitime et des
questionnements, certains ont laissé libre cours à leur homophobie. Et je
n’évoquerai pas, ici, les insultes et les propos outranciers que nous avons
tous reçus sur nos boîtes mail et dans de nombreux courriers.
J’ai rencontré de nombreux gays et lesbiennes. Ils
m’ont confié leur parcours de vie. Ils m’ont dit qu’ils n’avaient plus ressenti
cette détestation, cette négation de leur identité depuis leur adolescence.
Je pense ainsi à ces enfances passées à raser les murs
de l’école, pour éviter les insultes, pour éviter ceux qui les répétaient jour
après jour, mois après mois, année après année.
Mme Chaynesse
Khirouni. Ils nous disent :
« Depuis quelques semaines, chaque fois que j’entends certains détracteurs
du mariage pour tous, leur mauvaise foi, leurs arguments homophobes, parfois
sans qu’ils en aient conscience, chaque fois que je les entends, j’ai mal.
C’est comme une entaille, comme une blessure qu’on creuse. Chaque fois que je
les entends, j’ai six ans dans la cour de l’école et j’ai mal. »
Mme Chaynesse
Khirouni. Devenus adultes, ils ont eu la
force de dépasser tout cela, de construire, d’assumer ce qu’ils sont, d’aimer
et d’être aimés, de faire famille et d’avoir des enfants. L’heure est venue,
pour le législateur, de reconnaître ces couples et ces familles.
L’heure est venue, mes chers collègues, de sortir ces
familles et leurs enfants de l’insécurité juridique.
L’heure est venue, mes chers collègues, enfin, de
reconnaître tout simplement qu’ils sont des citoyens à part entière et de dire
aux gays et aux lesbiennes :vous pouvez être fiers de ce que vous êtes,
soyez fiers de votre combat pour l’égalité des droits.
Oui, vraiment, chers collègues, il est plus que temps
de nous rassembler pour mettre fin à cette discrimination.
Pour conclure, madame la garde des sceaux, madame la
ministre, je vous rappellerai les paroles qu’a prononcées, à cette tribune, un
jeune député, alors qu’il était rapporteur de la loi de séparation des Églises
et de l’État en 1905. Aristide Briand déclarait alors : « le projet
que nous proposons n’est pas une œuvre de passion, mais de justice ».
Madame la garde des sceaux, madame la ministre, votre loi s’inscrit dans cette
grande lignée qui fait honneur à notre République. Soyez assurées que nous
serons à vos côtés pour voter cette loi juste qui reconnaît et protège toutes
les familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le
président. La parole
est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le président de
l’Assemblée nationale, monsieur le président de la commission, mesdames les
ministres, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, il ne s’agit pas
ici d’être moderne ou ancien, progressiste ou réactionnaire. Il s’agit de
répondre concrètement aux aspirations de couples de même sexe, sans nier
l’attachement de nombreux Français à l’institution du mariage comme union d’un
homme et d’une femme dans le but de fonder une famille. Il s’agit d’y répondre
sans dogmatisme, sans hypocrisie, sans idéologie.
Deux sujets sont imbriqués dans ce texte :
l’union d’abord, la place des enfants ensuite. Maire d’une ville, comme nombre
d’entre vous, je célèbre des mariages, je rencontre les futurs époux et je
partage leur projet de vie. Élue locale, je rencontre aussi des couples
homosexuels qui me parlent avec la même détermination de leur volonté de
s’investir dans un projet commun, et de le voir reconnu par la République. Cette
aspiration est légitime : nous devons aux couples de même sexe la pleine
reconnaissance de leur union.
Le PACS fut une première réponse. Il a offert aux
couples de même sexe un cadre de vie commune, des droits et l’obligation de
soutien entre contractants. Nous avons voulu, au cours de la précédente
législature, le renforcer. Pour cela, nous avons étendu les droits des pacsés,
en les rapprochant des droits des couples mariés. Cela s’est traduit en 2007
par la suppression des droits de transmission lors du décès d’un des deux
partenaires d’un PACS. En 2008, la loi de modernisation de l’économie a ouvert
la possibilité de transmettre son entreprise entre partenaires d’un PACS. En
2010 et en 2011, c’est la possibilité de régler les différends non plus devant
le juge administratif mais devant le juge aux affaires familial qui a été
ouverte, ainsi que celle de signer son PACS non plus au greffe du tribunal,
mais chez le notaire.
Personne ne demande aujourd’hui de revenir sur ce
contrat, mais beaucoup le jugent insuffisant. Sa célébration ne serait pas
assez solennelle, et il aurait un caractère trop strictement patrimonial, alors
même que l’on attend des engagements extra-patrimoniaux. C’est le sens de la
proposition d’alliance civile que j’ai présentée avec Daniel Fasquelle, Axel
Poniatowski et de nombreux autres collègues.
L’alliance civile donne aux couples de même sexe les
mêmes droits que le mariage, sans l’adoption. (Exclamations sur plusieurs
bancs du groupe SRC.)
Plusieurs
députés du groupe SRC. Discrimination !
Mme Nathalie
Kosciusko-Morizet. C’est la
reconnaissance publique et solennelle, à la mairie, de leur union. Ce n’est pas
seulement un contrat comme le PACS, mais une institution républicaine, non pas
en dessous du mariage, comme le PACS, mais à côté du mariage. L’alliance civile
confère les mêmes droits, la même reconnaissance de l’union, mais sans
bousculer les conditions de la filiation. Je crois encore que cette proposition
peut rassembler. Elle rassemble déjà 125 députés.
Mme Nathalie
Kosciusko-Morizet. Certains
d’entre eux ont annoncé qu’ils voteraient votre texte, d’autres qu’ils ne le
voteraient pas, mais tous considèrent qu’une autre réponse existe.
J’affirme donc clairement être favorable à l’union des
couples de même sexe. Parlons des enfants, à présent. En l’état actuel du code
civil, étendre le droit au mariage aux couples homosexuels sans autre
aménagement entraînerait automatiquement la reconnaissance d’un droit à
l’adoption conjointe, à l’adoption plénière. Dès lors qu’il lie union,
parentalité et filiation, ce projet de loi dépasse la seule question d’une
meilleure reconnaissance de l’union homosexuelle.
Ce projet de loi aurait mérité, mes chers collègues,
que l’on recherche le consensus, comme nous l’avons fait à propos d’un autre
sujet de société, avec la loi Leonetti. Il aurait mérité un large débat avec
les Français : je regrette que le Gouvernement et la majorité n’aient pas
choisi de l’organiser sérieusement.
Mme Nathalie
Kosciusko-Morizet. Du coup, ce
débat s’est installé de fait, dans la douleur, augmentant les tensions et
renforçant les clivages. Il a divisé une société en attente d’apaisement.
Beaucoup de questions auraient pu être posées, comme
celles de l’accompagnement des recompositions familiales, de la sécurisation
des parcours de vie de plus en plus complexes des enfants, et du statut des
beaux-parents. Surtout, comment répondre au besoin de connaissance de ses
origines ? Je m’attarderai un instant sur ce point. Pour beaucoup d’entre
nous, en effet, la réponse à la question de savoir d’où l’on vient est
évidente. Nous savons qui sont notre père et notre mère. Mais l’expérience des
enfants nés sous X, ou issus d’une fécondation in vitro, en quête de
leurs origines, doit nous instruire. Nous sommes déjà confrontés à leurs
interrogations, à leurs inquiétudes, à leurs souffrances. Je connais, comme
vous, de ces adolescents ou de ces adultes qui ressentent comme une plaie
ouverte, quel que soit par ailleurs l’amour qu’ils ont reçu de leur famille, la
recherche de leurs origines. Le législateur est régulièrement sollicité sur la
levée de l’anonymat.
Mme Nathalie
Kosciusko-Morizet. La
procréation médicalement assistée pour les couples de même sexe et la gestation
pour autrui nous entraînent toujours plus loin sur cette voie. Ces techniques
sont pourtant inscrites en filigrane dans ce projet de loi, et même imprimées
noir sur blanc, dans la circulaire que vous avez signée la semaine dernière.
Elles sont, je le crois, la suite logique de ce texte.
Le projet de loi sur la famille que vous annoncez nous
donnera peut-être l’occasion d’échanger sur le sujet de la quête des origines.
On voit combien ce débat complexe aurait dû être mené au préalable, avant la
discussion du projet qui nous est présenté aujourd’hui. Car la question n’est
pas celle de la capacité des couples homosexuels à élever des enfants. Bien des
couples de même sexe élèvent aujourd’hui, de fait, des enfants dans des
conditions qui n’ont rien à envier à certains couples hétérosexuels.
Mais le sujet de la protection de l’enfant est plus
large, et aurait mérité une réponse plus équilibrée. Je crois personnellement
en la réponse allemande, qui ne permet pas l’adoption conjointe par les couples
de même sexe, mais qui autorise l’adoption simple d’un enfant biologique par
l’autre partenaire, dès lors que l’autre parent biologique accepte de renoncer
à son autorité parentale. Cette solution respecte à la fois le besoin de
connaissance de ses origines, et la reconnaissance du nouveau lien créé dans le
cadre d’une recomposition de la famille. C’est une base de discussion adaptée
et protectrice pour l’enfant.
Chers collègues, ce texte part bien, mais finit mal.
Il part avec les meilleures intentions du monde : reconnaître, apaiser et
régler des situations de souffrance. Il débouche sur des incertitudes
identitaires en rapport avec la filiation qui peuvent créer d’autres
souffrances. Surtout, le Gouvernement n’a rien fait – au contraire ! –
pour apaiser les tensions. Il sème, en fin de compte, les ferments de la
division dans la société française.
Mesdames les ministres, mesdames et messieurs les
députés, il est encore temps de trouver la voie du rassemblement des Français,
d’un rassemblement qui tienne compte de toutes les réalités de notre société.
Je proposerai donc, avec d’autres collègues, des amendements en ce sens. (Applaudissements
sur les bancs du groupe UMP.)
M. le
président. La parole
est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Mesdames les ministres, monsieur le
rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mesdames et messieurs les
présidents, chers collègues, à ce stade de nos débats, il importe de mettre de
côté les descriptions caricaturales des conséquences de ce projet de loi. Elles
tomberont très vite aux oubliettes ! Revenons à l’essence même de notre
réforme : l’égalité et la fraternité.
Mes chers collègues, pourquoi devons-nous
légiférer ? Sans doute parce qu’il y a un besoin d’égalité entre les
familles. Cette future loi mettra fin à des situations que nous refusons
d’ignorer. Des dizaines de milliers d’enfants et de familles n’ont, dans notre
République, ni statut ni protection. Elles n’ont pas de protection en cas de
décès, ni en cas de séparation. Qui parmi nous accepterait cela pour lui-même
et ses proches ? La souffrance de ces familles et des couples, à qui la
société reconnaît une place sans que la loi le fasse, nous oblige à mener à
bien ce projet. Nous voulons sortir de l’apesanteur juridique en protégeant ces
familles sans statut.
Au nom de l’égalité, au nom de nos valeurs, nous
voulons le bien-être et la protection des enfants et de leurs parents. Demain,
nous permettrons à un enfant de porter le nom de ceux qui l’élèvent et qui
l’accompagnent dans la construction de son histoire. Qu’apportons-nous donc de
nouveau, de révolutionnaire, à la question du nom et de l’identité ? Rien,
sinon la lumière sur cette évidence : c’est un devoir pour nous, pour
l’État, de permettre à un enfant de faire de son parent social son parent réel.
Mme Marie-Anne
Chapdelaine. Le législateur l’avait anticipé, en
1972, par l’introduction dans la loi de la filiation par possession d’état. Il
n’y a donc ici ni danger, ni révolution, mais simplement la continuité d’une
lutte pour la justice et pour l’égalité. C’est un combat pour protéger ceux et
celles qui sont aujourd’hui fragilisés.
Mes chers collègues, notre volonté de justice et ce
besoin d’égalité seraient, paraît-il, anxiogènes. J’entends, études et
recherches à l’appui, qu’un enfant qui serait élevé hors d’un couple hétérosexuel
serait en danger. Il s’agit là d’une contrevérité ! Aucune étude ne le
prouve, sans qu’une autre étude, aux résultats contraires, ne la contredise.
Par exemple, sur quatre études menées au Canada en 2005, utilisant le même
questionnaire et mesurant le bien-être des enfants à l’école, l’une en tire la
conclusion que davantage de problèmes d’attention existent chez les enfants de
mères lesbiennes, tandis que les trois autres, utilisant les mêmes ressources,
prétendent le contraire. Le seul danger pour les familles et notre société, le
risque premier dont nous devons nous préoccuper, c’est l’ignorance et la
stigmatisation, la discrimination et l’inégalité dans l’accès aux droits.
Mme Marie-Anne
Chapdelaine. La possibilité d’entamer une
procédure d’adoption, qu’elle soit simple, plénière ou conjointe, fait partie
de ce combat pour l’égalité. J’y suis bien évidemment sensible, et je m’oppose
à ceux qui prétendent qu’une telle possibilité serait dangereuse. Je m’oppose à
ceux qui font semblant d’ignorer le processus long, contrôlé et sécurisé d’une
demande d’adoption et qui alimentent les peurs et la division de notre société.
Oui, mes chers collègues, l’égalité ne saurait trouver
sa place dans une société divisée. Nous construisons, ici, la fraternité
d’aujourd’hui, en pensant que la reconnaissance en droit de chacun dans ses
choix de vie est la meilleure garantie de l’épanouissement individuel et de
l’épanouissement de la société. Personne n’a l’autorité suffisante pour
confisquer une valeur aussi fondamentale que la famille. Personne ne peut
prétendre avoir le monopole du cœur.
Nous construisons également la fraternité de demain,
parce que la seule certitude, la seule garantie qui s’offre à chaque citoyen de
sa naissance à sa mort, c’est que notre République s’engage à ses côtés pour sa
protection, sa sécurité et son épanouissement. Si notre République manque à ce
devoir, si nous laissons les liens parentaux se construire en dehors du cadre
de la loi, alors nous rendrons des parents, des enfants et des familles vulnérables.
Nous créerons, en conscience, de l’injustice.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes
chers collègues, nous avons une responsabilité : celle de ne pas batailler
pour obtenir, demain, la société à laquelle chacun de nous aspire individuellement,
mais celle à laquelle chacun de nous aspire collectivement. Par collectivement,
j’entends celle que nous avons à définir ensemble. Ce doit être une
construction solide pour résister aux égoïsmes et aux passions individuelles. À
ce titre, les enfants méritent que la société les protège et les accompagne
dans leur construction physique et morale. Cela vaut quelle que soit leur
naissance et quels que soient les choix personnels de leurs parents.
Le bon sens, la raison et l’intelligence nous
conduisent à cette loi. C’est une loi protectrice, animée par notre aspiration
à l’égalité, et nourrie par nos valeurs républicaines. C’est une loi juste,
fraternelle et protectrice. Soyons dignes de ce pays, un pays qui a choisi le
changement, un pays qui attend le souffle du printemps pour se réinventer, le
printemps des droits, comme l’a dit si justement Bruno Le Roux, président du
groupe SRC. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
M. le
Président. La suite de
la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
;;;;;;
M. le
président. Prochaine
séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :
Suite de la
discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même
sexe.
La séance
est levée.
(La séance
est levée à vingt heures quinze.)
Le Directeur du service du compte
rendu de la séance
de l’Assemblée nationale,
de l’Assemblée nationale,
Nicolas Véron
____________________ »
Fin des extraits