"Entretien
exclusif du président français Emmanuel Macron, le 23 juin 2023. ©
RFI
Un
sommet pour changer de trajectoire. Depuis jeudi, une quarantaine de chefs
d’État et de gouvernement et autant de grandes institutions financières
publiques sont réunis à Paris pour un sommet informel dédié à la lutte contre
la pauvreté et le changement climatique. « Aucun pays ne doit avoir à
choisir entre la réduction de la pauvreté et la protection de la planète » :
ces défis doivent être affrontés « en même temps », a déclaré
hier le président français. Pour y parvenir, une réforme des institutions financières
internationales, devenue obsolètes, est indispensable.
En
toile de fond, il s’agit de retrouver la confiance malmenée entre quelques
États du Nord et un « Sud global » étouffé par la pauvreté historique
et les calamités climatiques, deux fléaux qui alimentent la spirale
insoutenable de l’endettement. Pour cela, des flux financiers massifs doivent être
injectés dans l’économie réelle. Jeudi, devant un parterre d’homologues
essentiellement venus d’Afrique et des pays en développement, le chef de
l'État a appelé à « un choc de financement public » mais
aussi le secteur privé à s’impliquer davantage, car, a-t-il déclaré, « il
y a beaucoup d’argent dans le monde ».
Le
sommet suscite autant de scepticisme que d'espoir et
les conclusions qui doivent être présentées ce vendredi midi par Emmanuel
Macron sont très attendues. Avant cela, le chef de l'État a répondu aux
questions de Mounia Daoudi (RFI), Stéphane Ballong (France 24) et Marc
Fauvelle (Franceinfo).
Analyse de Valérie Gas, Christophe Boisbouvier et
Bruno Faure après l'entretien avec le président français
■ Un
sommet de plus ?
L'objectif, « ce n'est pas de faire un sommet
de plus », a affirmé Emmanuel Macron. Il s’agit d’« essayer de
réconcilier » la lutte contre la pauvreté, la lutte pour la
biodiversité et la lutte contre les dérèglements climatiques. Or, « sauver
la planète, c'est essayer de réconcilier » un monde dans la « division ».
« On vit un moment de fracture et de risques », a posé le chef
de l’État. Pour ce faire, « la planète est là », à Paris
: « Le Premier ministre chinois, le président brésilien, le président
sud-africain et beaucoup d'autres dirigeants, le Sénégal, la Côte d'Ivoire, le
Vietnam, les États-Unis, l'Europe. »
Pour Emmanuel Macron, le sommet n’est pas non plus
l’occasion de racheter une politique climatique française qui serait
insuffisante, alors que la France a été condamnée pour inaction climatique en
2020 et 2021. « L'inaction climatique valait pour la France sur la
période 2015-2018 », a rétorqué le chef de l’État. « Depuis,
nous n'avons pas été condamnés ». Au contraire, a-t-il appuyé, « nous
avons, sur la période 2017-2022, doublé nos réductions d'émissions et nous
continuons. »
■
Concilier développement et lutte
contre le changement climatique
« La France a un effet d'entraînement sur
toute la planète et nous tenons nos engagements », « parce que
nous avons augmenté notre aide publique au développement de 50% ».
Toutefois, l’APD française, de 0,5% de son revenu national brut en 2022, reste
aujourd’hui en deçà des 0,7% à atteindre pour respecter les objectifs de
développement durable (ODD) imposés par l’ONU aux pays prospères.
Sur le développement, il ne faut « mettre
personne en situation de choisir entre la pauvreté, le climat et la
biodiversité », a-t-il répété, refusant de se poser en donneur de
leçons qui dirait « vous n'avez pas le droit de développer tel projet
parce qu'il n'est pas bon pour la planète », « alors même
qu'en Europe, vous avez des pays qui rouvrent des centrales à charbon. C'est
totalement aberrant ».
Poursuivant sur l’exemple du Sénégal, qui a reçu hier
une aide de 2,5 milliards pour développer ses énergies renouvelables,
l’utilisation de son gaz comme « énergie de transition » n’est
pas incompatible avec les réductions des émissions, a-t-il asséné. « Mais
40% de renouvelable en 2030, sachant qu'ils vont en plus faire du gaz, c'est
très exigeant pour le Sénégal et donc ça justifie qu'on ait cet
engagement » qui « va permettre au Sénégal de se développer. »
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