Ecrit dimanche 17 juillet 2005, par Lucienne PONS
LE PETROLE D’ALGERIE
Dans les siècles très anciens, selon la légende, un marabout "Boubakeur" se promenant sur les lourds terrains de gypses qui conduisaient aux prémices des zones désertiques aurait planté son bâton dans le sol et le retirant s’aperçut qu’il était enduit d’un liquide visqueux et odorant. Persuadé qu’un dangereux serpent hantait les lieux et gardait l’endroit, le marabout ne donna pas suite à cette découverte.
Sans se préoccuper du fameux serpent légendaire, de toute antiquité des bergers connaissaient cet endroit pour y venir chercher des boues imprégnées dont ilS frottaient la peau des moutons pour les guérir de la gale et de la pelade ; les chameliers faisaient de même pour leurs chameaux. Cette méthode qui s’est perpétuée pendant plusieurs siècles semble avoir été efficace puisque dans les campagnes on rapportait encore avant l’indépendance que soumis à ces soins naturels, la laine des moutons et les poils de chameaux repoussaient "plus beaux qu’avant".
Quelques siècles plus tard les colonisateurs construisirent à proximité de ces terrains les Villes d’Aumale, de Bou-Saada et le petit village de Sidi-Aïssa. distant d’Alger au sud d’environ
Parmi eux, en 1935, Monsieur Louis PONS fin connaisseur de la région qu’il parcourait régulièrement, d’une ferme à l’autre, pour y exercer son art de puisatier prospecteur d’eau, s’intéressa au site désertique de L’Oued Guétérini, dont on savait vaguement d’après des investigations faites en 1745 par un ingénieur anglais et en 1905 par des ingénieurs et savants allemands et roumains, qu’il était possible qu’il contienne du pétrole. Ce puisatier accomplit de nombreuses démarches, et sans aucun soutien financier, réunit autour de lui une équipe d’ouvriers pour creuser un puits près de la rive du fleuve où apparaissaient les suintements.
A quelques sept mètres de profondeur des émanations de gaze nécessitèrent l’installation d’un système de ventilation et le creusement se poursuivit jusqu’à treize mètres de profondeur où l’on trouva une première couche de terre imprégnée de naphte, d’environ un mètre d’épaisseur. Le puits consolidé et agrandit permit de recueillir quelques centaines de litres par jour de pétrole brut léger naturellement raffiné par la traversée des couches profondes, phénomène particulier aux terrains à gypses sulfureux. Ce pétrole léger ne nécessitait qu’un filtrage pour être utilisable dans les moteurs.
Monsieur PONS creusa deux autres puits espacés d’une dizaine de mètres mais, ne disposant pas de moyens financiers et techniques importants, il se décida à vendre son pétrole aux chauffeurs des cars de la ligne Alger/Bou Saada, au moyen d’un petit camion citerne qui faisait le trajet depuis les puits jusqu’au bord de la route nationale où les cars se présentaient au ravitaillement. On faisait directement le plein dans les réservoirs des véhicules après filtrage au moyen d’un chapeau de feutre et d’un grand entonnoir ! ..... le système D, pour ainsi dire !....... Par la suite, une société d’auto-traction se déclara pour cliente et un propriétaire de chalutiers aussi qui faisait près de
Cette commercialisation se poursuivit jusqu’en 1941 année au cours de laquelle le Bureau des recherches minières dépendant du Service des Mines réquisitionna le gisement et Monsieur Pons, sans aucune indemnisation, se trouva privé de ses maigres ressources pétrolières, nonobstant son autorisation officielle et sa patente de producteur professionnel de l’époque. Il faut dire que les commissions d’armistices Allemandes et Italiennes présentes à Alger qui portaient alors un grand intérêt à une production de pétrole brut en Algérie.
La guerre finie, notre puisatier pétrolier entreprit des démarches pour retrouver ses droits, mais les lois instituées en temps de guerre furent longues à abroger et désespérant d’obtenir satisfaction dans un avenir proche, il se rapprocha d’un jeune géologue de ses connaissances, Pierre Padovani, pour préparer la future reprise de l’activité de son chantier sous une forme adaptée à l’évolution des affaires d’après-guerre.
Après avoir étudié la question et en avoir discuté longuement, autour de verres d’anisette et en dégustant des Kémias, ils envisagèrent de fonder une société "Les pétroles de l’Oued Guétérini" avec un capital qui serait constitué pour l’essentiel d’apports en nature, à savoir les puits qui se trouvaient encore bouchés et interdits.
Pierre Padovani et Jean Mazel qui avaient fait la guerre dans la 1re D.F.I. et leur ami André Rosfelder qui l’avait faite comme parachutiste, revenus tous trois des combats, avaient fondé un club "Forces Françaises Libres", club d’entraide et d’amitié et se rencontraient régulièrement autour d’une table. C’est ainsi que Pierre Padovani un beau soir fit part a ses amis de l’intérêt qu’il portait aux projets de recherche et d’exploitation d’un gisement de pétrole brut de Monsieur PONS, gisement situé à Sidi Aïssa.
Pierre Padovani était un géologue passionné, il mit au courant ses amis de l’existence du gisement de l’Oued Guétérini et les invita à visiter le "site". André Rosfelder terminait à l’époque des études de géologie, Jean Mazel qui s’était engagé à 17 ans dans l’Armée avait repris des études de droit et tous trois étaient fermement décidés et impatients d’entrer dans la vie active dans un secteur nouveau d’activité où tout restait à faire, saluons ici le fameux "ESPRIT PIONNIER" qui ne manquait pas d’animer nos compatriotes pieds-noirs.
C’est ainsi qu’un beau matin, ils démarrèrent d’Aumale dans deux voitures en compagnie de Monsieur Pons et de son fils, pour rejoindre l’Oued Guétérini et visiter les puits condamnés où l’on pouvait voir encore à leur alentour des amas de terre imprégnés de naphte et de vieux équipements pétroliers rudimentaires. En cette saison tout paraissait désolé, aride, désertique et leur première impression fût teintée d’un peu de déception qui céda bien vite devant le désir de se lancer avec détermination dans cette affaire, le site en effet "sentait" le pétrole.
Monsieur Pons âgé et déçu des lenteurs de l’administration était en principe disposé à abandonner ses recherches de pétrole contre une modeste indemnité, mais il lui tenait à coeur que des jeunes relève le défi et prennent la relève.
Armés de leur jeunesse, animés d’enthousiasme et de courage, nos trois amis convaincus que le pétrole existait, se donnèrent pour mission commune dans un premier temps de constituer une société et d’accomplir toutes les démarches nécessaires à cet effet. Ce fût alors, le début d’un "parcours du combattant" pour trouver des capitaux privés, un siège social et fournir la preuve qu’il y avait bien un gisement de pétrole à Oued Guétérini. Ils se partagèrent les rôles et pendant que l’un ou l’autre accomplissait des démarches administratives pour constituer la société et obtenir des permis de recherche et d’exploitation, le troisième prenait déjà des contacts pour choisir les matériels, engins et équipements adéquats, et les spécialistes pour constituer l’équipe de recherche et le chantier. Entretemps sous l’impulsion d’André Rosfelder, ils envisagèrent de créer à proximité du gisement un petite unité de raffinerie, ce qui crédibiliserait leur projet de recherche. Ils s’aperçurent qu’il leur fallait aussi trouver de l’eau ..... Bref après des mois de travail et démarches acharnés, avec des moyens financiers plus que limités, ils réussirent à installer un siège social à Alger, à constituer leur société anonyme RAFAL-Raffineries Algériennes", à obtenir une autorisation de recherche temporaire sur la région considérée, à constituer une première équipe de spécialistes et d’ouvriers, à trouver à proximité du gisement quelques hectares de terrain pour l’édification future de la raffinerie et ou tout laissait espérer que l’on pourrait trouver de l’eau nécessaire à l’exploitation. Et enfin le chantier démarra.......
Le premier puits creusé révéla à
Les travaux de puisage et de galerie purent alors avancer pour atteindre une production d’une tonne/Jour. La question du stockage fût résolue par l’achat d’occasion d’un lot d’une vingtaine de cuves métalliques de 150 hectolitres acheté chez un viticulteur. Ces cuves encore en parfait état furent installées sur les lieux de production pour une partie et pour l’autre partie sur le terrain destiné à la construction de la future raffinerie.
Les bons résultats des analyses des échantillons, les relations des fondateurs, l’appui moral du père d’André Rosfelder homme politique important et intègre, procurèrent à
Ce n’était pas suffisant cependant pour construire la raffinerie. Mais le Dieu des pétroles régnait. Une "mine de pierres taillées «existait parait-il dans un site désertique de
Au fil du temps les puits et les galeries progressaient et produisaient deux milles litres par jour , production écoulée tous les trois jours au moyen d’un gros camion citerne vers
Une organisation du chantier devenait nécessaire. Des repas chauds et des boissons fraîches transportés d’Aumale dans une camionnette étaient servis à l’équipe tous les matins vers dix heures. Comme dans toute entreprise le chantier connu quelques incidents, notamment sa première grève lors d’une panne de 48 h.de la camionnette. Un deuxième incident, tragique, dû à l’imprudence d’un ouvrier qui avait allumé une cigarette au fond du puits dans lequel il creusait provoqua une énorme explosion de gaz et la mort d’un collègue qui se trouvait sur l’échelle du puits et qui fût projeté, en raison du souffle, à une vingtaine de mètres au-dessus du puits. Une ventilation mise en place et un rappel énergique des consignes de sécurité évitèrent qu’un tel incident dramatique ne se reproduise......
La société progressait et commençait à prendre un bon rythme de croisière, mais il fallait encore la faire connaître par des conférences de presse, des articles dans les journaux et par des visites organisées sur le site de production. Monsieur Rosfelder père et son fils André Rosfelder s’employèrent à cette œuvre de communication. Des visites comprenant des souscripteurs, de futurs souscripteurs et de personnes intéressées par le développement de cette activité furent organisées et tout ce monde transporté dans un petit car affrété à son intention put visiter les lieux de production et la raffinerie en construction, avec en cours de journée une pause repas dans le restaurant de la place d Aumale ; au menu et au choix : brochettes d’agneau, méchoui, "chorba" etc. .. Le tout dégusté dans la joie du dépaysement et la bonne ambiance pied-noir de "là-bas". Le capital de départ de sept millions d’anciens francs passa à vingt puis à trente millions. Les recettes cependant restaient modestes face aux frais de fonctionnement et d’exploitation et le prix du baril de pétrole ne "fléchait" pas à l’époque !
Le Préfet d’ Alger à cette époque se décida à visiter officiellement le site. La visite fût organisée avec le plus soin, en présence des autorités locales, des journalistes, des responsables administratifs, il y eut de beaux discours célébrant les fondateurs,
Et c’est alors qu’une nouvelle tenue secrète jusqu’alors, éclata au grand jour :
Sans entrer dans une polémique stérile, ce n’était ni le genre de Monsieur Rosfelder père, ni celui du Gouverneur Général, des pourparlers s’engagèrent entre les Rosfelder et Monsieur Armand Colot, Directeur Général de
Au cours du mois d’Avril 1949 l’un de ces nouveaux sondages atteignit
L’auteur de ces lignes qui a eu l’honneur de travailler dans les années 57/62 à
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