

Pratique de la polygamie en Algérie
08 MARS
2006 À 0 H 00 MIN
Avec trois femmes sur les bras et une ribambelle
d’enfants de différents âges (15 au total), il ne sait souvent pas où donner de
la tête. Bien que sa situation sociale lui ait permis de loger ces trois femmes
chacune dans son appartement et dans un autre quartier d’Alger, Nasser est
rongé par le remord. Le remord d’avoir raté sa vie. Polygame, malgré lui, il
tente de faire contre mauvais fortune bon cœur en tirant sa fierté de ses
enfants qui sont un modèle de réussite. Trois femmes, trois amours et trois déceptions.
Voilà le lot de ce cadre qui se plaint de n’avoir pas eu un mariage comme tous
les hommes. C’est-à-dire une seule femme, une bonne femme de préférence.
Quand on lui parle de polygamie, Nasser en rit à volonté. «Pensez-vous que je
suis vraiment heureux de ma situation ?», fit-il, désabusé. Au crépuscule de sa
vie, il se dit prêt à prendre encore une autre femme qui lui permettrait de
goûter véritablement à l’amour. Le vrai. Cette quête vaine et désespérée du
bonheur le rend tellement malheureux qu’il perd rapidement son sang-froid
devant ses femmes qu’il prend, inconsciemment, pour responsables de son drame
existentiel. Combien sont-ils comme Nasser en Algérie à partager leur vie en
deux, en trois, voire plus ?
Combien d’hommes ont écartelé ainsi leur existence faute d’un vrai amour ou
simplement à cause d’une recherche effrénée du «neuf» qui leur font changer de
femme comme on change de voiture ? Les chiffres ne sont pas disponibles ni au
ministère de l’Intérieur ni celui de la Justice.
Le sacré et la justice
Le phénomène de la polygamie en Algérie,
bien qu’il soit, selon des recoupements, marginal, n’en ajoute pas moins au
désarroi des centaines de jeunes femmes contraintes à partager un homme
qu’elles ont appris à chérir et probablement aimer. L’amendement apporté au
code de la famille a certes dressé des barrières devant les hommes tentés par
d’autres aventures en les obligeant à avoir le consentement de la première
épouse.
Cette barrière est-elle pour autant infranchissable ? Futés, les hommes ne sont
pas contre la loi, mais ils ont su la contourner par une pirouette religieuse.
En effet, la mode actuelle consiste à prendre une deuxième épouse, voire une
troisième en se contentant de la lecture de la Fatiha, et le tour est joué !
Ainsi, au lieu d’un mariage officiel (inscrit sur le fichier de l’état civil),
les hommes et leurs nouvelles compagnes recourent à une union… sacrée. Rendue
difficile par le néo code de la famille, la polygamie revient ainsi défier la
loi grâce à l’onction religieuse. La justice algérienne fait face désormais à
un autre dommage collatéral de l’amendement du code de la famille : les
demandes de reconnaissance de mariages religieusement corrects, mais
juridiquement illégaux !
Rien n’est donc réglé, ou presque. Sauf que la polygamie devient de plus en
plus difficile en Algérie face aux terribles conditions de vie des gens. Les
hommes doivent réfléchir par trois fois avant de passer à l’acte tant les
charges sociales d’une telle entreprise relèvent, eu égard au pouvoir d’achat,
quasiment de l’impossible, à l’exception de ceux, nantis, qui ont les moyens de
s’offrir autant de femmes qu’ils désirent en fonction de leurs porte-monnaie,
de leurs comptes bancaires. Ironie du sort, la misère sociale est en passe de
régler un problème de droit que même la loi n’a pas pu contrer. Tant mieux !
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