La première
séance du mercredi 3 Avril 2013 a été assez révélatrice de la tension qui
existe entre l’opposition et la majorité. Des questions ont été posées par
l’opposition, des réponses ont été données, vous en prendrez connaissance dans
l’extrait ci-dessous, toutefois quand le Premier Ministre Jean-Marc
Ayrault au cours de sa réponse a
déclaré : « Le procureur de la République a perquisitionné, entendu et expertisé
l’enregistrement pour vérifier s’il y avait le moindre doute sur le fait qu’il
s’agissait de la voix de Jérôme Cahuzac. Lorsqu’il a eu l’intime conviction
qu’un problème grave se posait, il a décidé en toute indépendance l’ouverture
d’une information judiciaire contre X. Même si cette information n’était pas dirigée directement contre Jérôme
Cahuzac, le Président de la République et moi-même avons demandé à ce ministre
de démissionner dans l’instant. Ce qui a été fait »
Nous sommes assez surpris de cette
réponse du Premier Ministre en ce qui
concerne notamment la démission du Ministre Jérôme Cahuzac, en effet lors de la
démission de Jérôme Cahuzac, l’Elysée avait annoncé le Mardi 19 mars à 19
heures à 19 heures que le Président de la République avait mis fin aux
fonctions de Jérôme Cahuzac à sa demande.
C’est donc une nouvelle version de
cette démission que le Premier Ministre vient de révéler hier, elle n’a pas été
relevée en séance par les Députés qui avaient à poser encore beaucoup de
questions, « électriques » , voici
ci-dessous un extrait de la première séance du Mardi 3 avril 2013 consacrée en première partie à ‘L’affaire Cahuzac » :
Source :
Site de l’Assemblée Nationale
(Extrait copié/collé)
Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013
Première séance du mercredi 3 avril 2013
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013
Première séance du mercredi 3 avril 2013
…../
Présidence de M. Claude Bartolone
M. le
président. La séance
est ouverte.
(La séance
est ouverte à quinze heures.)
M. le
président. L’ordre du
jour appelle les questions au Gouvernement.
M. le
président. La parole
est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe de l’Union pour un mouvement
populaire.
M. Bernard Accoyer. Monsieur le Premier ministre, ici
même, le 5 décembre, votre ministre du budget a menti à la représentation
nationale, aux 65 millions de Français dont nous sommes tous ici les représentants
légitimes.
Monsieur le
Premier ministre, vous avez hier reconnu publiquement que vous aviez eu sur
cette affaire, je cite vos propres mots, « des doutes et des
interrogations. » En dépit de ces doutes, de ces interrogations, des
allégations de fraude fiscale relayées par la presse durant quatre mois, le
Président de la République et vous-même avez décidé de maintenir le ministre du
budget à son poste, pourtant particulièrement sensible.
Devant le
séisme politique auquel nous sommes tous confrontés, au-delà du mensonge d’un
homme, la responsabilité constitutionnelle et je dirai même morale de
l’exécutif est engagée.
Monsieur le
Premier ministre, alors que la presse savait, que savait-on au sommet de
l’État, et depuis quand ?
Pourquoi,
avec le ministre des finances, n’avez-vous pas fait procéder sérieusement aux
vérifications approfondies de ces informations avant de dédouaner
M. Cahuzac ?
Monsieur le
Premier ministre, l’intervention lapidaire et de diversion du Président de la
République ne répond pas à la question centrale. (Exclamations sur les bancs
du groupe SRC – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le
président. Mes chers
collègues, s’il vous plaît, pendant cette séance peut-être plus que durant
n’importe quelle autre, il faut savoir garder son calme.
M. Michel Vergnier. C’est un ancien président de
l’Assemblée nationale qui a posé la question !
M. le
président. S’il vous
plaît, le Premier ministre répondra.
M. Bernard Accoyer. Ces manquements sont-ils une marque
d’incompétence ou de complaisance de la part des plus hautes autorités de
l’État ?
Monsieur le
Premier ministre, quelles conclusions en tirez-vous pour la crédibilité de
votre gouvernement, pour votre ministre des finances et pour vous-même ? (Applaudissements
sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
M. le
président. La parole
est à M. le Premier ministre. ( –et MM. les députés du groupe SRC
se lèvent et applaudissent – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. le
président. S’il vous
plaît, écoutez la réponse.
M. Michel Herbillon. Quelle indécence de se lever et
d’applaudir !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président Bernard
Accoyer, vous avez posé une question et vous attendez donc une réponse. Vous
l’avez posée calmement, je vous répondrai calmement.
Lorsque nous
avons constitué le Gouvernement, le Président de la République et moi-même,
croyez-vous que, si nous avions eu le moindre soupçon, nous aurions proposé à
Jérôme Cahuzac de devenir ministre du budget, c’est-à-dire d’être chargé du
contrôle fiscal ? Croyez-vous que nous avions un doute ? Nous n’en
avions pas !
M. Guy Geoffroy. C’est une réponse calme !
M. Jean-Marc
Ayrault, Premier
ministre. Nous avons
cru non seulement à la parole de cet homme mais à sa signature (Exclamations
sur les bancs du groupe UMP) car, comme tous les membres du Gouvernement,
il a signé un engagement sur l’honneur, une charte de déontologie qui engageait
sa parole et qu’il n’a pas respectée.
Aujourd’hui, comme vous, je suis tout
simplement indigné par ce qui s’est passé.
M. Claude Goasguen. Pas comme nous ! Cela n’a rien
à voir avec nous !
M. Jean-Marc
Ayrault, Premier
ministre. Vous me
dites que j’ai eu un doute et que je me suis posé des questions. Qui ne s’est
pas posé des questions lorsque le site Mediapart a publié des articles
indiquant que M. Cahuzac disposait ou avait disposé d’un compte en Suisse
puis à Singapour ?
M. Claude Goasguen. Vous êtes le Premier ministre, tout
de même !
M. Jean-Marc
Ayrault, Premier
ministre. Une
question a été posée à l’Assemblée nationale et vous venez d’y faire allusion,
monsieur le président Accoyer. Je vous rappelle la réponse : « Je
n’ai pas et je n’ai jamais eu un compte à l’étranger. »
M. Guy Geoffroy. Cela se vérifie, tout de
même !
M. Jean-Marc
Ayrault, Premier
ministre. Cette
question, posée par je ne sais plus quel
membre de votre groupe, était parfaitement légitime. Vous étiez en droit de la
poser à partir du moment où un ministre, qui plus est le ministre du budget,
était mis en cause. Vous avez obtenu cette réponse solennelle, dans ce lieu
solennel qui nous honore tous, chacune et chacun d’entre nous, puisqu’ici nous
représentons les citoyens, le peuple français.
Ensuite, une
fois que vous avez eu cette réponse, avez-vous posé d’autres questions au cours
des séances suivantes ?
M. Michel Herbillon. Et vous ?
M. Jean-Marc
Ayrault, Premier
ministre. Vous n’en
avez pas posé (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pourquoi
n’en avez-vous pas posé ? (Mêmes mouvements.)
M. le
président. S’il vous
plaît, calmez-vous et écoutez la réponse.
M. Jean-Marc
Ayrault, Premier
ministre. Parce que,
comme nous, vous étiez attachés à la présomption d’innocence. Mais, au mois de
janvier, comme les articles persévéraient et mettaient en cause Jérôme Cahuzac,
le procureur de Paris a décidé d’ouvrir une enquête préliminaire. (Nouvelles
exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Cette
enquête préliminaire, ouverte le 8 janvier, a été menée à son terme. Et en
aucun cas le Gouvernement, le pouvoir exécutif, n’est intervenu pour entraver
en quoi que ce soit la marche de la justice. (Applaudissements sur les bancs
des groupes SRC et RRDP.)
Oui, j’avais
un doute, comme d’autres, mais j’avais confiance dans la justice. Et je
considère que le procureur qui a pris cette décision l’a prise sans entraves,
sans pression. Il n’y a pas eu davantage de pression sur la presse. On a changé
là avec certaines pratiques antérieures (Applaudissements sur les bancs du
groupe SRC – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. le
président. Mes chers
collègues, s’il vous plaît.
M. Jean-Marc
Ayrault, Premier
ministre. Monsieur le
président Accoyer…
M. Philippe Cochet. Scandaleux ! Honte à
vous !
M. le
président. Monsieur
Cochet, votre groupe a d’autres questions à poser au cours de cette séance, et
vous aurez la possibilité de reprendre la parole.
M. Jean-Marc
Ayrault, Premier
ministre.… vous avez,
je crois, le sens de l’État. Vous avez été président de cette institution,
l’Assemblée nationale.
Le procureur
de la République a perquisitionné, entendu et expertisé l’enregistrement pour
vérifier s’il y avait le moindre doute sur le fait qu’il s’agissait de la voix
de Jérôme Cahuzac. Lorsqu’il a eu l’intime conviction qu’un problème grave se
posait, il a décidé en toute indépendance l’ouverture d’une information
judiciaire contre X.
Même si
cette information n’était pas dirigée directement contre Jérôme Cahuzac, le
Président de la République et moi-même avons demandé à ce ministre de
démissionner dans l’instant. Ce qui a été fait. (Applaudissements sur les
bancs du groupe SRC.)
M. Alain Marty. C’est lamentable !
M. Jean-Marc
Ayrault, Premier
ministre. Oui,
mesdames et messieurs les députés, la République exemplaire (Exclamations et
rires sur les bancs du groupe UMP) est notre combat et il ne fait que
commencer. Il va se poursuivre.
« Pourquoi
n’êtes-vous pas intervenus ? » demandez-vous, monsieur Accoyer. Ce
n’est pas notre conception d’avoir une police parallèle, des officines, des
écoutes illicites (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur
plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.) Notre conception, c’est le
respect de l’État de droit, de l’indépendance de la presse, de la justice.
Maintenant, Jérôme Cahuzac est non seulement face à sa conscience, mais aussi
face à la justice, qui décidera de son sort.
En tout cas,
je vous demande, monsieur Accoyer, de soutenir le Gouvernement et la majorité (Exclamations
sur les bancs du groupe UMP) pour que s’installe dans le pays davantage de
confiance, en votant pour la réforme constitutionnelle concernant le Conseil
supérieur de la magistrature, visant à rendre la justice encore plus
d’indépendante. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste,
GDR et RRDP – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous pourrez
ainsi arrêter de critiquer les juges quand ils prennent des décisions qui ne
vous plaisent pas.
M. Claude Goasguen. C’est vous les responsables !
M. Jean-Marc
Ayrault, Premier
ministre. La justice
est indépendante ; elle doit le rester ; elle doit l’être davantage.
C’est à cela que j’appelle la représentation nationale. (Mmes et
MM. députés des groupes SRC, écologiste et RRDP se lèvent et applaudissent
– Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs
députés du groupe UMP. Quelle honte !
M. le
président. Si vous
voulez bien vous rasseoir, mes chers collègues.
La parole
est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et
citoyen ; je vous prie de l’écouter en silence.
M. Bruno Le Roux. Monsieur le Premier ministre, la
parole publique a été entachée par l’un des nôtres. Nous ne pouvons en
minimiser ni le sens, ni la portée.
M. Guy Teissier. Ça, c’est vrai !
M. Bruno Le Roux. Nous savons que cet épisode peut
encore éloigner nos concitoyens de la politique.
Jérôme
Cahuzac a commis une faute grave, une faute inexcusable, il devra en répondre.
La justice et la presse ont pu faire leur travail en toute liberté. Nous avons
voulu, vous avez voulu cette vérité. Cette approche honore notre majorité. (Rires
et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Un ministre
peut et doit être un citoyen comme un autre. Rien n’autorise à ce qu’il soit
protégé. Quel changement avec les pratiques d’avant ! (Applaudissements
sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs
des groupes UMP et UDI.)
Renforcer
l’indépendance de la justice, conforter l’indépendance de la presse, lutter
contre les conflits d’intérêts, promouvoir l’exemplarité : les premières
annonces du Président de la République sont à cet égard à la hauteur de
l’enjeu. (Brouhaha sur les bancs du groupe UMP.) Nous devons aussi avertir
ceux qui comptent prospérer sur la faute d’un homme qu’il n’y a rien à
construire sur un discrédit qui menace de balayer ce qui fonde notre
démocratie.
Monsieur le
Premier ministre, la faute d’un homme ne peut devenir la faute de tous. Nous ne
devons pas oublier notre responsabilité collective, cette responsabilité que
nous exerçons au nom du peuple français. Cette responsabilité, c’est notre
devoir de redresser le pays. Mais cette responsabilité, c’est aussi de faire
vivre la République. C’est notre talisman. C’est ce vecteur qui va permettre à
notre pays de redresser la tête et de s’élever à nouveau.
La
République, monsieur le Premier ministre, c’est ce qui fonde le projet
français. Le Président de la République a annoncé ce matin un certain nombre de
projets de loi. Nous avons aujourd’hui comme vecteur la lutte contre le
déclassement de notre pays, qui était trop souvent l’horizon des Français ces
derniers mois. Je vous demande de confirmer ici l’ambition que vous avez pour
notre pays et la façon dont vous entendez porter ce projet. (Applaudissements
sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et
RRDP.)
M. le
président. La parole
est à M. le Premier ministre (Brouhaha persistant.) Mes chers
collègues, nous avons tous intérêt à ce que la séance se déroule dans le calme.
M. Jean-François Lamour. Alors, il ne faut pas raconter
n’importe quoi !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mesdames, messieurs les députés, en
revoyant les images passant en boucle à la télévision – moi comme vous tous,
les députés de la droite, du centre, de la gauche, les écologistes, les
radicaux, les communistes, conscients de ce que nous représentons ici et de la
confiance qui nous a été accordée,…
M. Charles de La Verpillière. Excusez-vous !
M. Jean-Marc
Ayrault, Premier
ministre. …en
revoyant, donc, passer en boucle ces images d’un ministre…
M. Gérald Darmanin. Le vôtre !
M. Jean-Marc
Ayrault, Premier
ministre. …qui disait
devant la représentation nationale le contraire de la vérité, maintenant que la
vérité a éclaté, et que nous avons constaté que M. Cahuzac avait menti au
Président de la République, au Premier ministre, aux membres du Gouvernement, à
tous les parlementaires mais aussi au peuple français, notre indignation est
totale ! Notre indignation, mais aussi notre colère ! (Exclamations
sur les bancs du groupe UMP.) C’est pourquoi j’affirme ici que, quelles que
soient les décisions de la justice, M. Cahuzac n’est pas digne, en toutes
circonstances, d’exercer de nouvelles responsabilités politiques. (Applaudissements
sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.)
La
République exemplaire est en marche. Elle ne s’arrêtera pas, parce qu’elle est
nécessaire à la confiance de nos concitoyens – et, je l’ai dit ici le
22 janvier, quoi qu’il en coûte. C’est pourquoi, mesdames et messieurs les
députés, vous allez être saisis de plusieurs projets de loi.
Le premier,
c’est la réforme constitutionnelle. Je vous invite vraiment à le méditer. (« Oh ! »
sur les bancs du groupe UMP.) Je sais que le groupe UMP s’est opposé à
cette réforme qui inscrirait l’indépendance de la justice dans la loi
fondamentale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais, mesdames
et messieurs les députés de la droite, je vous demande d’y réfléchir en
conscience, après ce qui s’est passé, et de ne pas vous écarter de vos
responsabilités. (Mêmes mouvements.)
Le deuxième
projet est relatif aux relations entre le parquet et la chancellerie. Il
inscrit dans la loi les principes que nous appliquons depuis l’entrée en
fonctions du Gouvernement : pas d’instructions individuelles, laisser la
justice faire son travail, laisser la presse agir en toute indépendance. Nous
allons même renforcer la protection des sources.
Enfin, le
troisième projet de loi est bien celui d’une République exemplaire. (« Ah
oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) C’est celui que prépare le
Gouvernement, comme je l’ai annoncé le 22 janvier, concernant la
prévention et la répression des conflits d’intérêts (Exclamations sur les
bancs du groupe UMP), c’est-à-dire des conflits entre les intérêts privés
et les intérêts publics, qui doivent faire l’objet des sanctions les plus
sévères.
Le Président
de la République a indiqué au Conseil des ministres, et c’est pourquoi je vous
invite à vous préparer à voter ce texte, que toute personne qui serait
condamnée pour fraude fiscale ou corruption, et en particulier les responsables
publics, ne pourrait plus exercer de mandat public. C’est la base de la
confiance. Et la protection de la presse sera renforcée.
Mesdames et
messieurs les députés, la République exemplaire (Exclamations sur les bancs
du groupe UMP)…
M. Philippe Meunier. Ce n’est pas la vôtre !
M. Jean-Marc
Ayrault, Premier
ministre. …c’est
l’exercice de sa propre responsabilité, de la responsabilité individuelle.
Chacun est responsable de ses actes. La République exemplaire nécessite non
seulement des lois, non seulement des droits et des devoirs, mais une vertu et
une morale personnelles ; et ceux qui en ont manqué ont manqué à la
République.
C’est cela
que nous voulons changer. C’est un nouvel état d’esprit, une nouvelle
République que nous voulons : la République moderne, la République de la
confiance, la République du respect, la République de l’exemplarité. (Applaudissements
sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
M. le
président. La parole
est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Union des démocrates et
indépendants.
M. Jean-Christophe Lagarde. Vous avez dit tout à l’heure,
monsieur le Premier ministre, vouloir d’autres questions. En voici, et j’espère
que vous les honorerez d’une réponse et ne les esquiverez pas, comme c’est trop
souvent le cas.
Si
M. Cahuzac, dites-vous, est face à sa conscience, vous devez désormais
faire face à la vérité. Ce scandale a créé un climat délétère dans notre pays.
Et la responsabilité des parlementaires que nous sommes est de sortir de ce
climat pour restaurer la confiance des Français dans la parole publique.
La confiance
ne peut naître que de la transparence. C’est la raison pour laquelle le groupe
UDI demande la création d’une commission d’enquête parlementaire (Applaudissements
sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP) à
laquelle nous souhaitons que tous les groupes participent avec la même
détermination que nous. Il est essentiel que nos concitoyens puissent savoir
comment une telle affaire a pu se produire et se développer, qui en avait
connaissance et depuis quand, et enfin quelles règles nouvelles doivent
désormais s’imposer pour éviter d’aussi sombres événements.
Depuis hier,
monsieur le Premier ministre, les questions se multiplient. Je vous en adresse
quelques-unes, très précises.
Vous avez
affirmé que votre ancien ministre du budget vous avait menti, ainsi qu’au chef
de l’État, mais que vous aviez des doutes. Vous êtes-vous contenté de ses
affirmations ? Et si non, à quelles vérifications avez-vous procédé et par
quels moyens ?
Par
ailleurs, votre ministre de l’économie a déclaré ce matin sur RTL avoir fait
une demande d’assistance à la Suisse en vertu de notre convention d’entraide
fiscale. Avez-vous eu connaissance de ces courriers, et êtes-vous prêt à rendre
publiques dans leur intégralité la lettre de votre ministre et la réponse des
autorités suisses ?
M. Yves Jégo. Très bien !
M. Jean-Christophe Lagarde. Enfin, l’ancien bâtonnier du
Lot-et-Garonne a affirmé ce matin avoir contacté dès le 15 décembre
dernier un proche collaborateur du Président de la République pour confirmer
l’authenticité de l’enregistrement que Mediapart avait rendu public. (« Eh
oui ! » sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Le collaborateur
du Président ou le Président lui-même ont-ils saisi le procureur de la
République afin de lui livrer ces informations, comme l’article 40 du code
de procédure pénal leur en fait l’obligation ?
Merci,
monsieur le Premier ministre, de répondre vous-même et de ne pas esquiver cette
question. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
M. le
président. La parole
est à M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. (Vives
exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Mes chers
collègues, vous connaissez la règle, c’est le Gouvernement qui décide quel
ministre répond.
M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des
finances. Monsieur le
député, vous avez posé plusieurs questions qui concernent directement l’action
du ministre de l’économie et des finances que je suis,…
M. Jean-Christophe Lagarde. Pas seulement !
M. Pierre
Moscovici, ministre. …auprès duquel Jérôme Cahuzac a
travaillé pendant près de dix mois. Je lui avais accordé ma confiance, qui a
été trahie. Cette confiance est un principe de fonctionnement dans une
collectivité humaine, elle doit être respectée.
M. Michel Herbillon. Qu’avez-vous fait ?
M. Pierre
Moscovici, ministre. Vous m’avez demandé quelles
diligences ont été faites. Je ne peux pas répondre sur tous les aspects, mais
je vais vous le dire.
À partir du
moment – c’était le 8 janvier – où a été ouverte une enquête
préliminaire,…
M. Michel Herbillon. Et avant ?
M. Pierre
Moscovici, ministre. …il était important que l’on puisse
savoir quelle était la position de Jérôme Cahuzac au regard d’un compte qu’il
était accusé de détenir à l’UBS en 2010.
Dès lors
qu’il n’a pas pu lui-même – a-t-il posé les bonnes questions ? – avoir
accès aux informations de l’UBS, il a été demandé par la direction générale des
finances publiques, en vertu d’une convention d’entraide administrative, quelle
était sa situation, ou celle d’autres ayants droit. Cette demande a été faite
le 24 janvier. Le 31 janvier, la réponse est arrivée.
M. Jean-Christophe Lagarde. Rendez-la publique !
M. Pierre
Moscovici, ministre. C’était une réponse négative, qui a
été transmise au directeur général des finances publiques et, immédiatement –
j’y insiste, immédiatement –, car nous voulions aider à la manifestation de la
vérité, à la police judiciaire, comme avait été transmise l’intégralité du
dossier fiscal de Jérôme Cahuzac.
Vous
m’interrogez sur ces documents.
M. Jean-Christophe Lagarde
et M. Philippe Vigier.
Rendez-les publics !
M. Pierre
Moscovici, ministre. Ils sont évidemment à la
disposition de toutes les autorités légitimes qui les demanderont. Ils sont
déjà en possession de la justice, des autorités judiciaires. Si les présidents
des commissions des finances ou les rapporteurs généraux de ces commissions
m’en font la demande, ils auront évidemment accès à ces documents,…
M. Jean-Christophe Lagarde. Parce que nous, on n’a pas le droit
de savoir ?
M. Pierre
Moscovici, ministre. …qui établiront de façon très
claire que mon administration a été diligente, qu’elle a été efficace, qu’elle
a été volontaire et qu’elle a travaillé au service de la vérité et de rien
d’autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Yves Fromion. C’est faux ! Complètement
faux !
M. le
président. La parole
est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.
M. François de Rugy. Monsieur le Premier ministre, les
Français sont en colère, et leur colère est légitime. L’affront dont l’ancien
ministre du budget s’est rendu coupable envers la République est, certes, un
comportement individuel. La presse a joué son rôle en toute indépendance, la
justice aussi. Mais, au-delà d’une affaire personnelle, il y a un climat de
soupçon, et cela ne date pas d’aujourd’hui. Ce climat est lourd et malsain.
Il n’y a pas
de fatalité à cette suspicion. La République exemplaire reste à construire.
C’est la responsabilité de notre majorité de le faire après des années de
dérives ou de mansuétude. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Pour réussir
ce sursaut républicain, des solutions existent. Ici même, il y a un an et demi,
j’ai défendu, au nom des députés écologistes, une proposition de loi pour la
transparence et la lutte contre les conflits d’intérêts. Ce texte reprenait les
préconisations d’une commission présidée par le vice-président du Conseil
d’État et le premier président de la Cour des comptes. Il a été voté par tous
les groupes de gauche et rejeté par l’UMP, alors majoritaire. Sur ces
obligations de transparence comme sur le cumul des mandats, qui multiplie les
risques de conflits d’intérêts, il faut passer à l’action.
Il en va de
même pour l’indépendance de la justice. Le Gouvernement a présenté un projet de
réforme de la Constitution.
Au-delà de
nos sensibilités politiques, c’est la responsabilité de tous les républicains
de sortir des postures de blocage actuelles, et je m’adresse à vous, mesdames
et messieurs de l’opposition.
M. Claude Goasguen. Ben voyons !
M. François de Rugy. Enfin, le Gouvernement doit
réaffirmer sa détermination à lutter avec des moyens nouveaux contre la fraude
fiscale et l’évasion fiscale.
Il faut
maintenant mettre en œuvre les réformes nécessaires à la restauration de la
confiance démocratique. (Applaudissements sur les bancs des groupes
écologiste et RRDP.)
M. le
président. La parole
est à Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la
justice. Monsieur le
député, les actes que vous dénoncez sont effectivement graves. Ils sont
extrêmement difficiles à supporter pour tous les républicains de ce pays. Ils
sont l’œuvre et la responsabilité individuelle d’un ministre qui avait signé
une charte de déontologie, exigence formulée par le Président de la République
et le Premier ministre.
Ce matin, le
Président de la République nous rappelait que l’exigence de probité est
toujours plus élevée envers la gauche (Exclamations sur les bancs du groupe
UMP)…
M. Hervé Mariton. Qu’est-ce que ça veut dire ?
Mme Christiane
Taubira, garde des
sceaux. …et que
nous ne devons pas nous en plaindre. Au contraire, nous devons porter cette
marque d’identité comme un étendard, et c’est bien ce que nous faisons. (Mêmes
mouvements.) Cette affaire illustre tout de même le respect des engagements
du Président de la République, à savoir pas d’instructions d’individuelles,
c’est-à-dire pas d’ingérence, pas d’intrusion et pas de délocalisation. (Applaudissements
sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations prolongées sur les bancs du
groupe UMP.)
Depuis dix
mois, nous avons instauré la transparence en ce qui concerne toutes les
nominations de magistrats. En effet, depuis le mois de juillet dernier, même
les nominations des procureurs généraux et des inspecteurs généraux sont
soumises à publication et observations. Un projet de loi a été présenté la
semaine dernière en conseil des ministres, qui instaure des relations entre les
attributions du garde des sceaux, chargé de la politique pénale sur l’ensemble
du territoire, et les parquets généraux. Quant au projet de loi
constitutionnelle qui réformera la justice et surtout consolidera son indépendance,
il sera soumis au Parlement. Nous avons des institutions républicaines solides.
M. Jean-François Lamour. Gardez vos leçons pour vous !
Mme Christiane
Taubira, garde des
sceaux. Il y a
d’autres affaires qui gênent l’ensemble des républicains de ce pays (Vives
exclamations sur les bancs du groupe UMP), y compris des affaires qui
concernent des membres de votre force politique.(Exclamations ininterrompues
sur les bancs du groupe UMP.) Nous sommes attachés à la consolidation de
nos institutions républicaines, et nous allons continuer. (Applaudissements
sur les bancs du groupe SRC.)
M. Serge Grouard. On en a ras-le-bol !
M. le
président. La parole
est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l’Union pour un mouvement
populaire.
M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, nous
vous avons entendu, et nous avons entendu le Président de la République sur
l’affaire Cahuzac. Vous cherchez l’un et l’autre à faire diversion. Vous n’êtes
plus ni l’un ni l’autre en situation de faire la morale à qui que ce soit. (Applaudissements
sur les bancs du groupe UMP.) On ne peut pas se contenter d’un lapidaire
« je ne savais pas ». Vous êtes aux responsabilités, vous ne pouvez
pas vous dérober. Il y va du lien de confiance entre les Français et l’État.
Nous avons
entendu ce matin Pierre Moscovici tenter de justifier son action. Il n’a pas
été clair lorsqu’il évoquait le document reçu des autorités suisses. Je cite
les propos qu’il a tenus sur une antenne de radio : « c’est un
document qui se trouve dans un seul coffre, celui du directeur général des
finances publiques, que je n’ai pas eu, dont j’ai la copie, que personne
d’autre n’a eu ». Comprenne qui pourra !
Votre
devoir, monsieur le Premier ministre, c’est de répondre à deux questions très
simples.
Oui ou non,
l’administration fiscale a-t-elle été instrumentalisée pour entraver la justice
et pour étouffer cette affaire ?
M. Guy Geoffroy. Oui, absolument !
M. Yves Censi et M. Claude Goasguen.
Très bonne question !
M. Christian Jacob. Oui ou non, Pierre Moscovici,
ministre de tutelle de Jérôme Cahuzac a-t-il voulu le blanchir en utilisant les
prérogatives qui sont les siennes dans le cadre de ses fonctions ?
M. Claude Goasguen. Très bien !
M. Christian Jacob. Merci de répondre avec précision à
ces questions, monsieur le Premier ministre. Les Français vous écoutent.
M. le
président. La parole
est à M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. (Exclamations
sur les bancs du groupe UMP.) Mes chers collègues, je vous en prie, ce
ministre est bien placé pour vous répondre !
Mme Catherine Vautrin. Précisément !
Plusieurs
députés du groupe UMP. Conflit d’intérêts !
M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des
finances. Monsieur le
président Jacob, je vous remercie de votre question, qui me permettra, si
vous le souhaitez, d’être plus précis. Je répondrai en trois temps.
Premièrement,
aussitôt que des accusations sont parues dans Mediapart, nous avons établi ce
qu’on appelle une « muraille de Chine »,…
M. Jean-François Lamour. Une ligne Maginot !
M. Pierre
Moscovici, ministre. …c’est-à-dire que Jérôme Cahuzac a
été totalement mis à l’écart, « déporté », comme on dit, pour les
questions qui pouvaient poser des problèmes de conflit d’intérêts. Cela a été
l’objet d’une lettre de sa part au directeur général des finances publiques.
Deuxièmement,
et je tiens à le dire, mon administration a été diligente. Toutes les
diligences fiscales ont été faites pour s’assurer de la situation de Jérôme
Cahuzac, comme, d’ailleurs, de celle de l’ensemble des membres du Gouvernement.
M. Yves Fromion. Quel succès !
M. le
président. Je vous en
prie, monsieur Fromion !
M. Yves Fromion. Mais enfin, de qui se
moque-t-on ?
M. Pierre
Moscovici, ministre. C’était absolument naturel.
J’ajoute que tout le dossier fiscal a été transmis à la police judiciaire, non
pas son dossier sur un an ou sur deux ans mais sur vingt ans. Encore une fois,
nous sommes au service de la vérité.
Troisième
chose, en ce qui concerne la convention d’entraide administrative signée en
2009, j’ai demandé, ou plutôt le directeur général des finances publiques a
demandé à savoir si Jérôme Cahuzac ou un ayant droit avait bénéficié d’un
compte à l’UBS, puisque c’était de cela qu’il s’agissait, entre 2009
et 2013. Il demandait que l’on remonte le plus loin possible, c’est-à-dire
jusqu’en 2006, date de prescription – vous aussi, j’en suis sûr, vous êtes respectueux
du droit.
M. Claude Goasguen. Le blanchiment n’était pas
prescrit !
M. Pierre
Moscovici, ministre. La réponse m’est parvenue, ou
plutôt elle est parvenue au directeur général des finances publiques, qui,
seul, l’a eue en sa possession. Il m’a informé qu’elle était négative et l’a
transmise le lendemain matin à la police judiciaire.
Alors, si
vous cherchez à tout prix une mise en cause, vous frappez vraiment à la
mauvaise porte, car nous n’avons pas cherché à blanchir, à couvrir, à excuser
quoi que ce soit, à innocenter qui que ce soit. Au contraire, mon
administration et moi-même avons constamment été au service de la vérité, de
toute la vérité. C’est cela que nous avons fait, et j’en suis fier. (Applaudissements
sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Fin de l’extrait/
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ndlr : nous avons relevé "question d'ambiance" que la séance a été émaillée de différentes exclamations, il a été question de ligne maginot, de muraille de chine, ..., et d'autres encore qui nous laissent penser que des réponses attendues se retranchaient derrière une ligne de défense dont la transparence laissait à désirer.