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25 novembre 2010

Assemblée Nationale : Séance du 24 Novembre 2010 concernant le Programme du Gouvernement

Séance de l’Assemblée Nationale du 24 novembre 2010 au cours de laquelle le Premier Ministre a présenté le programme du Gouvernement

……… :

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Déclaration de politique générale
du Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle la déclaration de politique générale du Gouvernement faite en application de l’article 49, alinéa premier, de la Constitution, le débat et le vote sur cette déclaration.

La parole est à M. le Premier ministre. (Mmes et MM. les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent longuement. – Mouvements divers sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, depuis mai 2007, j’ai l’honneur de servir notre pays sous l’autorité du Président de la République, en m’appuyant sur une majorité à laquelle je veux cet après-midi rendre hommage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) À l’approche d’échéances électorales importantes, tout pouvoir est tenté par la prudence et par le jeu des apparences. Le Président de la République s’y est refusé, la persévérance politique étant à ses yeux le choix le plus conforme à l’intérêt national. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

Il m’a chargé de diriger le nouveau gouvernement. C’est un gouvernement d’action, qui a un double mandat : le premier, c’est de mettre en œuvre l’engagement de 2007 de bâtir une France moderne ; le second, nous ne l’avons pas recherché, mais c’est celui que nous avons reçu de l’histoire : gérer la pire crise économique depuis la grande dépression de 1930.

Cette question de confiance s’inscrit au cœur de ce double mandat. Il ne s’agit pas d’improviser un chemin insolite, il ne s’agit pas non plus de vous détailler l’agenda des dix-huit mois ; il s’agit de tenir ensemble un cap. « On ne va pas au vrai par une route oblique », écrivait Victor Hugo. Ma question est donc directe : voulons-nous encore et toujours moderniser la société française ? (« Oui ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Les pièges de la crise, le brouhaha des oppositions, les caprices des sondages étoufferont-ils notre volonté réformatrice ou seront-ils, au contraire, les sources d’une détermination renforcée ?

Certains voudraient nous voir temporiser, rompre et nous renier. Renier ce que nous avons fait ? J’assume notre bilan parce que ceux qui esquivent leurs responsabilités ne méritent pas d’être aux responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.) Et d’ailleurs, de quoi pourrions-nous rougir ?

M. Christian Paul. Faites la liste !

M. François Fillon, Premier ministre. D’avoir réformé les universités ?

M. Christian Paul. Bien mal !

M. François Fillon, Premier ministre. D’avoir réformé les retraites ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) D’avoir rééquilibré nos institutions ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) D’avoir instauré le service minimum ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) D’avoir stoppé la spirale de la délinquance ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) D’avoir réussi le Grenelle de l’environnement ? D’avoir affronté avec succès la pire chaîne d’avanies qu’un système capitaliste puisse produire ?

Faudrait-il maintenant marquer le pas…

M. Jean Glavany. Et la CADES, monsieur le Premier ministre ?

M. François Fillon, Premier ministre. …pour nous faire pardonner d’avoir agi malgré les protestations ? (« Non ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Mesdames, messieurs les députés, ce serait à coup sûr susciter le mépris de nos concitoyens. Quand on sert l’intérêt général, on ne s’excuse pas pour son courage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Quand on sert l’intérêt général, l’impopularité d’un jour peut devenir l’estime du lendemain ! (Mêmes mouvements.)

Rompre avec le mouvement ? Il ne peut en être question parce que notre indécision serait une revanche de la peur, cette peur du changement qui nous a longtemps conduits à célébrer la théorie du « ni-ni » et à louer celle du « temps laissé au temps » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Henri Emmanuelli. Rigolo !

M. François Fillon, Premier ministre. Cette peur dont nous avons réussi à délivrer le pays – et avec l’appui des Français eux-mêmes, qui, bien souvent, ont accompagné ces évolutions avec lucidité.

Alors oui, contre vents et marées, dans le calme et la tempête, contre les conservatismes et pour vaincre les peurs, l’élan de la réforme est intact ! Parce que l’économie mondiale doit être mieux régulée, parce que notre économie doit être plus compétitive, l’emploi soutenu, nos déficits réduits, (« Ah oui ! » sur les bancs du groupe SRC) parce que nous avons le devoir d’assurer le bien être de nos aînés en finançant le coût de la dépendance, je vous le dis : nous allons continuer à réformer ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Le progrès est une longue marche qui exige ténacité et vérité.

M. Maxime Gremetz. C’est du Mao ! (Sourires sur les bancs du groupe GDR.)

M. François Fillon, Premier ministre. Nous nous battons avec les réalités d’un monde nouveau, traumatisé par une récession brutale. Avec vous, nous avons maîtrisé ce choc. Ensemble, nous en avons cantonné l’impact pour les Français en réussissant à limiter la récession à 2,6 % contre 4 % en Europe et à tenir le chômage en dessous du seuil de 10 %…

M. Pierre Gosnat. Et les huit millions de précaires ?

M. François Fillon, Premier ministre. Ensemble, nous avons enrayé la dynamique mortelle en Europe en sauvant le système financier, puis la Grèce, puis aujourd’hui l’Irlande.

M. Jean-Michel Villaumé. Attendez la suite !

M. François Fillon, Premier ministre. Mais la crise n’est pas finie. Elle continue de muter. L’Europe est menacée de stagnation et la crise du surendettement n’est pas encore jugulée.

Mais surtout, la crise a accéléré le basculement du centre du monde vers l’Asie, et toute la hiérarchie des rapports de force issue du XIXe siècle est en train de se redessiner. La Chine est devenue en 2010 la deuxième puissance économique mondiale, dépassant le Japon. Elle est devenue le premier exportateur mondial et a ravi aux États-Unis la place de premier exportateur de produits de haute technologie. Avec quatre-vingt-quatre millions de diplômés de l’université, l’usine du monde s’apprête à devenir le laboratoire du monde. Il nous faudra sans doute attendre plusieurs décennies pour que le développement intérieur du pays crée les conditions d’une concurrence plus équilibrée. L’Inde, le Brésil avancent, eux aussi, à marche forcée. Voilà des continents entiers qui se dressent et qui nous défient.

M. Pierre Gosnat. Parce qu’on leur transmet nos technologies !

M. François Fillon, Premier ministre. Déjà, les États-Unis en souffrent. Comment alors ne serions-nous pas fouettés, nous aussi, par le vent de l’Histoire ?

Dans ce contexte, notre but, c’est la maîtrise de notre souveraineté,…

M. Jean-Paul Lecoq. Dans l’OTAN ?

M. François Fillon, Premier ministre. …c’est la maîtrise de notre liberté : la liberté d’être nous-mêmes, la liberté d’agir par nous-mêmes en suivant nos valeurs, la liberté face à une compétition qui dépossède de leur destin les pays insouciants.

Ni indulgence, ni relâchement, ni immobilisme : la réforme reste indispensable. Avec une dette…

M. Jean Glavany. Qui a explosé !

M. François Fillon, Premier ministre. …de 1 600 milliards d’euros, la France ne dispose pas de trésor caché pour se dispenser de ces efforts.

M. Jean-Paul Lecoq. Qui a vidé les coffres ?

M. François Fillon, Premier ministre. Tous ceux qui multiplient les promesses sont condamnés à les renier. J’invite l’opposition à méditer l’avertissement de Charles Péguy : « Le triomphe de la démagogie est passager mais les ruines sont éternelles. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe NC.) Ceux qui sèment des illusions récolteront des désillusions. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. C’est à vous que ce message s’adresse !

M. François Fillon, Premier ministre. Maintenant, la bataille de la croissance est commencée. Je dis aux Français que la reprise est amorcée : notre taux de croissance en 2010 sera supérieur à 1,5 % et la cible de 2 % en 2011 est clairement à notre portée. Mais il faut encore accentuer notre compétitivité économique et scientifique. Il faut nous libérer des déficits pour maintenir les taux d’intérêt à un niveau aussi bas que possible afin de retrouver des marges de manœuvre. Il faut continuer de rénover notre héritage social et non pas faire de nos droits acquis le matelas de notre léthargie…

M. Maxime Gremetz. Bettencourt !

M. François Fillon, Premier ministre. C’est seulement ainsi que la solidarité et l’égalité des chances seront préservées.

M. Yves Nicolin. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. Il faut trouver avec notre principal partenaire européen, l’Allemagne, la force d’entraîner l’Europe…

M. Henri Plagnol. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. …et construire une gouvernance économique de la zone euro. Pour cela, notre crédibilité économique et financière doit être aussi solide que celle de nos voisins qui ont pris, eux, dix ans d’avance sur nous en termes de réformes.

M. Marcel Rogemont. Et cela fait dix ans que vous le dites…

M. François Fillon, Premier ministre. Il faut enfin repenser la gouvernance mondiale, renforcer la régulation financière, lutter contre la volatilité des matières premières et ordonner les distorsions monétaires : c’est la mission que le Président de la République s’est assigné en prenant la présidence du G20. Vaste ambition, diront les plus sceptiques. Mais ne disaient-ils pas déjà la même chose lorsque Nicolas Sarkozy réveilla le G20 en pleine tourmente financière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La France va se battre pour convaincre ses partenaires qu’un monde mieux équilibré et mieux régulé est nécessaire. Elle sera ainsi fidèle à son message universaliste.

C’est ce message que Michèle Alliot-Marie et Alain Juppé assumeront avec nous par la diplomatie, mais aussi par la force des armes lorsque cela sera nécessaire. En Afghanistan, nous poursuivrons notre stratégie de sécurisation, de reconstruction et de responsabilisation des autorités afghanes.

M. Henri Emmanuelli. C’est une erreur !

M. Pierre Gosnat. L’Afghanistan est un bourbier !

M. François Fillon, Premier ministre. La lutte contre la prolifération nucléaire nous conduira à maintenir la pression sur l’Iran. Le renouvellement de la stratégie de l’OTAN décidé au sommet de Lisbonne doit être l’occasion de poser – enfin ! – les fondations d’un système de sécurité collective…

M. Henri Emmanuelli. Une capitulation !

M. François Fillon, Premier ministre. …qui ira de l’Atlantique jusqu’à l’Oural. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean Glavany. Tiens, il reste quelques gaullistes dans l’hémicycle ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Fillon, Premier ministre. Le sort de nos otages nous mobilise inlassablement. Au terrorisme, nous opposons une vigilance permanente et la force de caractère de la République.

Tous ces objectifs, tous ces défis, exigent de la cohérence et du courage politiques. Depuis longtemps, je crois à la nécessité de la continuité pour adapter notre pays en profondeur, sans à coup, sans psychodrame. Je crois à la durée, je crois à la sérénité républicaine.

M. Jean Glavany et M. Christian Paul. Dites-le à Sarkozy !

M. François Fillon, Premier ministre. Les allers et retours fragilisent l’action publique ; ils nourrissent la suspicion des Français à l’égard de leurs représentants. Les zigzags éreintent la démocratie et fragilisent la démocratie sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Gosnat. C’est pour qui, ça ? Pour le Nouveau Centre ?

M. Christian Paul. C’est de l’humour !

M. François Fillon, Premier ministre. En tenant bon sur la réforme des retraites, nous avons réaffirmé l’autorité de l’État et la légitimité du Parlement. (Mêmes mouvements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ce faisant, nous avons clarifié les conditions d’un dialogue social responsable.

Après le temps des désaccords, le temps du dialogue pragmatique est revenu. La loi du 20 août 2008, relative à la rénovation du cadre de représentativité, a amorcé un changement du paysage syndical. Ce sera la clé d’un nouveau réformisme social (Exclamations sur les bancs du groupe GDR) que je suis prêt, avec Xavier Bertrand, à soutenir de toutes mes forces. Mais la prochaine étape devra être la révision des règles de la représentativité patronale.

M. Maxime Gremetz. Ah oui ! Enfin !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous aurons ainsi conforté la légitimité de l’ensemble des partenaires sociaux.

Notre première priorité, c’est la croissance au service de l’emploi. Quelles en sont les conditions ?

Tout d’abord, il faut renforcer la compétitivité. Nous avons un socle pour y parvenir. Avec Valérie Pécresse, nous avons donné aux universités le pouvoir de se battre à armes égales dans la bataille de l’intelligence ; avec Christine Lagarde, nous avons supprimé la taxe professionnelle et triplé le crédit d'impôt recherche ; avec Bruno Le Maire, nous avons protégé l’avenir de la politique agricole et posé les bases d’une politique de filières.

M. Maxime Gremetz. C’est la méthode Coué !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous avons restauré les conditions d’une politique industrielle que nous avions trop longtemps délaissée : le transport, l’aéronautique, la construction automobile, l’agroalimentaire, l’énergie nucléaire, voilà les atouts de la France sur lesquels nous allons miser. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Christian Paul. Grâce à Estrosi !

M. François Lamy. Et à Borloo !

M. François Fillon, Premier ministre. En décidant de consacrer 35 milliards d’euros aux investissements d’avenir, comme nous le proposait le rapport d’Alain Juppé et de Michel Rocard, nous allons renforcer ces secteurs stratégiques. Dans les tout prochains mois, plus d’une centaine de projets vont être sélectionnés. Quelque 19 milliards seront affectés à l’enseignement supérieur et à la recherche, 6,5 milliards aux filières industrielles et aux PME, 5 milliards au développement durable et 4,5 milliards à l’économie numérique.

D’un côté, des investissements massifs pour aller chercher la croissance sur les segments les plus porteurs de l’économie ; de l’autre, la rigueur budgétaire pour réduire nos déficits. C’est là tout l’équilibre de notre politique économique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Maxime Gremetz. Et le peuple a faim !

M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, nous ne devons pas nous payer de mots. Il n’y aura plus de dépenses publiques supplémentaires pour relancer la croissance. En revanche, nous avons le devoir d’offrir à nos entreprises des financements de long terme pour soutenir leur développement.

Nous devons orienter l’épargne sur l’investissement de long terme, notamment en actions, et sur les projets d’intérêt général.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. Plutôt que d’alimenter des bulles spéculatives, c’est là que l’ingénierie financière doit s’employer au soutien de l’économie réelle et de l’emploi.

M. Maxime Gremetz. Du CAC 40 !

M. François Fillon, Premier ministre. Au sein de l’Union européenne, la France proposera à cet effet la création d’un fonds européen de capital-risque en faveur des entreprises innovantes, ainsi qu’un fonds européen des brevets pour valoriser les résultats de la recherche.

M. Pierre Gosnat. Tout pour les banques et le capital !

M. François Fillon, Premier ministre. Le développement durable constitue, lui aussi, un instrument de notre croissance. Les engagements du Grenelle de l’environnement seront intégralement respectés. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pierre Gosnat. Paroles, paroles !

M. François Fillon, Premier ministre. L’écologie créatrice – et non pas l’écologie punitive (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC) – est une source d’emplois. C’est le vecteur des technologies de demain, c’est la marque d’une société qui sait valoriser ses ressources et ne gâche pas son patrimoine et, ce faisant, c’est un gage supplémentaire de l’attractivité de notre territoire.

C’est ce message que Nathalie Kosciusko-Morizet portera lors des négociations de Cancun.

M. Pierre Gosnat. C’est mal parti !

M. François Fillon, Premier ministre. Comment renforcer notre compétitivité sans parler de la fiscalité ?

M. Alain Néri. Supprimez le bouclier fiscal !

M. François Fillon, Premier ministre. Notre fiscalité est un chef-d’œuvre de complexité, au point d’en affecter l’efficacité et même l’équité. Notre taux de prélèvements obligatoires est le plus élevé ; il est de quatre points supérieur à la moyenne européenne. (Protestations sur les bancs du groupe SRC et GDR.)

La fiscalité directe sur les entreprises est en moyenne supérieure de cinq points à ce qu’elle est chez nos voisins européens. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe GDR.)

Au vu de ce constat, mon premier engagement c’est qu’il n’y aura pas de hausse d’impôt. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Ma seconde conviction, c’est que le statu quo est impossible. Nous avons déjà fait beaucoup avec le crédit impôt recherche et la réforme de la taxe professionnelle.

M. Pierre Gosnat. C’est une truanderie !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous allons continuer à agir, en nous en tenant à trois principes : la fiscalité doit servir notre compétitivité ; la fiscalité doit rechercher la justice ; la fiscalité doit être lisible et donc aussi simple que possible. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Avec le boulier fiscal, nous avons cherché…

M. Jean Glavany. Vous avez fait tout l’inverse !

M. François Fillon, Premier ministre. …à limiter les effets d’une fiscalité inadaptée, mais, il faut bien le dire, sans traiter le mal à la racine.

M. Roland Muzeau. Vous êtes responsables et coupables !

M. François Fillon, Premier ministre. Le Président de la République propose de s’y atteler à travers une refonte de la fiscalité du patrimoine.

Cette réforme doit se faire à produit constant…

M. Yves Nicolin. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. …et dans le respect d’un principe cardinal de notre fiscalité depuis 1789 : que chacun contribue à proportion de ses capacités, car l’impôt, pour être légitime, doit être juste. (« Bettencourt, Bettencourt ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous apporterons une réponse avant l’été 2011. Nous le ferons à partir d’une réflexion d’ensemble avec nos voisins allemands. Au demeurant, ce qui se passe actuellement dans la zone euro montre à quel point il y a urgence à rapprocher progressivement les fiscalités des pays qui partagent la même monnaie.

M. Pascal Clément. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. La Cour des comptes et l’Académie fédérale des finances allemande nous remettront un diagnostic comparé en janvier 2011. Ce sera la base d’un travail législatif mené sans a priori.

La gestion rigoureuse de la dépense publique, c’est la seconde condition de la croissance.

M. Patrick Lemasle. Vous êtes là depuis huit ans !

M. François Fillon, Premier ministre. Notre effort de redressement est tracé par notre programme de stabilité et par la loi de programmation des finances publiques, votée par le Parlement.

Alors que le déficit atteint 7,7 % du PIB en 2010, nous reviendrons à 6 % en 2011, à 4,6 % en 2012, à 3 % en 2013 et à 2 % en 2014. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Noël Mamère. On verra !

M. Patrick Lemasle. Ils ne seront plus là !

M. Christian Bataille. Ils auront été chassés !

M. François Fillon, Premier ministre. Cette trajectoire vertueuse exige une mobilisation sans faille de l’État, mais aussi des régimes sociaux et des collectivités territoriales. Dans ces conditions, la dette publique sera stabilisée à partir de 2012 et elle commencera à décroître ensuite.

M. Maxime Gremetz. Après les présidentielles !

M. François Fillon, Premier ministre. Pour ce qui concerne l’État, j’ai arrêté un budget pluriannuel 2011-2013 qui repose sur la stabilisation en euros courants des dépenses hors dette et hors pensions pour toute la période. Cette norme s’applique aussi aux transferts de l’État vers les collectivités territoriales, qui sont gelés en valeur.

S’agissant des effectifs, nous poursuivrons, avec François Baroin et Georges Tron, la politique de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, initiée au début du quinquennat. Chaque année, les effectifs de l’État diminuent ainsi de 30 000.

Mesdames et messieurs les députés, nous avons l’administration la plus importante d’Europe. Nous pensons que nous pouvons gagner, avec elle, en qualité et en productivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pascal Terrasse. C’est moins de policiers, de juges, d’enseignants !

M. François Fillon, Premier ministre. Au lendemain de l’ouverture du congrès des maires, je veux dire mon attachement à un dialogue constructif avec tous les élus.

La France des territoires, de métropole, d’outre-mer et des espaces ruraux façonne notre nation. Je mesure les efforts que le Gouvernement demande aux élus locaux de partager.

Je veux poursuivre avec eux un dialogue approfondi…

M. Maxime Gremetz. Il n’y en a pas !

M. François Fillon, Premier ministre. …dans le cadre de la conférence des exécutifs. Il n’y a pas d’un côté Paris et de l’autre les territoires. Il n’y a qu’une seule France qui vit à tous les niveaux l’exigence de l’effort et de l’efficacité au service des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Féron. Ce n’est pas vrai !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous souhaitons inscrire dans notre Constitution des principes garantissant la maîtrise des finances publiques. Le Gouvernement saisira donc prochainement les groupes politiques d’un document d’orientation, afin que nous regardions ensemble si un consensus peut être atteint sur cette question.

M. Patrick Lemasle. Vous avez déjà tout dit !

M. François Fillon, Premier ministre. Tous ces efforts sont concentrés autour d’un choix politique que nous assumons : celui de la vertu budgétaire…

M. Pierre-Alain Muet. Vous l’avez doublée, la dette !

M. François Fillon, Premier ministre. …au nom de notre indépendance, au nom des solidarités de demain, au nom des familles qui s’agrandissent, au nom de l’avenir que nous écrivons aujourd’hui.

On a beaucoup parlé de la jeunesse au cours des derniers mois, et de sa peur de l’avenir. Dissiper cette peur, c’est d’abord alléger le fardeau de la dette qui pèse au-dessus de chaque berceau.

M. Marcel Rogemont. Et les 130 milliards de la CADES ?

M. François Fillon, Premier ministre. C’est aussi, avec Luc Chatel et Frédéric Mitterrand, rappeler que la République ne baisse pas ses prétentions en matière d’éducation, de formation, de culture.

M. Pierre Gosnat. C’est une plaisanterie !

M. Alain Néri. Et les suppressions de postes ?

M. François Fillon, Premier ministre. La réforme du lycée, le soutien personnalisé, le socle commun, et le respect des enseignants sont pour nous au cœur de l’égalité des chances.

M. Christian Bataille. Et la formation des maîtres ?

M. François Fillon, Premier ministre. Dans un monde qui change à toute allure, il est vrai que la jeunesse peut se sentir désemparée, comme isolée au sein de sa génération.

M. Christian Bataille. Elle est abandonnée !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous lui disons que ce malaise n’est pas le résultat des changements que nous avons initiés mais de l’immobilisme au sein duquel nous avons trop longtemps baigné. (« Huit ans ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Néri. Vous sacrifiez la jeunesse !

M. François Fillon, Premier ministre. Pour dégager des perspectives nouvelles, nous avons fait le choix du mouvement. Nous avons choisi de concentrer les efforts de la nation autour de la recherche, du travail, de la rénovation sociale, de la reconnaissance des talents.

L’Histoire dira si nous avons réussi, mais qui pourrait aujourd’hui nous lancer la pierre en disant : « Ils n’ont rien fait » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ceux qui ont pris la responsabilité d’entraîner des lycéens dans la rue pour défendre la retraite à soixante ans (Huées sur les bancs du groupe UMP) se rendent-ils compte de l’image dépressive qu’ils inculquent à des jeunes qui ont le devoir de saisir pleinement la vie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Huguette Bello. Mais c’est vous qui les poussez à descendre dans la rue !

M. François Fillon, Premier ministre. Si la jeunesse est désenchantée, comme le prétendent les observateurs, à qui la faute (« À vous ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR), si ce n’est à nous, les adultes, qui depuis des décennies peignons la France sous les visages de l’échec, de la honte de nous-mêmes, du catastrophisme, alors que notre pays reste celui de tous les possibles pour peu que l’on croie aux valeurs de l’audace, de la curiosité, de l’engagement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Avec le Président de la République, nous n’opposons pas l’efficacité économique et la rigueur budgétaire à la cohésion sociale.

Dans la crise, tous nos dispositifs de solidarité ont été mis en action, et s’il est juste de dire que les Français ont serré leur budget…

M. Albert Facon. Ils se sont surtout serré la ceinture !

M. François Fillon, Premier ministre. …il est juste de dire aussi que nous les avons protégés du mieux possible.

Nos amortisseurs ont joué pleinement leur rôle ; la plupart de nos voisins n’ont pas eu le même privilège. Même au plus fort de la crise, le pouvoir d’achat a progressé : plus 1,6 % en 2009, plus 1,3 % en 2010.

Du côté des prix, avec la loi de modernisation de l’économie, nous avons divisé par trois les marges arrière. La hausse des prix dans la grande distribution a été ainsi conjurée. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Chacun sait que pour les familles, et notamment pour les classes moyennes, le logement constitue la première des dépenses. Depuis vingt ans la contraction du marché de l’immobilier a fait bondir les prix. Il faut donc continuer de construire, de développer l’offre, de renforcer la transparence de ce marché.

M. Alain Néri. Vous, vous démolissez !

M. François Fillon, Premier ministre. Avec 120 000 logements sociaux en 2009, jamais un Gouvernement n’a autant fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Jamais, jamais !

Jamais non plus, nous n’avons autant fait pour l’accession à la propriété qu’avec le prêt à taux zéro renforcé qui sera mis en place au 1er janvier.

M. Henri Emmanuelli. Et qui va payer ?

M. François Fillon, Premier ministre. Nous allons renforcer notre politique de la ville, repenser et resocialiser les quartiers difficiles avec l’appui du monde associatif, tisser les liens du Grand Paris, poursuivre nos efforts sur l’hébergement d’urgence et l’accès au logement. Maurice Leroy, Benoist Apparu, Philippe Richert ont pour mission de prolonger le plan de rénovation urbaine en ciblant les opérations les plus urgentes et en assumant des choix clairs, à l’opposé de la tentation du saupoudrage.

Comment aussi ne pas voir que nos réglementations pèsent par leur complexité même ? C’est particulièrement vrai en matière d’urbanisme. La sédimentation bureaucratique des textes et des procédures gagne si l’on n’y prend garde.

Reprenons ensemble les chantiers de la simplification du droit et des procédures. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Gosnat. Commencez par appliquer la loi SRU !

M. François Fillon, Premier ministre. Allégeons les impôts papier et les normes excessives !

Évaluons, revisitons notre droit pour que la loi soit mieux comprise, mieux appliquée et reflète toujours ce qu’elle doit être, c’est-à-dire l’expression de la volonté générale.

Mesdames et messieurs les députés, au cœur de la cohésion sociale, il y a l’emploi.

Pendant la crise, nous avons mis en place avec les partenaires sociaux des mesures exceptionnelles et massives. Cette politique a porté ses fruits. Notre économie recommence à créer des emplois depuis le début de l’année.

Nous devons aujourd’hui relancer nos politiques de l’emploi et progresser dans la voie de la flexisécurité. Il nous revient d’en fixer les objectifs, le calendrier et la méthode mais c’est aux partenaires sociaux d’en proposer et d’en définir les modalités et les outils.

Quels sont ces objectifs ?

D’abord, garantir une meilleure insertion professionnelle pour les jeunes. Nous ne pouvons accepter un taux de chômage des jeunes qui reste depuis si longtemps bloqué à un niveau aussi élevé. Leur parcours pour une insertion durable dans l’emploi doit être moins discontinu et plus rapide.

Parmi les solutions efficaces, nous savons tous qu’il y a l’apprentissage et l’alternance qui assurent une insertion dans l’emploi à plus de 70 %. Actuellement, 600 000 jeunes sont en alternance. Nous nous fixons pour objectif de doubler ce chiffre et, pour ce faire, nous voulons engager avec les régions un dialogue constructif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Albert Facon. Ah ! L’argent des régions !

M. François Fillon, Premier ministre. Il faut ensuite assurer une meilleure protection contre les ruptures des parcours, notamment en cas de licenciement collectif.

Avec le contrat de transition professionnelle, nous disposons d’un outil efficace de reconversion et d’accompagnement vers l’emploi.

Par une harmonisation entre la convention de reclassement personnalisé et ce contrat de transition professionnelle, nous voulons aller vers la généralisation de cet outil.

Enfin, le Gouvernement sera très vigilant sur la mise en œuvre des accords d’entreprise ou de branche ou des plans d’action en direction des seniors. Il est prêt à accompagner les initiatives que prendront les partenaires sociaux.

M. Alain Néri. Et les licenciements chez Renault ?

M. François Fillon, Premier ministre. Les partenaires sociaux ont d’ores et déjà indiqué leur intention d’ouvrir le chantier de l’emploi des jeunes et des seniors. Ils doivent également négocier une nouvelle convention d’assurance-chômage. Je leur fais confiance…

M. Alain Néri. Pas nous !

M. François Fillon, Premier ministre. …pour proposer de nouveaux outils : sur ces points, la balle est dans leur camp.

Début 2011, nous pourrons ensemble fixer le contenu de ce que sera l’agenda social des prochains mois.

Avec l’emploi, la sauvegarde et la modernisation de notre système de protection sociale s’imposent à nous.

Nous avons commencé avec la réforme des retraites. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Avec Xavier Bertrand et Roselyne Bachelot, nous allons poursuivre.

M. Maxime Gremetz. Il sort les poids lourds !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous ne devons pas laisser dériver les comptes de l’assurance maladie par démagogie. Notre responsabilité collective ne peut pas être esquivée.

Nous lancerons une concertation nationale sur la protection sociale qui associera tous les acteurs : les partenaires sociaux, les professionnels de santé, les mutuelles, les assurances, les collectivités territoriales et, au premier rang d’entre elles, les conseils généraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.- (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Alain Néri. Olé !

M. François Fillon, Premier ministre. Cette concertation devra examiner les voies et moyens de réguler les dépenses de santé, de fixer la part des régimes obligatoires et complémentaires et de diversifier les modes de financement.

Cette concertation nationale aura évidemment pour but immédiat de traiter de la question de la dépendance. Son coût est estimé à 22 milliards d’euros et il devrait atteindre les 30 milliards dans les prochaines années. Le nombre des plus de soixante-quinze ans devrait doubler au cours des prochaines décennies.

M. Pierre Gosnat. Et vous fermez les hôpitaux !

M. François Fillon, Premier ministre. Il s’agira, en premier lieu, de déterminer les besoins réels des personnes et d’examiner comment assurer le maintien à domicile des personnes âgées le plus longtemps possible.

Il faudra ensuite sérier les pistes de financement : assurance obligatoire ou facultative, collective ou individuelle ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C’est la concertation qui permettra de répondre à toutes ces questions, sans a priori ni préjugé.

La dépendance est un sujet majeur, incontournable. Il a fallu plusieurs années de débats et de rapports pour que la question des retraites arrive à maturité dans l’opinion. Avec le Président de la République, nous voulons préparer le défi de la dépendance avant que l’urgence ne s’abatte sur nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mesdames et messieurs les députés, la force de notre nation ne réside pas seulement dans la résolution de ceux qui la dirigent. Elle naît et s’épanouit dans le cœur de chacun. Inscrire sa destinée dans un destin commun, donner à son pays autant que l’on reçoit de lui, transmettre à nos enfants un peu plus que ce que nos parents nous ont légué, intégrer et assimiler les étrangers qui rejoignent la communauté nationale, c’est là l’esprit du pacte républicain.

M. Alain Néri. C’est mal parti !

M. François Fillon, Premier ministre. Ce pacte, nous savons tous qu’il est fragile, et partout où l’État démissionne, l’incivisme et le désordre gagnent. Notre volonté de rehausser les valeurs qui fondent la nation française reste intacte.

M. Alain Néri. Les valeurs en bourse !

M. François Fillon, Premier ministre. Notre volonté d’endiguer l’immigration clandestine ne faillira pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Notre volonté de combattre l’insécurité n’est pas de circonstance car ce n’est pas le combat d’un jour et ce ne peut pas être un combat politicien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Pourquoi réduisez-vous les moyens des policiers ?

M. François Fillon, Premier ministre. La réponse policière et pénale doit s’adapter à des phénomènes alliant criminalité organisée, délinquance urbaine, trafics d’armes et trafics de drogue.

M. Michel Delebarre. Et rétrocommissions !

M. François Fillon, Premier ministre. Contre ces fléaux, l’efficacité de notre lutte dépend des forces de l’ordre dont je veux saluer le travail. Elle dépend ensuite des élus de terrains, en particulier des maires qui sont en première ligne. Elle dépend aussi de la capacité de la chaîne pénale à rendre effectif le principe d’exemplarité des peines sans lequel la récidive est quasiment assurée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Le Président de la République a annoncé une série de mesures qui sont inscrites dans la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure portée par Brice Hortefeux.

De Grenoble à Marseille, la démonstration est faite qu’aucun relâchement, aucune complaisance ne sont possibles. Le défi est policier, judiciaire, éducatif, familial mais aussi moral. C’est toute une chaîne de responsabilité, de civisme, de respect mutuel, que nous devons ensemble retendre.

Le parti socialiste se targue d’avoir fait sa mue sur les questions de sécurité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Après vingt ans d’indécision, vingt années au cours desquelles la gauche refusa de regarder la réalité en face, j’attends toujours qu’elle joigne ses efforts aux nôtres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Parmi les fondements de notre État républicain, il y a la justice. Respect de la loi, force du droit, oui, c’est à partir de là qu’existe l’État de droit et que la démocratie peut vivre dans le respect de chacun.

La justice n’échappe pas aux mouvements du temps. Parmi ceux-ci, une conception toujours plus exigeante des droits de la défense qui amènera à revoir les conditions de la garde à vue.

M. Pierre Gosnat. Vous avez été dénoncé par le Parlement européen !

M. François Fillon, Premier ministre. Ce texte, vous en débattrez bientôt sur la base d’un projet ambitieux qui fait de l’assistance par un avocat en garde à vue un principe, tout en ménageant les nécessités de l’enquête.

M. Claude Bartolone. Ben voyons !

M. François Fillon, Premier ministre. Des affaires récentes ont mis en lumière l’attention toujours vive portée par la société à la justice pénale. Rien de ce qu’elle décide ne lui est indifférent. Et plus que toute autre, les juridictions pénales exercent l’autorité publique et garantissent l’ordre public.

M. Michel Delebarre. Ah, il est bon ! On se croirait au conseil général de la Sarthe !

M. François Fillon, Premier ministre. Le principe selon lequel, comme toute juridiction, celles-ci jugent au nom du peuple français est vécu avec une intensité particulière. Cela justifie le rôle éminent du Parquet aussi bien que la présence des jurés aux assises.

Le Président de la République nous invite à aller plus loin.

M. Michel Delebarre. Faites vite, il est déjà parti !

M. François Fillon, Premier ministre. Le garde des sceaux ouvrira donc un large débat pour savoir comment renforcer ce lien entre le peuple souverain et sa justice pénale. Non pas par méfiance à l’égard des magistrats dont le professionnalisme et la haute conscience méritent notre respect…

M. Michel Delebarre. Mais on ne sait jamais !

M. François Fillon, Premier ministre. …mais pour que nos concitoyens se reconnaissent toujours mieux dans la justice, pour éviter une sorte de schisme insidieux qui couperait le pays légal du pays réel.

M. Michel Delebarre. Très bien ! Non au schisme !

M. François Fillon, Premier ministre. Quels délits peuvent donner lieu à des formations de jugement impliquant la participation d’assesseurs issus de la société civile ?

Faut-il envisager un seuil de gravité ?

Est-ce en première instance ou seulement en appel ?

M. Michel Delebarre. Ça, c’est une question !

M. François Fillon, Premier ministre. Ne faut-il pas aussi réfléchir au fonctionnement des assises ? Est-il nécessaire d’avoir toujours neuf jurés ou bien peut-on dans les cas les moins graves trouver une forme de participation populaire moins lourde ?

Enfin, en matière de libération conditionnelle, lorsque le tribunal d’application des peines statue, ne devrait-il pas, dans certains cas, s’élargir à des non-magistrats ?

Bien sûr je ne méconnais pas les problèmes matériels que poseront ces évolutions. Mais ceux-ci ne peuvent empêcher une réflexion de fond.

À ce stade, je ne veux préjuger de rien, mais je demande à la représentation nationale d’aborder avec le Gouvernement le débat sans a priori.

M. François Loncle. C’est un festival de lieux communs !

M. François Fillon, Premier ministre. L’esprit de justice, je le vois aussi dans la mise en œuvre des révisions de la Constitution votée par le Parlement en 2007 et 2008.

La question prioritaire de constitutionnalité est une avancée démocratique considérable que la gauche n’a jamais osé engager en son temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

La loi organique sur le défenseur des droits votée au Sénat en juin sera inscrite à l’ordre du jour de votre assemblée au tout début de l’année 2011 pour une mise en place au printemps.

M. Roland Muzeau. Et le référendum ?

M. François Fillon, Premier ministre. Et les deux dernières lois organiques attendues pour l’application des dispositions votées ont été transmises au Conseil d’État et seront délibérées en conseil des ministres avant la fin de l’année : je veux parler du référendum d’initiative populaire et du nouveau régime de mise en cause de la responsabilité du chef de l’État.

M. Michel Lefait. On sort les tartes à la crème maintenant !

M. François Fillon, Premier ministre. Il est étonnant de voir l’impatience des députés siégeant sur les bangs de gauche à voir mise en œuvre une réforme que la plupart d’entre eux ont combattue et n’ont pas votée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Michel Delebarre. Quelle audace !

M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, depuis 2007, nous modernisons le modèle français.

M. Marcel Rogemont. Et avant 2007, il n’y a rien eu ?

M. François Fillon, Premier ministre. Notre espérance nous interdit de piétiner devant les difficultés, d’être indulgents sur nos faiblesses et d’être inutilement divisés.

Je refuse toute idée d’usure ou de pause. L’usure est la maladie du découragement ; la pause, la marque des indécis.

M. Roland Muzeau. Et la rupture ?

M. François Fillon, Premier ministre. Nous nous sommes depuis trop d’années bercés de la certitude de notre grandeur. Nous nous sommes depuis trop d’années nourris de l’illusion qu’une croissance meilleure suffirait à remettre les choses à l’endroit. Sur le rivage du monde, nous avons attendu le retour des vents favorables, en essayant de colmater les brèches les plus périlleuses. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pierre Gosnat. Merci, monseigneur !

M. François Fillon, Premier ministre. Nicolas Sarkozy a proposé à la France d’assumer les réalités d’un monde qui peut nous déplaire, mais qui est le nôtre. Il a proposé de reconstruire notre communauté nationale autour du travail.

M. Jean Glavany. Résultat : 700 000 chômeurs de plus !

M. François Fillon, Premier ministre. Il a donné la priorité à nos forces universitaires, scientifiques, et à nos entrepreneurs. Je suis persuadé que cette voie est la bonne. C’est la seule qui s’inscrive dans la fidélité de notre héritage.

M. Pierre Gosnat. Ne dites jamais que c’est la seule !

M. François Fillon, Premier ministre. Les Français savent très bien à quel travail opiniâtre ils doivent le modèle social qui les protège, la culture qui les relie, les paysages qu’ils aiment, la République qu’ils chérissent. Ils savent ce qu’ils doivent aux générations passées, elles qui se sont battues pour la liberté et le progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous sommes les héritiers de rêves acharnés. Je suis persuadé que ce rêve est vivant. Les temps changent, les générations passent, mais, dans ce Palais Bourbon, une voix persiste : celle de l’unité de la nation (Mêmes mouvements), d’une nation qui s’est progressivement organisée autour de territoires, d’une langue, d’un État, pour devenir ce qu’est la France d’aujourd’hui : un point ardent dans la géographie du monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Renoncer, douter, serait se parjurer devant l’histoire. Ce serait laisser le terrain libre à tous ceux qui avancent des idées fausses et des fausses pistes, ces mirages désastreux que sont le partage du travail, la retraite le plus tôt possible, l’endettement sans fin (« C’est vous ! » sur les bancs du groupe SRC), la diabolisation du capital, le protectionnisme. Cesser d’avancer, ce serait oublier ce que nous avons fait et ce qu’il nous reste à faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Henri Emmanuelli. Démago !

M. François Fillon, Premier ministre. Notre marche n’est pas finie. Nous devons pouvoir regarder nos concitoyens dans les yeux, car nous avons été fidèles à nos engagements. Nous devons les convaincre que le courage des réformes est plus protecteur que la quiétude de l’inaction. Nous devons être plus crédibles que nos détracteurs, et cela exige droiture, solidité et unité.

M. Roland Muzeau. Eh bien, il y a du boulot !

M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, la confiance que je vous demande n’est pas une marque d’allégeance : elle est la marque de notre fidélité, la marque de notre volonté, la marque résolue de ceux qui, jusqu’au terme de leur mandat, agissent pour l’espérance et pour la France. (Mmes et MM. les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent longuement. – Plusieurs députés du groupe UMP entonnent la Marseillaise.)

M. le président. Je vous en prie !

Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.

Pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire, la parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, après trois ans et demi de travail au service des Français, le Président de la République a décidé d’entamer une nouvelle étape dans son action. Il a dessiné un cap ambitieux pour notre pays.

Vous venez, monsieur le Premier ministre, de décliner les grandes lignes de cette politique pour les mois à venir en engageant votre responsabilité devant notre Assemblée.

Alors que les députés UMP m’ont confié hier l’honneur et la responsabilité de présider le groupe majoritaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), je souhaite porter leur parole dans cet hémicycle en insistant sur trois priorités de la période qui s’ouvre.

Cette nouvelle étape s’inscrit d’abord dans la continuité de nos engagements de 2007. Les Français avaient alors donné à la majorité présidentielle un mandat clair pour moderniser la France. Depuis, pour tenir les engagements pris devant les électeurs, nous sommes entièrement mobilisés, en première ligne, avec le Président de la République et le Gouvernement.

Nous apportons notre contribution avec détermination sur chacun des grands chantiers engagés depuis le début de la législature : réforme des retraites, autonomie des universités, service minimum, instauration des peines planchers contre les multirécidivistes, création du revenu de solidarité active, Grenelle de l’environnement, interdiction du voile intégral. Notre responsabilité, c’est de relayer les attentes des Français. Nous débattons en toute liberté et dans le respect de chacun, avec un objectif : que le Parlement exerce pleinement son rôle d’élaboration et de production de la loi.

Chaque fois que cela sera nécessaire, sans jamais abandonner ni notre capacité d’initiative ni la diversité qui fait notre richesse, nous démontrerons, monsieur le Premier ministre, notre capacité à nous rassembler au service de l’intérêt général.

En septembre 2008, la crise économique a frappé l’économie mondiale avec une violence sans précédent. Elle aurait pu stopper net l’élan modernisateur de notre majorité. Certains observateurs ont d’ailleurs prédit que nous allions nous arrêter et faire le dos rond jusqu’aux élections. Sur les bancs de la majorité, nous partageons le même constat et la même conviction : nous ne pouvons plus reporter davantage les réformes vitales pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C’est l’avenir de nos enfants qui est en jeu. Nous sommes donc pleinement mobilisés pour poursuivre notre action réformatrice.

Alors que de nouvelles puissances émergent à l’échelle mondiale, alors que l’Europe est brutalement chahutée par la crise, le statu quo aurait été la pire des politiques. Voilà pourquoi nous avons été au rendez-vous du courage pour les retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous aurions dû pouvoir compter sur la gauche pour soutenir cette réforme structurelle. Elle n’a pas compris que le monde change, elle est restée paralysée par ses vieux démons : travailler moins, dépenser plus, taxer les Français.

M. Richard Mallié. C’est vrai !

M. Christian Jacob. C’est donc une fois de plus notre famille politique qui a eu le courage de porter cette réforme et de maintenir notre régime par répartition.

L’audace réformatrice, c’est aussi la priorité donnée par le Gouvernement au redressement des finances publiques et à la baisse des dépenses. Pour nous, l’inacceptable, ce n’est pas la rigueur, c’est l’endettement que nous laisserons à nos enfants.

Permettez-moi aussi d’ajouter que l’État ne peut être seul dans cette bataille et que les collectivités locales, notamment les régions, ne peuvent s’exonérer de cette exigence. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous soutenons également une réforme fiscale qui doit concilier justice et attractivité, avec, en ligne de mire, la convergence avec l’Allemagne. De nombreux députés UMP portaient depuis des mois une proposition forte : la suppression du bouclier fiscal et de l’ISF contre la réforme de la fiscalité des revenus du patrimoine. Le Président de la République et le Gouvernement s’étaient engagés à lancer ce chantier. Vous pouvez compter sur nous pour passer à l’action. Comme dans tous les autres pays européens, nous devons privilégier la taxation des revenus du capital à celle de la détention du capital.

M. Daniel Paul. Et les riches !

M. Christian Jacob. Nous serons également au rendez-vous du soutien à l’investissement, car il en va de notre compétitivité. Plus que jamais, l’épargne doit être mobilisée et destinée à nos PME, à nos TPE et à l’emploi productif.

L’audace réformatrice, c’est aussi rapprocher la justice de nos concitoyens en réfléchissant à la place des jurys populaires, notamment dans les décisions de remise en liberté qui préoccupent légitimement nos concitoyens. Quand tout a été tenté, la meilleure prévention, c’est, à mes yeux, la rapidité de la décision de justice et l’exécution implacable de la peine prononcée. En République, c’est au nom du peuple que la justice est rendue : les citoyens doivent y avoir une place centrale.

Après la crise financière et la crise économique, le chômage frappe près de un actif sur dix. C’est tout particulièrement vrai pour les jeunes et les seniors. Chacun d’entre nous peut en témoigner à travers son expérience d’élu de terrain : ce chômage est un véritable défi pour la cohésion nationale. Il sème le doute chez celles et ceux qui tentent d’entrer dans la vie active. Les entreprises qui ont une politique tournée vers la jeunesse, vers l’accès au premier emploi, doivent être reconnues et encouragées.

N’oublions pas, dans ce domaine, l’alternance et l’apprentissage, qui offrent les meilleurs taux de placement pour nos jeunes. La culture du diplôme, c’est bien, mais la culture du métier, c’est mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vous l’avez compris : pour nous, la cohésion sociale, c’est une fiscalité juste et équilibrée, c’est un regain de compétitivité pour nos entreprises et une politique de l’emploi tournée vers les plus fragiles. Ce n’est certainement pas ce tragique nivellement par le bas rebaptisé « égalité réelle » par le parti socialiste. Ce texte surréaliste a d’ailleurs fait hurler tous les gens raisonnables du parti socialiste, de Michel Rocard à Manuel Valls. Même François Hollande s’en est inquiété. Benoît Hamon et Martine Aubry nous ont ressorti les bonnes vieilles recettes de l’assistanat, en particulier la prime de départ en vacances pour les jeunes d’un montant de 200 euros. Personne ne doute que ce type de propositions ravira de bonheur le directeur général du FMI…

Mes chers collègues, ces recettes-là, vous les avez testées dans les années 80 et 90. Elles n’ont qu’une conséquence : enfermer les plus fragiles dans la pauvreté. C’est un constat d’impuissance que nous avons toujours refusé. Au cœur de notre politique sociale, nous mettons l’emploi, la formation, l’apprentissage. Voilà ce qui, par-dessus tout, nous distingue et nous sépare.

La cohésion sociale, c’est aussi la prise en compte de nos aînés qui perdent leur autonomie. Bien que notre politique familiale, qui fait notre fierté, nous permette d’avoir une démographie sans équivalent en Europe, la population des plus de soixante ans aura augmenté de 30 à 50 % en 2040. Une partie de ces personnes auront besoin d’être accompagnées et aidées pour vivre dans la dignité. C’est une réalité que nous ne pouvons pas ignorer, dans les villes comme dans les territoires ruraux. Voilà pourquoi nous soutenons la volonté du Président de la République d’engager courageusement la réforme de la dépendance.

Le débat s’ouvre. Tous les Français sont invités à y participer. Les parlementaires de la majorité y contribueront activement, en relayant les préoccupations de nos concitoyens, car cet enjeu sera déterminant au cours des prochaines décennies pour garantir la solidarité intergénérationnelle.

À ce propos. permettez-moi de prendre quelques instants pour rappeler l’ambition qui nous anime. Pour moi, pour mes amis députés, la réforme n’est pas l’ennemie du lien social. Elle est au contraire au service du lien social. Aujourd’hui, nous soutenons une profonde dynamique réformatrice pour la France, avec une obsession : défendre, conforter et accompagner notre modèle dans un monde qui bouge, un modèle qui conjugue croissance économique, progrès social et respect de l’environnement, qui, en un mot, place le développement durable au centre de nos priorités, un modèle où la diversité des territoires est valorisée comme un atout pour la nation tout entière.

Sous l’impulsion du Président de la République, la majorité s’est mise en ordre de marche. Avec une équipe gouvernementale resserrée, avec une majorité parlementaire rassemblée, nous nous sommes donné les moyens de relever les défis majeurs des mois qui viennent.

Monsieur le Premier ministre, vous avez engagé la responsabilité de votre gouvernement. Avec tous mes amis députés, je veux vous dire que nous voterons la confiance avec enthousiasme.

M. Gilbert Le Bris. Quelle naïveté !

M. Christian Jacob. Nous le ferons avec une détermination sans faille, sûrs que le chemin parcouru est porteur d’espoirs et que le cap fixé est conforme à nos valeurs.

Nous avons la confiance des Français quand nous sommes au rendez-vous de ces valeurs, de la sécurité à la compétitivité de notre économie, de la solidarité nationale aux valeurs républicaines. Nous avons la confiance des Français quand nous leur disons sans peur la vérité, en proposant le chemin du courage et de la justice. Nous avons leur confiance quand nous ouvrons de nouvelles perspectives ambitieuses pour la France. Dans cette ambition, nous sommes avec vous, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, la parole est à M. François Brottes.

Je prie ceux de nos collègues qui sortent de l’hémicycle de le faire dans le plus grand silence.

M. François Brottes. Ne partez pas tous, ce serait dommage : cela va être intéressant…

Monsieur le Premier ministre, les Français n’attendaient rien de ce remaniement ministériel et, pour une fois, ils n’auront pas été déçus.

Huit millions de Français en dessous du seuil de pauvreté – dont 2 millions d’enfants –, 3,5 millions de ménages en précarité énergétique, 2,7 millions de chômeurs, 25 % de jeunes sans emploi, 70 % d’emplois précaires parmi les emplois créés !

M. Daniel Paul. Quel succès !

M. François Brottes. Monsieur le Premier ministre, votre majorité a depuis longtemps perdu la confiance de nos concitoyens, car votre politique n’a jamais sincèrement pris la mesure de la situation. Pire, elle n’a eu de cesse de l’aggraver.

Les Français vous ont pourtant averti sèchement à l’occasion de toutes les élections locales. Ils viennent de manifester leur colère et leur défiance, très nombreux et à dix reprises, dans les rues de tout le pays.

Vous vous présentez cet après-midi en dépositaire d’un nouveau souffle, en initiateur d’une nouvelle impulsion, mais, en vous succédant à vous-même, vous êtes surtout l’incarnation de ces trois années d’échec. Avant d’être l’homme d’un projet, vous êtes l’homme d’un bilan. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Et il va falloir l’assumer !

M. François Brottes. Ce bilan remonte au 3 juillet 2007, jour où, pour la première fois, vous êtes venu solliciter ici même la confiance.

Vous vouliez renouveler notre démocratie et changer la politique. C’était la grande époque de l’ouverture, avec l’affiche de la diversité, c’était l’heure solennelle d’un nouvel état d’esprit, enjambant les clivages anciens…

M. Maxime Gremetz et M. Albert Facon. Et aujourd’hui, ils sont tous partis !

M. François Brottes. Aujourd’hui, c’est le recentrage sans les centristes et l’ouverture qui cède à la fermeture. Les pouvoirs du Parlement devaient être renforcés ; mais, monsieur le Premier ministre, jamais le Parlement n’a été aussi affaibli, dédaigné et tenu en lisière de la décision démocratique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Je n’évoque même pas les droits de l’opposition régulièrement bafoués,…

M. Bernard Deflesselles. Et la présidence de la commission des finances, c’est quoi, alors ?

M. François Brottes. …les commissions d’enquête interdites, les séances abrégées, les prises de parole censurées, les règles du référendum d’initiative populaire toujours promises et jamais définies ; non, je vous parle, monsieur le Premier ministre, du mépris du Gouvernement à l’égard de sa propre majorité.

Les exemples ne manquent pas, et il suffit de se retourner sur ces derniers jours. Contre l’avis des présidents UMP des commissions des lois et des affaires sociales, vous avez imposé l’allongement irresponsable de la dette sociale. Irresponsable, car ce sont les générations futures qui paieront ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

S’agissant du projet de loi de finances pour 2011, qui comporte déjà plusieurs augmentations d’impôts, vous avez anéanti en quelques minutes le travail méticuleux de plusieurs semaines des parlementaires de tous bords, et la consternation et l’indignation de votre rapporteur général du budget, UMP, seront restées vaines.

M. Maxime Gremetz. Du jamais vu !

M. Bernard Deflesselles. Qui est président de la commission des finances ?

M. François Brottes. Vous vouliez rénover la politique, mais, lorsque nous vous avons proposé d’en finir, tous ensemble, avec le cumul des mandats, vous vous y êtes opposé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez repoussé nos propositions pour interdire les situations de conflits d’intérêts et empêcher les contournements de la loi sur le financement des partis, sans doute parce que cela gênait certaines pratiques.

M. Bernard Deflesselles. Quelle hypocrisie !

M. François Brottes. Vous nous l’aviez promis : la démocratie politique devait être renforcée par la démocratie sociale, les usages changés, les partenaires sociaux renforcés et la culture du contrat affirmée. Mais la grande régression sociale du quinquennat, celle qui trahit la promesse du candidat Sarkozy de ne jamais toucher à la retraite à soixante ans, a été adoptée en dehors de toute négociation ! Seul le MEDEF a été scrupuleusement entendu. Avec les syndicats, les vrais sujets n’ont jamais été soumis à la discussion. Vous vous êtes obstinément refusé à la recherche de tout compromis, et vous osez dire aujourd’hui que la balle est dans leur camp !

M. Éric Raoult. Vos collègues socialistes n’applaudissent même pas !

M. François Brottes. En juillet 2007, vous aviez oublié – c’est étrange – d’évoquer le pluralisme comme fondement de la démocratie. À votre décharge, vous ne saviez peut-être pas, à l’époque, que vous auriez à défendre la nomination des présidents de l’audiovisuel public directement par le Président de la République, mais les faits sont là. La liberté de la presse a fait les frais de ce qu’elle a qualifié d’« omniprésidence », et les dernières déclarations du chef de l’État ne nous rassurent pas.

L’association Reporters sans frontières vient de placer la France au quarante-quatrième rang de son classement annuel pour la liberté de la presse, derrière la Papouasie-Nouvelle-Guinée, alors que notre pays se situait encore au onzième rang en 2002 ! Pour répondre aux dénonciations de Reporters sans frontières – violation de la protection des sources, concentration des médias, convocation des journalistes devant la justice –, notre groupe vous a soumis, la semaine dernière, une proposition de loi permettant de garantir l’indépendance des rédactions. Même cet honneur-là, digne d’une grande démocratie, vous avez donné instruction à votre majorité de le refuser, sans même éprouver le besoin de vous justifier.

M. Patrick Lemasle. Quelle honte !

M. François Brottes. La démocratie, c’est aussi le respect de la justice. Le Président de la République nous annonce qu’il faut « rapprocher le peuple des magistrats professionnels », mais la véritable urgence n’est-elle pas d’assurer l’indépendance de la justice, de lui donner les moyens de remplir sereinement ses missions et de cesser d’instiller sans cesse le doute sur la décision des juges, de cesser de vouloir toujours les reprendre en main ou les empêcher d’accéder à la vérité ? De vos pratiques, les Français sont déjà juges !

Sur le plan économique, vous prétendiez « maintenir le cap du désendettement et du retour à l’équilibre budgétaire ». Vous projetiez de ramener notre dette publique en deçà de 60 % du produit intérieur brut et de rétablir une situation budgétaire à l’équilibre en 2012. Tels étaient vos objectifs pour sauver un État que vous décriviez déjà « en faillite ».

Ce diagnostic, honnête et lucide, ne vous exonère pas de vos responsabilités pour la période qui vient de s’écouler. Le déficit public n’est plus de 2,7 %, mais de 7,7 % du PIB. L’endettement public est passé de 65 % à 84 % du PIB. Et que dire encore des comptes sociaux ?

Alors que la gauche – souvenez-vous – avait laissé des comptes équilibrés, en 2002 (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), MM. Raffarin et Villepin vous ont légué 11 milliards d’euros de déficit, et, aujourd’hui, la sécurité sociale accuse un déficit de 30 milliards d’euros !

Bien sûr, nous connaissons votre réponse : « c’est pas moi, c’est la crise ! ». C’est d’ailleurs ce que vous avez répondu hier à Laurent Fabius. Il est vrai que vous n’aviez pas prévu la crise, même si c’est la crise d’un système que la droite a toujours défendu avec zèle.

Vous ne l’aviez pas prévue, et vous l’avez aggravée ! C’est la Cour des comptes, encore présidée par le regretté Philippe Séguin, qui précisait que « moins de la moitié du déficit est d’origine conjoncturelle et résulte de la crise économique ». Ce qui a pesé sur les comptes publics, ce sont vos choix budgétaires et vos choix fiscaux.

Monsieur le Premier ministre, vous avez entamé votre mandature par un contresens économique : celui du paquet fiscal, qui est d’ailleurs devenu votre boulet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et plusieurs bancs du groupe GDR.) Votre faute, c’est de vous être entêté dans vos erreurs malgré la crise !

Ces milliards d’euros sacrifiés n’avaient ni la vertu de la justice sociale, ni l’efficacité du redressement économique. D’ailleurs, le bouclier fiscal est contesté jusque dans vos rangs.

L’exil fiscal, dont ce bouclier magique était censé nous préserver, a continué de progresser de 14 % en 2008, et les salariés n’ont jamais été concernés. Ce bouclier n’a jamais protégé les revenus du travail : par définition, ils ne sont jamais imposés au-dessus du taux marginal de l’impôt sur le revenu, qui est, lui, de 40 %. Votre bouclier fiscal a juste mis à l’abri les revenus de la rente ou de la spéculation.

La défiscalisation des heures supplémentaires, c’est un constat partagé, plombe le marché de l’emploi. Qui peut encore soutenir, face à la montée du chômage, qu’il faut subventionner les heures supplémentaires au détriment de l’embauche de nouveaux salariés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, notre taux de chômage est l’un des plus élevés d’Europe. En trois ans, il s’est accru de 16 %, avec 400 000 chômeurs de plus. Encore avez-vous fait baisser les statistiques en généralisant le statut de l’auto-entrepreneur, pour créer des milliers d’entreprises fantômes qui font une concurrence totalement déloyale aux artisans et commerçants.

Par ailleurs, les embauches, lorsqu’elles existent, se font dans des conditions de précarité qui ne permettent plus aux jeunes de poser un regard serein sur leur projet d’avenir.

Pour l’emploi, les mesures annoncées par le chef de l’État ne concernent que 20 % des chômeurs actuels.

Le doublement des formations en alternance restera au stade de l’annonce : les étudiants et les apprentis viennent déjà nous expliquer dans nos permanences, dans toutes nos permanences, que, malgré de longues recherches, ils ne trouvent pas d’entreprise partenaire pour leur formation.

La crise financière devait être salutaire et, dans un rare moment de lucidité, le Président de la République avait même lancé un appel à la « refondation du capitalisme », mais tout a repris comme auparavant.

Alors que les banques ont été sauvées avec l’argent public, les bonus, les stock-options, les « retraites chapeau », les rémunérations folles et indécentes, rien, vraiment rien n’a été abandonné ! Lorsque notre groupe vous a proposé de fixer un plafond aux revenus des dirigeants d’entreprises bénéficiant de l’aide publique, lorsque nous vous avons demandé de mettre fin aux bonus ou aux stock-options, vous avez encore refusé !

Avec vous, décidément, les sacrifices sont toujours pour les mêmes… mais les égards aussi : surtout ne pas froisser ceux qui ont les moyens ! Il fallait même les exonérer de toute contribution au financement du revenu de solidarité active.

Et puis, il y a les autres, tous les autres : les classes populaires, les classes moyennes, les jeunes, les vieux, les malades, les chômeurs, les artisans, les indépendants, les agriculteurs, les salariés. Eux doivent tout supporter, tout endurer : la hausse des tarifs publics du gaz et de l’électricité, la multiplication des taxes – sur l’internet, sur les indemnités des accidents du travail, sur les mutuelles –, les franchises médicales, la hausse de l’impôt local, conséquence directe de la suppression par l’État de la taxe professionnelle.

Mme Catherine Vautrin. Ça, c’est faux !

M. François Brottes. Ce que les Français ont percé à jour, c’est un système très organisé de connivences entre le pouvoir et les milieux de l’argent, ce fameux « premier cercle ». D’ailleurs, M. Woerth, parce qu’il en était devenu un symbole gênant, n’est plus assis, à vos côtés, sur les bancs du Gouvernement.

M. Patrick Lemasle. Ils l’ont viré !

M. François Brottes. Mais, depuis la nuit de la victoire de 2007, fêtée, au Fouquet’s, avec un cercle d’amis triés sur le volet, tout a été dévoilé : les retrouvailles avec les donateurs de l’UMP au Bristol, les conseillers ministériels qui émargent à d’autres intérêts que l’intérêt général, les marchés que l’on ouvre opportunément, comme ceux des jeux en ligne ou de l’énergie pour servir quelques connaissances.

M. Gilbert Le Bris. Les tripatouillages !

M. François Brottes. Est-ce cela, la reconnaissance de la nation ?

Monsieur le Premier ministre, c’est ce climat délétère qui empoisonne aujourd’hui notre vie politique et nourrit la rancœur, le soupçon, le rejet. Alors que vous annonciez, vous-même, une « République irréprochable », vous avez ajouté à la crise financière une crise morale.

M. Gilbert Le Bris. Exactement !

M. François Brottes. Il vous reste dix-huit mois pour inverser la tendance, et tenter d’effacer ce passif. Hélas, notre sentiment, c’est que vos efforts de redressement portent, pour l’essentiel, sur une politique de communication conjointe avec le Président.

Comment vous pardonner votre erreur historique d’avoir sacrifié le secteur de l’éducation sur l’autel de la suppression massive des postes d’enseignants ?

M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !

M. François Brottes. Comment accepter que la plupart de nos services publics n’aient plus d’adresse dans les quartiers de nos villes, ou dans les bourgs de nos villages ? Comment ne pas dire notre défiance à l’égard de vos projets pour le cinquième risque et la dépendance, compte tenu des mauvais traitements que vous avez infligés à l’aide personnalisée à l’autonomie inventée par la gauche et, plus récemment, à la formation et à l’emploi des personnes en situation de handicap ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Vous affichez comme première priorité la croissance pour les mois à venir, mais vos décisions budgétaires, d’ailleurs antérieures au remaniement, contredisent déjà votre volonté. Eh oui, les Français doivent le savoir : ce n’est pas le discours que vous venez de prononcer qui fait foi, c’est le budget qui vient d’être voté ici qui révèle vos véritables choix.

De l’avis général, vos hypothèses de croissance sont irréalistes. Vous avez stoppé votre plan de relance pour afficher une réduction artificielle de la dette de vingt milliards d’euros mais, faute d’une croissance conforme à vos affirmations, soit les déficits progresseront, soit vous serez conduit à opérer de nouvelles coupes.

De futures coupes brutales affaibliront encore davantage la croissance à un moment où le soutien de l’activité et l’arrêt de la spirale de la désindustrialisation exigeraient au contraire le maintien de la demande publique, le maintien d’un plan de croissance et le soutien à l’investissement et à l’emploi.

L’autre voie, celle que vous refusez d’emprunter consisterait à rétablir une politique fiscale juste. En 2007, vous avez prétendu favoriser le travail, avec le slogan « travailler plus pour gagner plus ». Sous la pression, vous vous apprêtez à simuler la suppression du bouclier fiscal pour faire passer la pilule de la suppression de l’impôt sur la fortune.

En clair, vous vous apprêtez à remballer un cadeau de 700 millions d’euros pour en accorder un autre, mieux emballé, de 4 milliards ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Il est vrai que votre majorité a toujours eu de la ferveur pour les faveurs ! Au prétexte de compenser le manque à gagner, vous allez, par une imposition sur les plus-values et les revenus du patrimoine, favoriser les patrimoines inactifs au moment où il faudrait orienter l’investissement vers les capitaux productifs.

Par exemple, Mme Bettencourt (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ne sera plus imposée ni sur ses hôtels particuliers, ni sur son île d’Arros. Son chèque de 30 millions que lui adressait chaque année le fisc, sera compensé par une moindre imposition sur son patrimoine. Et le tour est joué ! (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Nous, nous vous proposons, au contraire, d’abandonner le bouclier fiscal tout en maintenant l’impôt de solidarité sur la fortune, parce qu’il est économiquement vertueux de taxer les capitaux non investis. Trop de gens n’ont pas de travail pour accepter que d’autres gagnent des fortunes en dormant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous vous engageons à une réforme ambitieuse de la fiscalité, qui conduise à imposer au même taux les revenus du capital et ceux du travail. Il faut supprimer les dispositifs qui permettent au capital d’être imposé deux fois moins que le travail ! Il faut moduler l’impôt sur les sociétés, pour que les bénéfices soient réellement réinvestis. Il n’est plus tolérable que les entreprises du CAC 40 profitent des aubaines fiscales et contribuent à hauteur de 8 % de leurs profits, quand les PME sont, elles, imposées autour de 30 % !

Enfin, puisque vous prétendez à une remise à plat de la fiscalité, pourquoi ne pas réintroduire sa dimension écologique, au moment où vous renoncez à tous vos engagements en la matière ?

Le Conseil constitutionnel a invalidé votre taxe carbone parce qu’elle cumulait une fois encore l’injustice et l’inefficacité. Il est encore temps de mettre en place une contribution « énergie climat », juste et universellement partagée, mais aussi écologiquement efficace.

Voilà, monsieur le Premier ministre, autant de pistes de travail dont nous n’aurons pas à rougir si elles inspirent votre action. Il n’y a pas de droit d’auteur lorsque les idées sont utiles à tous les Français et lorsqu’elles rétablissent la justice sociale.

Après la croissance et la fiscalité, vous vous êtes donné la sécurité comme dernière priorité. La sécurité, c’est certainement l’échec le plus cuisant du quinquennat du Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Lui qui avait tant promis sur cette question, est obligé de faire de la surenchère, de stigmatiser des quartiers et certaines populations. Mais ce n’est pas en se voilant la face, ce n’est pas en diminuant les moyens de la justice et de la police que l’on peut être à la hauteur de cette exigence républicaine de vivre ensemble dans la sérénité et dans le respect des libertés. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous vous proposons un pacte national de protection et de sécurité publique. Il faut répondre à chaque acte par une sanction rapide et juste, développer les travaux d’intérêt général, créer des travaux d’intérêt éducatif et des internats pédagogiques.

À chaque sursaut de violence – vous y avez fait référence –, vous faites le choix d’un déploiement événementiel, d’une présence de riposte, qui disparaît en même temps que les caméras de télévision.

Nous, nous proposons d’assurer la présence quotidienne des gendarmes et des policiers dans la rue, en mettant un terme à l’hémorragie des effectifs que vous avez planifiée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous proposons aussi de définir des secteurs de sécurité prioritaires, sur lesquels se déploiera une police des quartiers spécifiquement formée.

À la sortie, monsieur le Premier ministre, vous le savez bien, l’insécurité coûte beaucoup plus cher que la prévention. Nous vous exhortons à abandonner cette nauséabonde surenchère sécuritaire, ces provocations outrancières qui vous ont conduit à assimiler délinquance et immigration, à stimuler la peur et le rejet de l’autre, à attiser la haine, donc la violence.

Monsieur le Premier ministre, au moment où la France prend la tête du G20, il est de notre honneur collectif que la France retrouve la fierté de son identité.

Notre drapeau n’est pas celui de la stigmatisation communautaire, religieuse ou ethnique. Notre identité n’est pas assimilable à une couleur de peau, notre laïcité ne se confond avec aucune religion, elle dépasse notre histoire. La France a une responsabilité universelle devant le monde.

La modernité de la France se décline en trois valeurs : liberté, égalité, fraternité. Ces valeurs sont celles de la République, que vos gouvernements successifs, décision après décision, ont mises sens dessus dessous. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Dans ces conditions, comment vous accorder notre confiance ?

Monsieur le Premier ministre, il est temps de remettre la République à l’endroit. Vous prétendez mener un gouvernement de combat, mais c’est ailleurs qu’il faut montrer votre courage. C’est le combat contre l’injustice qu’il faut gagner !

Monsieur le Premier ministre, comment demander un effort à tous, alors que le fossé des inégalités ne cesse de se creuser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous refusons que les ruines que vous laissez derrière vous soient éternelles. Si vous ne menez pas ce combat – et le risque existe –, les Français savent que toute la gauche porte cette exigence et qu’elle en sera digne, le moment venu ! (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent longuement. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. Pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, la parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, chers collègues, il n’a échappé à personne que la décision prise, la semaine dernière, par le chef de l’État de remanier le Gouvernement afin de souder les divers courants de l’UMP n’ouvre pas une nouvelle phase politique, mais s’apparente en réalité à une manœuvre politicienne, visant à la fois à conjurer le discrédit qui frappe l’exécutif et à préparer les futures échéances électorales.

Ce gouvernement s’inscrit dans la continuité des précédents : même dans le mur, on continue… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous êtes plus que jamais dans les postures idéologiques et les réflexes claniques. Votre discours guerrier n’y change rien.

Les urgences sociales et les difficultés que rencontrent nos concitoyens sont à nouveau ignorées. Votre priorité n’est pas de retrouver le chemin de la croissance, de redonner du souffle à notre économie dans l’intérêt de tous, mais de rassurer des marchés financiers qui spéculent sur les dettes des pays européens et ont décidé de mordre aujourd’hui la main de ceux qui les ont, hier, sauvés du naufrage par une injection colossale de dépenses publiques.

Comme le rappelaient fort à propos les « économistes atterrés » du manifeste publié en septembre dernier, plutôt que de remettre en cause le fonctionnement des institutions européennes, et en particulier celui de la BCE, qui a conduit à confier aux marchés la clé du financement des États, les gouvernements européens se sont engagés, avec la bénédiction du FMI, dans une fuite en avant qui plonge l’Europe entière dans une crise toujours plus profonde.

La situation de la Grèce, de l’Espagne, du Portugal, et maintenant de l’Irlande, hier encore saluée comme un exemple et un miracle économique, devrait ou aurait dû vous alarmer.

Le règne de la concurrence libre et non faussée a fait la preuve de son inefficacité et de sa capacité à détruire jusqu’aux fondements mêmes de la démocratie, c’est-à-dire le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Les peuples paient cash les traités, de Maastricht à Lisbonne ; la démocratie recule devant la dictature des marchés. Le modèle social français lui-même est démonté pierre par pierre. Vous n’avez eu de cesse, depuis 2002, de le mettre à mal à travers la privatisation des services publics, la casse du droit du travail, l’appauvrissement planifié de l’État, la mise sous tutelle comptable de la santé qui menace à présent l’existence même de certains hôpitaux, au bénéfice du privé.

Dernière grande réforme en date, celle des retraites, conduite au pas de charge, sans négociation, contre une majorité de Français qui, une fois de plus, n’a pas eu voix au chapitre. Aucun argument économique ou démographique ne la justifiait, aucune urgence ne la commandait, contrairement à ce que vous avez tenté de faire croire, sinon la volonté de donner aux marchés des gages d’orthodoxie et de calmer très provisoirement la spéculation.

Nos concitoyens subissent le joug que leur impose le dogme de la libre circulation des capitaux et de l’argent-roi.

Il n’y a pourtant pas de fatalité au chômage et à la précarité, pas plus qu’il n’y en a à reculer l’âge de la retraite. Il n’y a pas de fatalité à l’austérité, à la régression sociale, à la dégradation des services publics et au recul de la protection sociale. Il n’y a pas de fatalité ; il y a des choix politiques, il y a des responsabilités : aujourd’hui comme hier, ce sont les vôtres ! La crise, c’est vous !

Comme le rappelait la Cour des comptes en juin dernier, les déficits ne résultent que pour un tiers de la crise économique. Elle est pour les deux tiers le fruit de votre politique et d’elle seule. Vous aurez réussi l’exploit, à l’issue du quinquennat, selon vos propres hypothèses, d’avoir aggravé la dette de 900 milliards d’euros. La dette aura doublé en dix ans de gouvernements de droite !

En cause, la multiplication irresponsable des cadeaux fiscaux en direction des grandes entreprises et des contribuables les plus aisés, à l’exemple du scandaleux bouclier fiscal qui bénéficie, pour les deux tiers des 700 millions d’euros qu’il coûte, aux contribuables qui disposent de plus de 16 millions d’euros de patrimoine.

Un bouclier que vous traînez comme un boulet et que vous voulez faire disparaître en même temps que l’ISF qui, lui, rapporte 4 milliards d’euros. Les plus riches seront une nouvelle fois les principaux bénéficiaires de la réforme fiscale que vous annoncez !

Depuis 2002, vous avez multiplié les niches fiscales et sociales. Leur coût atteint aujourd’hui le chiffre incroyable de 172 milliards d’euros par an, sans compter le coût de l’évasion fiscale, estimé au minimum à 40 milliards d’euros. Au regard des enjeux de la lutte contre les paradis fiscaux, les moyens déployés sont bien timorés. Mais il est vrai que les exilés et fraudeurs en tous genres sont ces riches que vous cajolez en permanence !

Selon une récente enquête de Libération, les entreprises du CAC 40 ont engrangé 41 milliards d’euros de bénéfices au premier semestre et disposent de 146 milliards d’euros de cash. Elles ont néanmoins supprimé 40 000 emplois en cinq ans ! Ce n’est qu’un nouvel exemple des dérives du capitalisme financier que votre politique encourage.

Votre stratégie restera dictée par la concurrence fiscale acharnée à laquelle se livrent les États membres de l’Union européenne. Un dumping fiscal qui se conjugue au dumping social pour conduire aux désastres économiques et sociaux que l’on sait, pour la seule satisfaction du MEDEF et d’une infime minorité de privilégiés. Un dumping qui se traduit par une dégradation des services publics, par une surenchère dans la baisse du coût du travail et par des transferts de charges sur les salariés, les chômeurs et les retraités.

La convergence fiscale avec l’Allemagne, que vous appelez de vos vœux, n’est que prétexte à imposer de nouvelles baisses de l’imposition des grandes entreprises. Les entreprises du CAC 40 paient déjà deux fois moins d’impôt sur les sociétés que les PME. Preuve que la question principale n’est pas l’imposition, mais l’exigence de taux de rendements insoutenables. De fait, la part des dividendes versés aux actionnaires est passée de 3,2 % du PIB en 1982 à 8,5 % en 2007 et de 5 % de la valeur ajoutée à près de 25 %. Et ce, au détriment des salaires, de l’emploi, mais également des dépenses de recherche et de développement, et de l’investissement.

Les baisses d’impôts que vous avez consenties ne sont pas allées à la croissance. Elles iront demain, une fois encore, dans la poche des spéculateurs et conduiront à de nouvelles restrictions budgétaires, déjà annoncées : gel des salaires, gel des dotations aux collectivités locales – qui assurent 75 % de l’investissement public et ne portent que 7,6 % du déficit ; diminution massive du nombre de fonctionnaires dans l’éducation, la santé, dans la gendarmerie et la police nationale, alors que vous ne cessez de nous parler de sécurité, malgré un bilan déplorable ; réduction massive, enfin, des crédits alloués à des secteurs aussi essentiels que la recherche, l’éducation, la santé ou le logement.

Pour réduire les déficits, vous augmentez la pression fiscale sur les classes moyennes et réduisez à la portion congrue le pouvoir d’achat des plus modestes. Tous souffrent et souffriront plus encore demain de l’injustice de votre politique fiscale et budgétaire.

La Fondation Abbé Pierre dénonce les 3,5 millions de mal logés. Le tiers des familles modestes consacre désormais 39 % de son revenu au logement. Au total, 10 millions de nos compatriotes rencontrent aujourd’hui des difficultés pour se loger.

Sur le terrain de l’emploi, Nicolas Sarkozy s’arrange en permanence avec la vérité. Vous ne tiendrez pas davantage vos engagements que vous ne l’avez fait depuis 2007, lorsque vous prétendiez ramener le taux de chômage à 5 % en 2012. La vérité est que le chômage, à son plus haut niveau depuis dix ans, touche aujourd’hui 9,7 % de la population active et plus de 23 % des jeunes actifs. Contrairement à vos déclarations, la plupart des économistes et instituts s’accordent à considérer que le chômage augmentera l’an prochain, du fait de votre politique d’austérité.

Au lendemain de la prestation du Président de la République, les organisations syndicales ont souligné l’absence de propositions nouvelles et déclaré encore ce matin qu’elles n’attendaient rien de votre discours de politique générale.

On ne peut être que consterné par l’absence de propositions en matière de lutte contre la précarité et la pauvreté, à l’heure où l’INSEE souligne que 13 % de nos concitoyens disposent de moins de 950 euros par mois, parmi lesquels près de 4 millions de travailleurs pauvres et plus d’un million de retraités, et alors que la défenseure des enfants, Mme Versini, s’alarme en découvrant qu’environ 2 millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté !

Nos concitoyens se sont mobilisés massivement pour condamner votre politique et exprimer leur refus des injustices criantes que vous laissez croître et prospérer sous le vernis de vos déclarations, leur refus de vos mensonges et de vos renoncements dans tous les domaines, comme dans celui de l’environnement, puisque vous avez décidé de passer le Grenelle par pertes et profits : vous avez jeté tout ce travail à la poubelle.

Nous vous avons fait des propositions, depuis trois ans, pour financer la retraite à 60 ans, pour promouvoir la relance de l’emploi industriel, mieux répartir les richesses entre capital et travail, pour engager une refonte de notre fiscalité en introduisant le principe d’une modulation des contributions des entreprises en fonction de leur politique sociale. Nous vous avons également fait des propositions visant le relèvement des salaires et des pensions, la taxation du capital, l’interdiction des licenciements économiques dans les entreprises qui réalisent des profits, de nouvelles modalités de l’aide publique au financement des entreprises via la création d’un pôle financier public. Ces propositions visent toutes à conjuguer justice sociale et efficacité économique ; vous les avez méprisées, comme l’ont été nos concitoyens. Du rapport du Secours catholique aux statistiques de l’INSEE, des drames de la souffrance au travail aux mobilisations incessantes des salariés, tous les indicateurs convergent, qui expriment et justifient la défiance de nos concitoyens à l’égard de votre gouvernement et leur exigence d’une autre politique. Ce n’est pas votre responsabilité que vous engagez devant la représentation nationale aujourd’hui, mais l’avenir de notre pays, car vous prenez, en réalité, l’engagement de persister dans l’injustice et l’irresponsabilité.

Monsieur le Premier ministre, les députés de la Gauche démocrate et républicaine, et les Verts, vous refusent la confiance. En cela, ils portent la voix d’une majorité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. Pour le groupe Nouveau Centre, la parole est à M. François Sauvadet,.

M. François Sauvadet. Une déclaration de politique générale est toujours un moment très important, parce qu’elle consiste à fixer le cap pour les mois à venir, et ce dans un contexte totalement différent de celui de 2007. En effet, vous l’avez rappelé vous-même, monsieur le Premier ministre, nous avons connu une crise économique et financière sans précédent. Nous ne devons pas laisser croire aujourd’hui à nos compatriotes que les effets de cette crise se sont effacés et que nous en sommes aujourd’hui sortis. Mes collègues ont d’ailleurs interrogé, hier, le Gouvernement sur les conséquences de nouvelles secousses qui se profilent : après la Grèce, c’est l’Irlande qui est confrontée à une révision drastique de sa politique et à une dégradation violente de ses capacités de financement. Nous voyons donc bien que l’euro est aujourd’hui menacé.

Et, je vous le dis comme je le pense, quand j’entends le porte-parole du groupe socialiste prétendre pour le regretter que nous avons conduit une politique désastreuse…

M. Jean Launay. Il a raison !

M. François Sauvadet. …alors que nous avons évité l’effondrement du système financier, je suis scandalisé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur de nombreux bancs du groupe UMP.) La politique ne permet pas tout ! Lorsque nous sommes confrontés à une crise d’une telle ampleur, nous devons y faire face avec un grand sens de la responsabilité.

M. François Brottes. Cela n’a rien à voir avec le bouclier fiscal !

M. François Sauvadet. Quand on sait ce que sont les conséquences sociales dans les pays qui n’ont pas consenti les efforts de rigueur dans la gestion de leur dépense publique et qui doivent aujourd’hui faire face à des taux d’intérêt qui continuent de flamber et à des réductions drastiques de leurs budgets, nous comprenons que nous devons faire un travail d’explication auprès de tous nos compatriotes. Ce contexte, monsieur le Premier ministre, et je pèse les mots que je vais prononcer au nom du groupe Nouveau Centre, impose à chacun d’entre nous responsabilité et courage. Si je m’exprime aujourd’hui au nom des députés du groupe Nouveau Centre, c’est avec une totale conscience des enjeux. C’est ainsi que nous entendons aborder cette nouvelle étape. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe NC.)

D’abord, la crise a mis en évidence l’urgence d’une gouvernance politique et financière de l’ensemble de la zone euro. Le groupe Nouveau Centre a, vous le savez, toujours souhaité que la France prenne des initiatives fortes pour jeter les bases d’un véritable fédéralisme – osons le mot – dans la zone euro. La première condition pour y parvenir, c’est, bien sûr, la convergence économique, fiscale et sociale. Cette convergence, avec l’Allemagne notamment, est le chemin que vous nous avez proposé. Nous souhaitons l’emprunter avec vous parce qu’il est l’une des clés de la solidarité. Nous le voyons dans la crise que nous avons traversée.

M. Jean Mallot. On y est encore.

M. François Sauvadet. Nos partenaires ne pourront pas accepter durablement d’être solidaires, si tous les pays de la zone ne consentent pas les efforts qu’ils ont eux-mêmes accomplis, comme d’ailleurs nous ne pourrons pas longtemps non plus accepter l’idée qu’il pourrait y avoir, au sein de la zone euro, des périmètres de dumping et de compétition. Cette idée de la solidarité et de la convergence s’imposera à nous pour peser sur l’ordre du monde.

Ensuite, la convergence fiscale annoncée doit être mise au service de la croissance, du développement économique et de l’innovation. Et nous devrons veiller dans toutes les décisions que nous serons amenés à prendre à ce que la fiscalité ne soit pas une entrave à l’efficacité économique. Au vu de la performance des entreprises allemandes, monsieur le Premier ministre, j’appelle de mes vœux une véritable stratégie économique et industrielle pour notre pays. Elle a commencé avec les pôles de compétitivité, avec les pôles d’excellence rurale. Je souhaite que cette politique soit poursuivie avec vigueur.

M. Philippe Folliot. Très bien !

M. François Sauvadet. Cela signifie aussi, vous l’avez rappelé, que nous ne devons pas renoncer à la nécessité de réformer notre pays. Pour nous, l’esprit de réforme n’est ni un dogme ni un style. Nous devons le rappeler à tous nos compatriotes : réformer le pays est indispensable pour garantir notre modèle social, pour assurer la solidarité, laquelle est fragile et menacée aujourd’hui par le poids de nos déficits. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.) Depuis 2007, le groupe Nouveau Centre s’est totalement engagé à vos côtés pour porter les réformes nécessaires et notamment celle des retraites.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. François Sauvadet. Nous avons, chaque fois, veillé à porter l’idée qu’elles devaient être justes à l’égard de nos compatriotes les plus fragiles. Nous avons été aussi résolument à vos côtés, monsieur le Premier ministre, lorsqu’il s’est agi de maîtriser les dépenses publiques.

M. Jean Mallot. Vous n’avez pas été récompensés !

M. François Sauvadet. Je suis de ceux qui considèrent qu’il ne faut pas sous-estimer les efforts accomplis. Mais disons-le très clairement aujourd’hui : le défit de l’équilibre des comptes publics reste devant nous.

M. Jean Mallot. Ah oui ! C’est vrai !

M. François Sauvadet. Nous devons, dans un consensus national – et j’en appelle aussi à l’opposition –fixer cet objectif de l’équilibre de nos comptes comme étant une règle, une règle d’or à laquelle le Nouveau Centre est particulièrement attaché. Nous devrons faire preuve d’audace. Je suis aujourd’hui convaincu que le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, règle qui a produit des effets sur la maîtrise des dépenses publiques, devra trouver, un jour, son terme. Nous devrons, alors, redéfinir ensemble le périmètre que doit avoir un État moderne. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Mme Odile Saugues. Très bien !

M. François Sauvadet. L’éducation, la sécurité, les tâches régaliennes – notamment la justice – doivent être pour nous des priorités et le coup de rabot ne doit pas s’imposer à tous les secteurs de l’État.

Ce défi vaut aussi pour le budget de la sécurité sociale. Dès l’an prochain, le groupe Nouveau Centre s’engagera fermement auprès de vous, monsieur le Premier ministre, et vous aidera à assurer l’équilibre de notre sécurité sociale. En effet, reporter à après-demain le remboursement de la dette n’efface pas la dette, mais l’aggrave. S’ouvrira inévitablement un débat sur l’évolution de la CSG et de la CRDS, car s’il faut maîtriser la dépense, nous devrons aussi assurer par des recettes pérennes la garantie d’un égal accès à la santé pour tous.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. François Sauvadet. J’ai eu l’occasion de vous le dire, monsieur le Premier ministre, ces efforts nécessitent un large rassemblement, lequel passe par la reconnaissance de la diversité comme une chance : diversité sociale, diversité politique, diversité syndicale et organisation du débat syndical. Je pense, à cet égard, que nous devrons renouer un véritable dialogue social. Nous ne devrons pas être frileux et chacun des acteurs du dialogue social devra se sentir aussi acteur de notre avenir collectif pour parvenir à une société plus juste.

Cette exigence de justice est pour nous essentielle. Cela signifie également que la fiscalité doit y participer.

M. Jean Mallot. Allons-y !

M. François Sauvadet. Nos compatriotes doivent être assurés que cet effort sera partagé par tous. Ils doivent savoir que les plus riches ne seront pas exonérés de l’effort nécessaire de solidarité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est pourquoi, et le groupe Nouveau Centre l’a précisé dès le début, le bouclier fiscal, perçu comme une injustice par les plus modestes, doit être supprimé. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.) Cela nous imposera évidemment de revoir la fiscalité du patrimoine en taxant les revenus du patrimoine plutôt que le patrimoine lui-même. Je me réjouis qu’une grande partie du Gouvernement et de la majorité se soit ralliée à cette thèse.

La justice, c’est aussi la simplification. On ne parle plus d’impôt à la source. Je vous propose, monsieur le Premier ministre, d’y retravailler avec vous et avec la ministre de l’économie, des finances et avec le ministre du budget.

Je puis vous dire que, dans cette nouvelle étape, le groupe Nouveau Centre restera très engagé pour porter toutes ces questions fiscales, de maîtrise de la dépense et de justice.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. François Sauvadet. L’assainissement des finances publiques et l’engagement pour le retour à la croissance doivent être mis au service de la solidarité, parce qu’ils en constituent le socle.

La qualité d’une société, en tout cas le sens qu’on lui donne, se distingue par le sort fait à nos aînés et à notre jeunesse. Assurer la prise en charge de la dépendance, c’est probablement, mes chers collègues, l’un des plus grands défis auxquels nos sociétés seront confrontées. Il ne faudra pas se contenter d’ouvrir un débat dans les prochains mois, mais il conviendra de veiller à son aboutissement. Nous devrons, ainsi, être solidaires avec nos compatriotes les plus fragiles. Ceux qui ne sont pas aujourd’hui sur le chemin de l’emploi ne devront pas être exclus à l’automne de leur vie et devront bénéficier de l’accompagnement auquel ils ont droit.

M. Nicolas Perruchot. Très bien !

M. François Sauvadet. L’autre grand défi concerne notre jeunesse. Nous nous inquiétons et nous nous y intéressons quand elle descend dans la rue. Mais bâtir une France solidaire, c’est aussi lui ouvrir des perspectives d’avenir. Je souhaite et je propose que vous fondiez un véritable pacte avec la jeunesse de France…

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. François Sauvadet. …pour comprendre ses aspirations, ses craintes, soutenir et accompagner son autonomie et la préparer à sa vie professionnelle. En effet, 25 % de nos jeunes sont au chômage, un jeune sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté, nombre d’entre eux sortent du système scolaire sans diplôme et sans qualification. Ce constat cruel nous oblige à agir. L’alternance, les parcours professionnalisant doivent être portés comme des filières d’excellence. Arrêtons de former des jeunes dans des filières qui ne conduisent à rien ou en tout cas qu’à des impasses désespérantes.

M. Marcel Rogemont. L’alternance marche aussi en politique ! C’est pour 2012 !

M. François Sauvadet. Monsieur le Premier ministre, parce que les temps sont durs, parce que le chemin de la rigueur dans notre gestion collective reste devant nous…

M. René Couanau. Très bien !

M. François Sauvadet. …et que nous devons assumer une responsabilité majeure collective, parce que nous avons conscience des enjeux, nous, députés du groupe Nouveau Centre, nous voterons la confiance. Mais cette confiance doit être fondée sur le partenariat, monsieur le Premier ministre.

M. Jean Dionis du Séjour. Il y a du boulot !

M. François Sauvadet. Ce partenariat doit reposer sur une conception politique simple : c’est qu’il n’y a pas de succès possible pour un pays hors du rassemblement et pas de rassemblement possible sans considérer que la diversité est aussi une chance pour construire l’avenir. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe NC. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Souchet, au titre des députés non-inscrits.

M. Dominique Souchet. Monsieur le Premier ministre, vous avez, à la suite du Président de la République, souligné la volonté de votre gouvernement de s’attaquer, pendant la présidence française du G8 et du G20, aux racines des déséquilibres internationaux qui bouleversent en profondeur toutes nos structures économiques et sociales. Le Président de la République a été très clair le 16 novembre : « Il faut protéger les gens. On ne peut plus vivre dans un monde sans régulation. C’est la vocation de la France de porter le discours de la régulation ».

La crise de 2008 a révélé la faillite d’une libéralisation sans limites et le rôle irremplaçable des États. Dans l’urgence, mais sans traiter les problèmes de fond, ils ont empêché la débâcle du système financier international et inventé le G20, qui doit désormais les traiter.

Il s’agit bien de corriger les désastres entraînés par l’idéologie de la dérégulation, triomphante depuis les années 1970, et dont l’Europe a été la première victime. Elle a pris de plein fouet la conjonction de l’émergence des nouvelles puissances du Sud-Est asiatique et des effets économiques et sociaux de la dérégulation. Elle est donc intéressée au premier chef par la correction de trajectoire à laquelle va s’atteler la présidence française.

Dans les trois domaines principaux où celle-ci est appelée à intervenir, la situation se présente différemment. La régulation du système financier mondial est en marche depuis le sommet de Pittsburgh. L’idée de récréer un système monétaire international gagne du terrain. En revanche, la réforme du système du commerce international se heurte encore à d’importantes résistances idéologiques.

S’agissant du système financier mondial, la faillite de Lehman Brothers a conduit à une révision déchirante du mouvement de libéralisation systématique lancé dans les années 1980, remplacé par un processus de remise en ordre des marchés. Un certain nombre de pas ont été accomplis, mais il ne faut pas s’en contenter. Le processus est enclenché, mais la réforme ne fait que commencer.

En ce qui concerne la réforme du système monétaire international, avec courage et peut-être témérité, le chef de l’État et votre gouvernement entendent en faire la priorité de la présidence française. Là également, il s’agit d’introduire un changement de cap radical par rapport à l’idéologie de la non-régulation, au non-système monétaire international dans lequel nous vivons – mal – depuis 1971 et à la fin de la convertibilité du dollar en or. Là encore, c’est l’Europe qui pâtit le plus des distorsions monétaires, de la surévaluation tendancielle de l’euro et de la sous-évaluation recherchée du dollar et du yuan.

Le sommet de Séoul s’est approprié l’idée française et a commandé au FMI des analyses. À partir de là, il faudra que le Gouvernement français porte des propositions audacieuses, par exemple l’idée d’un serpent monétaire international limitant les fluctuations entre devises, dont la France avait été le promoteur en Europe avec le SME.

Si l’on veut réellement avancer, l’Europe devra mettre de l’ordre dans sa propre maison. Cela implique de modifier substantiellement la gestion de l’euro pour l’adapter à l’hétérogénéité des États membres, en reconnaissant que l’euro ne correspond pas à une zone monétaire optimale. Cela implique également de définir un nouveau système monétaire européen coopératif pour associer les autres devises ayant cours dans l’Union européenne. Sans cela, l’Europe restera une zone d’instabilité monétaire, ce qui affectera évidemment sa crédibilité en tant que porteur de réforme.

Enfin, s’agissant de la nécessité de revenir sur la dérégulation du commerce international, des résistances idéologiques demeurent, en particulier au niveau des institutions européennes. Le libre-échangisme naïf qui a amené les Européens à se faire les avocats inconditionnels des accords de Marrakech reste encore prégnant, en dépit de leurs effets dévastateurs sur notre tissu économique.

Ailleurs, les esprits ont davantage évolué. Les États-Unis n’ont plus le déficit heureux. Ils ont même proposé, à Séoul, son plafonnement, proposition difficile à mettre en œuvre peut-être, mais l’idée est lancée.

Il a été décidé à Séoul de définir des instruments de mesure pour parvenir à un constat partagé. C’est un premier pas indispensable, mais il faudra passer ensuite du constat à l’action et, surtout, ne pas exclure, pour corriger des déséquilibres insupportables et destructeurs, l’adoption de mesures de correction destinées à compenser des avantages prohibitifs, notamment en matière de coût du travail. Là encore, il faudra remettre de l’ordre dans la maison européenne. Il faudra notamment remettre en cause la politique de la concurrence telle que la pratique la Commission européenne. Cette politique est devenue une sorte de butte témoin d’une idéologie dépassée et nocive, et elle a pour principal effet d’empêcher nos entreprises et nos États de conduire une politique industrielle européenne offensive.

Monsieur le Premier ministre, c’est un défi considérable que votre gouvernement doit relever. Le Président de la République a indiqué l’enjeu : « si le G20 d’après crise ne s’attaque pas aux réformes structurelles dont le monde a besoin, il perdra sa légitimité ».

Je souhaite à votre gouvernement de faire triompher la coopération, pour que notre monde multipolaire ne soit pas livré demain à la seule compétition. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Explications de vote

M. le président. Au titre des explications de vote, la parole est à Mme Catherine Vautrin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Catherine Vautrin. Persévérance, continuité et nouvelle étape du quinquennat, les députés du groupe UMP, monsieur le Premier ministre, ont retrouvé ces marqueurs tout au long de votre discours de politique générale.

Vous avez rappelé que le Gouvernement était dans l’action, pour gérer la crise économique la plus forte depuis 1930, pour bâtir une France moderne.

Poursuivre les réformes est indispensable pour maîtriser notre souveraineté nationale, notre liberté. Avec vous, les députés font le choix de la cohérence et du courage politique.

Cohérence dans la continuité des réformes : renforcement de la croissance au service de l’emploi et de la justice fiscale ; renforcement de la cohésion sociale, avec la rénovation de notre héritage social mais aussi une réponse au sujet du XXIe siècle qui est celui de la dépendance ; sécurité et effort de modernisation de notre justice. Il y a aussi la présidence du G20 et ce moment historique qu’est celui de la construction d’un nouvel ordre économique mondial. Autant de défis pour lesquels votre feuille de route est claire.

Vos ambitions pour la France méritent une mobilisation de chacun d’entre nous, sur l’ensemble de ces bancs, au service de la nation.

Malheureusement, la gauche vient une fois de plus de nous montrer son incapacité à évoluer. Elle n’a toujours pas mesuré que le monde changeait, que les modèles devaient évoluer.

Les députés UMP, eux, sont fiers d’accorder leur confiance à votre gouvernement. Christian Jacob vous l’a dit, nous sommes tous mobilisés et déterminés au service de la réforme de la France, et nous voterons la confiance avec détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Alain Vidalies. En 2007, monsieur le Premier ministre, en présentant votre gouvernement, vous déclariez : « Cette ouverture, ne vous y trompez pas, est beaucoup plus qu’une affaire gouvernementale, c’est un nouvel état d’esprit ! »

Vous citiez alors le Général de Gaulle : « Prétendre représenter la France au nom d’une fraction, c’est une erreur nationale impardonnable. » Permettez-moi aujourd’hui de vous renvoyer le compliment. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Votre discours n’a que la valeur d’un discours. Nous savons malheureusement d’expérience que le Président de la République et vous êtes capables de déclarer solennellement n’avoir reçu aucun mandat pour toucher à l’âge légal de la retraite et, dans un même élan, d’imposer une réforme des retraites injuste, qui va frapper d’abord les ouvriers, ceux qui ont des métiers pénibles et des carrières professionnelles difficiles, au premier rang desquels les femmes.

Nous pouvions espérer au moins que vous tireriez les enseignements de la crise sans précédent du capitalisme financier. Le système bancaire a été sauvé par de l’argent public, et nous vous avons soutenu. Mais, sitôt l’alerte passée, la spéculation repart de plus belle. Les Français, consternés, constatent que tout recommence comme hier dans le monde merveilleux de la finance.

En janvier 2010, devant des millions de Français, Nicolas Sarkozy annonçait la fin de la crise et la baisse du chômage dans les prochains mois. Non, la crise est toujours là, avec ses conséquences dures pour les Français.

Le plus extraordinaire est que vous mainteniez durant la crise des mesures qui se révèlent destructrices, comme les 4 milliards d’euros chaque année pour encourager les heures supplémentaires, véritable machine à détruire des emplois sur fonds publics.

Vous nous annoncez enfin que vous envisagez une réforme fiscale pour remettre en cause le bouclier fiscal, mais personne ne doit être dupe car on connaît l’objectif, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune.

M. Alain Néri. Bien sûr !

M. Alain Vidalies. Pour les Français, la crise, c’est d’abord le chômage, et vos réponses sont marquées du sceau de l’incohérence.

Comment prétendre faire de l’emploi une priorité quand, dans le même temps, vous votez un budget prévoyant une diminution des crédits pour l’emploi et, notamment, les emplois aidés ?

Cette incohérence marque aussi votre politique sur la sécurité. Les Français ont maintenant compris qu’avec vous, c’était toujours plus de lois, dix-sept en quatre ans, et toujours moins de policiers et de gendarmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous allez continuer, comme depuis trois ans, à démanteler méticuleusement les services publics, au premier rang desquels l’éducation nationale.

Vous avez parlé de la peur et de l’angoisse des Français, et vous avez raison. Mais c’est face à votre politique qu’ils ont peur et qu’ils sont angoissés. Ils savent que le travail du dimanche, c’est vous, les franchises médicales, c’est vous, les déremboursements, c’est vous, la hausse des mutuelles, c’est vous, la hausse des tarifs de l’électricité, c’est vous, la crise du logement social, c’est vous. L’explosion de la précarité au travail et de la pauvreté, voilà une réalité de la France d’aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Votre majorité a été capable de voter dans le même temps le bouclier fiscal et la fiscalisation des indemnités journalières pour accidents du travail. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Vous nous avez parlé de la dépendance, mais l’important, ce sont les mots exacts et chacun ira vérifier ce que vous avez dit. Vous avez parlé d’assurance obligatoire ou facultative,

M. Alain Néri. Eh oui !

M. Alain Vidalies. …d’assurance personnelle ou collective.

M. Alain Néri. Eh oui !

M. Alain Vidalies. Derrière ces mots, chacun doit comprendre que vous ouvrez la porte au démantèlement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, vous avez dépassé ce qui est envisageable dans le discours politique lorsque vous avez utilisé cette phrase à propos des jeunes : dissiper la peur, c’est alléger la dette qui pèse sur chaque berceau. Qu’un gouvernement et qu’une majorité qui, il y a quelques semaines, ont transféré 130 milliards de dettes de la CADES sur les années 2021 à 2025 (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe GDR.), c’est-à-dire sur des enfants de six, huit et dix ans, viennent nous donner des leçons de courage, je crois que cette partie de votre intervention était parfaitement inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Normalement, un discours de politique générale d’un nouveau Premier ministre, c’est un rendez-vous avec les Français, mais il n’y a ni nouveau Premier ministre, ni nouvelle politique. Chacun a compris que vous aviez rendez-vous non pas avec la France mais seulement avec l’UMP. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, lorsqu’il était en campagne pour l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy et ses conseillers avaient théorisé leur stratégie politique dans une expression : le storytelling. Derrière cette expression, issue, comme par hasard, du monde des séries télévisées américaines, se cachait tout simplement l’idée que la vie politique n’est plus qu’un feuilleton, qu’il faut alimenter chaque jour par de nouveaux épisodes.

Aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, vous avez tenté de clore à votre profit le dernier épisode en date, celui du remaniement.

Comme d’habitude, Nicolas Sarkozy, porté par ses excès de langage, jamais démentis, jamais maîtrisés, n’avait pas hésité à annoncer qu’il allait tout changer. Finalement, avec votre gouvernement remanié, ce sont les mêmes acteurs et, avec votre discours d’aujourd’hui, c’est le même scénario. La fin elle-même semble déjà écrite à l’avance.

Nous cherchons désespérément dans votre discours de politique générale le programme de gouvernement pour les dix-huit mois à venir. Pour la France, pour les Français, ces dix-huit mois ne doivent pas être perdus.

Au lieu de cela, nous avons eu la désagréable impression de nous trouver dans une réunion électorale de l’UMP : votre discours comptait plus de messages en direction de vos troupes qu’en direction des Français.

Les messages exprimés par les Français ces derniers mois, tant lors des élections régionales que lors des manifestations contre votre réforme des retraites, leurs attentes, on avait bien du mal à les retrouver dans cet entre-soi. Nous avons eu droit à des critiques à peine voilées contre l’ancien numéro deux de votre gouvernement, M. Borloo. Nous avons eu droit à des messages à peine codés à l’égard du Président de la République lui-même, dont avez tenu à vous démarquer sur la forme.

Nous savions depuis dix jours que la France aurait le même Premier ministre et, pour une grande part, le même gouvernement. Nous avons maintenant la confirmation que nous aurons la même politique. Mais les jeux politiciens internes entre chefs de l’UMP n’intéressent pas les Français.

Mme Claude Greff. Les vôtres non plus !

M. François de Rugy. Les Français auraient aimé, et nous avec eux, que vous tiriez enfin les leçons de la crise. Quelles réponses nouvelles comptez-vous apporter ? Comment comptez-vous redéfinir nos modes de production et de consommation ? Comment comptez-vous développer de nouvelles activités économiques, seules à même de relever le défi de l’écologie et de l’emploi ?

Vous avez parlé de la fiscalité. Si vous avez été moins franc que Nicolas Sarkozy, qui n’avait pas hésité à annoncer la suppression pure et simple de l’impôt de solidarité sur la fortune, tout le monde a bien compris que la convergence fiscale franco-allemande n’était qu’un alibi pour baisser les impôts sur les gros patrimoines. Rien en revanche dans votre discours pour répondre à l’aspiration profonde et maintes fois exprimée des Français à la justice fiscale.

Dans le même temps, vous avez fait un terrible aveu sur les délocalisations. Vous n’avez pas hésité à déclarer qu’il faudrait plusieurs décennies pour avoir une concurrence plus équilibrée avec une puissance économique comme la Chine. Vous refusez obstinément de voir que c’est non pas la crise mais bien la dérégulation totale du commerce mondial qui a abouti à cette concurrence déloyale qui détruit inexorablement l’industrie et des millions d’emplois depuis des décennies en France.

Vous vous êtes gargarisé du rôle de la France à la tête du G20, mais vous n’avez rien dit de ce qu’était le programme de la France pour une régulation économique et financière mondiale. Vous n’avez rien dit de ce que serait la position de la France au prochain sommet sur le changement climatique. Votre triomphe contre M. Borloo, votre ancien ministre de l’écologie, vous conduit à balayer les enjeux écologiques en quelques secondes alors que l’attente des Français pour participer au changement sur ce sujet n’a jamais été aussi forte.

Dans le fond, vous vous êtes livré à un plaidoyer pro domo pour glorifier un bilan pourtant désavoué par les Français.

Même sur la réforme constitutionnelle de 2008, qui prévoyait le référendum d’initiative citoyenne, vous renvoyez à une obscure discussion avec le Conseil d’État. Permettre aux Français de reprendre la parole devrait pourtant être une priorité absolue après l’affrontement sans dialogue que vous avez conduit sur les retraites. Si votre engagement est sincère, soutenez sans hésitation notre proposition de loi organique qui sera examinée en séance le 2 décembre prochain. Ne renvoyez pas à plus tard.

Sur ce sujet comme sur d’autres aussi graves que l’endettement, par exemple, vos discours sonnent creux tellement ils sont éloignés non seulement de ce vous avez réellement fait depuis trois ans, l’explosion des déficits, l’explosion de la dette, mais aussi de la réalité vécue par les Français.

Vous l’aurez compris, monsieur le Premier ministre, comme les Français, nous sommes à mille lieues de votre discours figé dans la certitude que rien ne doit changer dans votre politique. Les députés écologistes, ainsi que les députés communistes et du Parti de gauche du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, voteront contre cette déclaration de politique générale qui aura certes été très générale mais fort peu politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Nicolas Perruchot. Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre a fait le choix de la réforme et du mouvement dès 2007. Je voudrais aujourd’hui vous dire à quel point les raisons de ce choix n’ont pas disparu. Mieux, je crois pouvoir vous dire que les défis auxquels notre pays se trouve aujourd’hui confronté, après la crise économique sans précédent que nous venons de subir, requièrent courage et détermination dans la conduite de l’action publique.

M. Éric Raoult. Très bien !

M. Nicolas Perruchot. C’est ce même courage et cette même lucidité qui guident l’action de notre majorité depuis plus de trois ans maintenant.

Nous avons encore beaucoup de chantiers à engager ; ce n’est pas le moment de se déconcentrer, de perdre en chemin l’objectif qui est le nôtre depuis 2007, à savoir moderniser et réformer notre pays au service des Français.

À tous ceux qui se contentent de gesticuler, de polémiquer et de bavarder, j’oppose une nouvelle fois notre détermination sans faille à agir pour bâtir une France plus compétitive, plus juste et plus solidaire.

Aujourd’hui, seule l’action compte, au moment où notre pays aborde une séquence politique majeure avec, notamment, la présidence du G8 et du G20.

Aussi, je vous le dis sans complexe, monsieur le Premier ministre, le groupe Nouveau Centre est résolu à prendre toute la place qui est la sienne au sein du pacte majoritaire, résolu à mettre tout en œuvre pour apporter au débat public tout ce que notre famille politique compte d’humanisme, de tolérance et de justice.

Car, j’en suis convaincu, les indispensables chantiers que nous avons à engager ne pourront être menés à leur terme sans justice sociale, sans tempérance et sans équité. Ces valeurs, qui sont les valeurs centristes, doivent trouver un écho dans l’action qui va nous guider ces prochains mois.

M. Jean Launay. Nous avons vu ce qu’il en était avec le remaniement !

M. Nicolas Perruchot. Pour y parvenir, nous sommes résolument décidés à placer notre action sous le signe de la proposition, de la construction, mais aussi de l’innovation.

Bâtir une France plus juste, une France capable d’offrir à sa jeunesse la place qu’elle mérite, une France résolue à conjuguer compétitivité et développement durable : tels seront, vous l’aurez compris, les déterminants de l’action de notre groupe politique dans les mois à venir.

Ces trois dernières années, la majorité présidentielle a mis toutes ses forces au service de la modernisation de notre pays. Je suis aujourd’hui convaincu qu’elle doit puiser dans chacune de ses sensibilités les moyens d’expliquer et de mettre en œuvre les réformes passées et à venir.

Mes chers collègues, le choix de la réforme et du mouvement n’est pas le plus simple. Il requiert courage, détermination, mais aussi sens des responsabilités.

Ce n’est pas le choix le plus simple mais c’est le choix le plus juste, car le dogmatisme n’est pas compatible avec ce que notre pays a de grand et de moderne. Nous ne préserverons ni notre modèle social ni notre rang international sans cette audace et ce courage qui nous animent depuis maintenant plus de trois ans. Nous en sommes, les uns et les autres, convaincus, sachez-le, monsieur le Premier ministre.

C’est donc avec la ferme conviction que nous nous tenons à un moment décisif pour l’avenir de notre pays que je renouvelle une fois encore l’adhésion des députés centristes à la politique du Président de la République et à celle de son Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Vote en application
de l’article 49, alinéa 1er, de la Constitution

M. le président. Le Premier ministre ayant engagé la responsabilité du Gouvernement, je vais mettre aux voix l’approbation de sa déclaration de politique générale.

Le vote se déroulera dans les salles voisines de la salle des séances.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Il est ouvert pour une durée de quarante-cinq minutes. Il sera donc clos à dix-sept heures quarante-cinq.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Voici le résultat du scrutin sur la déclaration de politique générale du Gouvernement.

M. Jean Mallot. Le suspense est intense !

M. le président.

Nombre de votants 555

Nombre de suffrages exprimés 552

Majorité absolue 277

Pour l’approbation 326

Contre 226

L’Assemblée nationale a approuvé la déclaration de politique générale du Gouvernement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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